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Mission sur l'insécurité - Prévention : le rapport Blazy veut renforcer la place du maire

Après un an de travail, la mission sur la lutte contre l'insécurité sur tout le territoire a rendu public son rapport, mercredi 22 octobre. Pas moins de 60 propositions sont avancées pour repenser la politique de sécurité publique. Le rapporteur propose notamment de renforcer la place du maire au sein des ZSP et de doubler les crédits du FIPD.

Le député-maire PS de Gonesse Jean-Pierre Blazy l'affirme résolument : il n'est pas question de "décentralisation" de la sécurité, pas plus qu'il n'envisage "d'encourager le développement des polices municipales". En revanche, dans son volumineux rapport "sur la lutte contre l'insécurité sur tout le territoire", rendu public mercredi 22 octobre, la mission d'information dont il a été le rapporteur formule 60 propositions pour "repenser" la politique de sécurité publique dans une "approche intégrée", tenant compte davantage des "réalités locales et des attentes de la population".
Ce rapport est le fruit d'an de travail, de 60 auditions et tables-rondes et de plusieurs déplacements. Un parcours marqué par un incident : la démission, au cours de l'été 2014, des trois membres UMP de la mission, suite au changement d'affectation du général Bertrand Soubelet, directeur des opérations et de l'emploi de la gendarmerie, qui, devant la mission, le 18 décembre, n'avait pas hésité à critiquer la politique pénale, citant l'exemple des Bouches-du-Rhône où un grand nombre d'auteurs de cambriolages se retrouvaient dans la nature… Quelques mois plus tard, il apprenait son affectation à la direction de la gendarmerie d'outre-mer. Ce qui a été vu comme une sanction contre sa liberté de ton. Lors d'une conférence de presse, mercredi, Jean-Pierre Blazy a dit avoir "regretté" la démission des députés UMP et souligné "la nécessité qu'il y avait dans ce pays de dégager enfin un consensus républicain".

"Contexte dégradé"

Selon le député, la réflexion de la mission s'inscrit dans un "contexte dégradé". Il a mis en avant le paradoxe du quinquennat précédent : "D'un côté, on a assisté à une inflation pénale et, en même temps, on a fait la RGPP en supprimant 13.500 postes." Il a appelé à sortir du "débat un peu trouble" entre insécurité et sentiment d'insécurité. Afin d'avoir une meilleure connaissance des phénomènes, le rapport propose en premier lieu de "développer les enquêtes de victimation au niveau local, au moyen de financements supplémentaires du FIPD", et le développement les observatoires locaux de la délinquance, mettant en relation chercheurs et collectivités, comme c'est le cas à Aix-en-Provence.
Car selon Jean-Pierre Blazy, la délinquance s'est "complexifiée" et nécessite de concentrer les efforts sur les priorités, d'alléger les tâches bureaucratiques auxquelles les policiers et gendarmes sont astreints. "Quand on passe son temps à faire des procédures, on n'est plus sur le terrain", a-t-il insisté, pointant également la vétusté des parcs automobile et immobilier des forces de sécurité. Le député préconise de poursuivre le redéploiement territorial, en fonction des densités de population et du niveau de délinquance, tout en maintenant le maillage de la gendarmerie "de façon à garantir la proximité avec la population et l'égal accès de tous à la sécurité publique".

Les ZSP : un "entre-soi institutionnel"

La mission a consacré beaucoup de son temps à observer le dispositif des zones de sécurité prioritaire (ZSP). Il en existe 80 aujourd'hui. Constatant leur efficacité, le rapport propose de stabiliser leur nombre mais de leur consacrer plus de moyens. Alors que ces ZSP reposent sur un partenariat renforcé au sein de deux cellules - la cellule de coordination opérationnelle des forces de sécurité intérieure (Ccofsi) en matière répressive et la cellule de coordination opérationnelle du partenariat (Ccop) pour ce qui est de la prévention -, le rapporteur appelle à renforcer le rôle du maire en leur sein. Le dispositif est "trop étatique", estime-t-il.
La circulaire du 30 juillet 2012 donnait la possibilité d'inviter le maire à participer aux réunions de la Ccofsi. "Aujourd'hui, très peu de maires peuvent y participer", a-t-il dénoncé, épinglant un "entre-soi institutionnel" entre le préfet et le procureur. "Pour établir une stratégie, la présence du maire est très utile", a encore insisté l'élu.
Reste l'autre cellule, la Ccop, dont le maire est membre de droit. Une évidence, puisque cette cellule s'intéresse précisément aux actions de prévention, dont le maire est censé être le pivot depuis la loi du 5 mars 2007. Or la circulaire prévoit que cette cellule est copilotée par le préfet et le procureur, mais pas par le maire. "C'est un paradoxe qu'il faut corriger", estime Jean-Pierre Blazy.

Les ZSP, un laboratoire pour le reste du territoire

Le député déplore aussi un empilement entre la Ccop et les dispositifs préexistants tels que les conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD). Les coordonnateurs de CLSPD interrogés par la mission ont pointé l'absence de coordination entre ces dispositifs, au risque de dissuader les acteurs de participer aux réunions du CLSPD. Le rapport propose cependant de maintenir les deux niveaux, la Ccop étant plus "opérationnelle" que le CLSPD et leur champ territorial étant différent. Cependant, la Ccop pourrait constituer l'un des groupes de travail du CLSPD.
Alors que l'effet "report" ou "plumeau" de la délinquance en dehors du périmètre de la ZSP a souvent été évoqué lors des auditions, la mission regrette l'absence d'évaluation dans ce domaine.
Mais au-delà de ces quelques imperfections, la mission invite à s'inspirer de la méthode des ZSP qui permet de développer une continuité ente les volets sécurité et prévention, à l'instar de l'approche globale mise en place à Marseille visant à reconquérir une quarantaine de quartiers "par des actions qui s'inscrivent dans la durée à la différence de simples opérations coup de poing". S'il est impossible d'étendre les ZSP à tout le territoire, puisqu'elles reposent sur une concentration de moyens dans les zones où la délinquance est enracinée, en revanche, elles ont vocation à servir de "laboratoire", souligne le rapport.

Associer les maires aux plans départementaux de prévention

La mission appelle notamment à accentuer les efforts en matière de prévention. Elle ne s'est pas penchée précisément sur la délinquance des mineurs : la réforme de l'ordonnance de 1945 sera le troisième gros chantier porté par Christiane Taubira, après le mariage pour tous et la réforme pénale.
Là encore, la place du maire est mise en avant. La mission recommande l'association systématique des maires à l'élaboration des plans départementaux de prévention de la délinquance (déclinaison locale de la stratégie nationale lancée en 2013). Elle préconise aussi d'élaborer une fiche-métier sur les coordonnateurs de CLSPD au sein du CNFPT et d'encourager le développement du "rappel à l'ordre", instauré en 2007, par le biais de conventions entre les maires et les procureurs.

Doubler les crédits du FIPD

Comme il avait eu l'occasion de le dire lors des auditions, Jean-Pierre Blazy maintient son souhait de voir doubler les crédits du fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD) pour les porter à 100 millions d'euros (ils sont de 53 millions d'euros en 2015). Pour ce faire, il souhaite mettre à contribution le secteur de la sécurité privée qui comprend aujourd'hui 150.000 agents pour un chiffre d'affaires de 6 milliards d'euros ! Le secteur est assujetti à une taxe de 0,5% sur son chiffre d'affaires qui rapporte 28 millions d'euros à l'Etat. Sur le total, 14 millions servent à financer le Cnaps (Conseil national des activités privées de sécurité), au-delà de ses besoins réels. Le député propose de récupérer une partie de ce "trop perçu" pour abonder le FIPD. Il suggère même de porter cette taxe à 0,6 ou 0,7%. Jean-Pierre propose aussi d'augmenter la part des amendes forfaitaires de la police de la circulation affectée au FIPD.
L'augmentation de ces crédits permettrait ainsi de multiplier les actions de prévention, notamment en matière de médiation sociale et de prévention spécialisée, de financer des postes de coordonnateurs CLSPD ou d'intervenants sociaux dans les commissariats ou gendarmeries.

Police municipale

Concernant la place des 4.000 polices municipales dans le chaîne de la sécurité, la mission se distingue sur deux points des sénateurs François Pillet et René Vandierendonck - auteurs d'une proposition de loi votée en première lecture au Sénat mais toujours pas inscrite à l'ordre du jour de l'Assemblée. Elle est défavorable à la dénomination de "police territoriale" et plaide donc pour le maintien de la "police municipale". Elle s'oppose, en deuxième lieu, au transfert du pouvoir de police du maire au président de l'intercommunalité. Pour le reste, la mission n'apporte rien de très original. Elle encourage une meilleure coordination entre police municipale et forces de sécurité, alors que la nouvelle convention-type de 2012 n'aurait pas permis de résoudre les difficultés. Et elle n'est pas favorable à la généralisation de l'armement (contrairement à la majorité des syndicats de policiers municipaux auditionnés).

Contraventionnaliser certains délits

Partant du constat que les délits routiers encombrent les tribunaux, le rapport préconise de "contraventionnaliser" certaines infractions aujourd'hui passibles du tribunal correctionnel. Ce serait le cas des infractions pour conduite sous l'empire de l'alcool ou sans permis de conduire. En revanche, la suspension du permis pour conduite en état d'ivresse serait prononcée par le préfet pour une durée d'un an au lieu de six mois actuellement. Selon le rapport, les délits routiers représentaient 36% des délits sanctionnés en 2012.
La mission propose aussi de contraventionnaliser le délit d'occupation de hall d'immeuble mais pour la raison opposée : il n'est quasiment jamais appliqué.

 

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