Social - Prime d'activité : l'Assemblée vote le remplacement par la CSG et le gouvernement attend la censure
Lors de l'examen, en deuxième lecture, du projet de loi de finances (PLF) pour 2016 (voir aussi notre article du 15 décembre), l'Assemblée nationale a également adopté la disposition qui avait été introduite en première lecture par Jean-Marc Ayrault et 160 députés socialistes (voir notre article du 16 novembre) puis avait été supprimée par le Sénat. Le PLF doit être définitivement adopté lors d'un vote sur l'ensemble du texte ce 17 décembre.
Des "interrogations opérationnelles"
L'amendement en cause (article 34 bis du PLF) prévoit de remplacer la prime d'activité, qui doit entrer en vigueur le 1er janvier 2016 à la place du RSA activité et de la prime pour l'emploi, par une baisse de la CSG sur les bas salaires (jusqu'à 1,3 Smic) - ce qui introduirait un début de progressivité -, combinée néanmoins avec un reliquat de prime d'activité...
Une telle réforme, lancée sans véritable étude d'impact, pourrait être particulièrement lourde de conséquences, en particulier en termes budgétaires. Le gouvernement a donc tenté une nouvelle fois - sans succès - de convaincre les auteurs de la mesure de renoncer au texte. Michel Sapin a ainsi rappelé que, dès la première lecture du texte, l'amendement avait "soulevé un certain nombre d'interrogations". "Je laisse de côté le débat constitutionnel, même s'il a évidemment sa valeur -, pour m'en tenir au fond des choses", a précisé le ministre, faisant également part d'"un certain nombre d'interrogations opérationnelles sur la mise en œuvre".
Dans un échange étonnant avec la présidente de la séance - la députée (PS) du Calvados, Laurence Dumont -, Michel Sapin a refusé de choisir entre les trois positions possibles du gouvernement sur un amendement, que lui rappelait la présidente : favorable, défavorable, ou sagesse de l'Assemblée. Exactement comme en première lecture, le ministre des Finances a préféré "s'en remettre au vote de l'Assemblée" (position qui n'existe pas), plutôt que d'évoquer la "sagesse" de l'Assemblée, sur un texte qu'il désapprouve totalement... Michel Sapin a cependant pris cette position inédite "avec la perspective de continuer la discussion et le débat, non pas pour remettre en cause ce dispositif, mais pour qu'il soit mis en œuvre dans des conditions juridiquement et opérationnellement irréprochables". Du coup, le ministre des Finances a levé le gage budgétaire pour permettre l'adoption de l'amendement.
Des voix dissonantes
Si les 160 députés socialistes qui ont suivi Jean-Marc Ayrault en première lecture sont majoritaires, ils ne représentent cependant pas tout le groupe socialiste (275 membres et 12 apparentés) et certaines voix dissonantes n'ont pas manqué de se faire entendre.
Dominique Lefebvre, député du Val d'Oise et vice-président de la commission des finances, a rappelé "que, sur ce sujet que nous connaissons depuis quinze ans, nous avons des problèmes constitutionnels à régler au regard du principe d'égalité devant l'impôt et du principe d'intelligibilité de la loi" et que "l'amendement tel qu'il est rédigé ne répond pas forcément à ces deux principes". Il s'est fait encore plus précis en affirmant qu'une validation de cette disposition par le Conseil constitutionnel "ne [lui] semble pas assurée aujourd'hui".
Ces différentes allusions du ministre des Finances et du vice-président de la commission des finances ne laissent guère de doutes sur le fait que le gouvernement et certains parlementaires de sa majorité espèrent vivement, sans le dire ouvertement, une censure du Conseil constitutionnel. Une situation inédite, mais qui rappelle néanmoins la décision du Conseil constitutionnel du 28 décembre 1990, qui avait alors censuré une première tentative de progressivité de la CSG. Avec toutefois une différence de taille : à l'époque, le gouvernement n'avait aucune raison de souhaiter la censure...
Jean-Noël Escudié / PCA
Références : projet de loi de finances pour 2016 (adopté en seconde lecture par l'Assemblée nationale le 16 décembre 2015).