Commande publique - Procédure formalisée : la hiérarchisation des critères validée sous condition
Dans un arrêt du 20 décembre 2013, la cour administrative d'appel de Nantes autorise que les critères, dans le cadre d'une procédure formalisée, soient hiérarchisés, si ceux-ci apparaissent en pratique pondérés avec un coefficient équivalent.
Dans les faits, le Syndicat intercommunal des ordures ménagères (Sitcom) de Rhuys, en Bretagne, a lancé une procédure d'appel d'offres ouvert en vue de la passation d'un marché à bons de commande pour la gestion et l'exploitation d'une déchetterie. Une société, dont l'offre n'a pas été retenue, a saisi le tribunal administratif pour faire annuler la procédure du fait de la méconnaissance par le Sitcom de ses obligations de publicité et mise en concurrence. A ce titre, elle soutient notamment que le Sitcom n'a pas respecté les dispositions de l'article 53 II du Code des marchés publics (CMP) qui imposent au pouvoir adjudicateur, en cas de procédure formalisée, de pondérer les critères. En effet, l'acheteur public, dans l'avis d'appel public à la concurrence (AAPC), a indiqué qu'il allait hiérarchiser les critères mais sans justifier le recours à cette méthode, comme l'impose pourtant la réglementation. Par ailleurs, la personne publique qui avait hiérarchisé ces critères par ordre décroissant, a finalement décidé de pondérer ceux-ci lors de l'examen des offres par la commission d'appel d'offres (CAO) en attribuant aux trois critères la même valeur. N'ayant pas obtenu satisfaction sur ce point devant le tribunal et estimant qu'elle a perdu une chance sérieuse d'obtenir le marché à cause de ce brusque changement de méthode de notation, la société requérante a formé un appel.
Le pouvoir adjudicateur, dans le cadre d'une procédure formalisée, qui hiérarchise ses critères sans justification, puis décide de les pondérer de façon équivalente lors de l'examen des offres, prive-t-il le candidat d'une chance sérieuse de se voir attribuer le marché ? A cette question, la cour administrative d'appel de Nantes répond par la négative. Cette dernière rejette la requête de la société au motif que "s'il est constant que la procédure d'attribution du marché était irrégulière, les trois critères ont finalement été mis en œuvre suivant une méthode de pondération conforme aux dispositions du dernier alinéa du II de l'article 53 du CMP". En effet, selon la juridiction d'appel, la méthode de notation (pondération) imposée par le CMP a été respectée, empêchant par conséquent de remettre en cause les appréciations de la CAO. Selon la cour, ce changement de notation n'a pas privé en pratique l'entreprise évincée d'une chance sérieuse de remporter le marché. Il serait sans doute intéressant de connaître la position du Conseil d'Etat sur ce point si celui-ci venait à être saisi.
Référence : Cour administrative d'appel de Nantes, 20 décembre 2013,n°11NT02546
Rappel de l'article 53 II du Code des marchés publics
"II. Pour les marchés passés selon une procédure formalisée autre que le concours et lorsque plusieurs critères sont prévus, le pouvoir adjudicateur précise leur pondération.
Le poids de chaque critère peut être exprimé par une fourchette dont l'écart maximal est approprié.
Le pouvoir adjudicateur qui estime pouvoir démontrer que la pondération n'est pas possible, notamment du fait de la complexité du marché, indique les critères par ordre décroissant d'importance.
Les critères, ainsi que leur pondération ou leur hiérarchisation, sont indiqués dans l'avis d'appel public à la concurrence ou dans les documents de la consultation."