Prévention de la délinquance et de la radicalisation : pas de pilote dans l’avion, dénonce la Cour des comptes

La Cour des comptes vient de publier un référé sur le secrétariat général du comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (SG-CIPDR), dans lequel elle juge que l'instance, faute d'une organisation et d'une gestion satisfaisantes, peine à porter les stratégies nationales et assurer le déploiement des crédits. Selon Matignon, le SG-CIPDR pourrait se muer en une délégation interministérielle.

Après l’avanie de la gestion du fonds Marianne, qui avait contraint son titulaire à la démission (v. notre article du 8 juin 2023), le secrétariat général du comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (SG-CIPDR) est à nouveau soumis à l’épreuve du feu.

Cette fois, cela vient de la Cour des comptes, qui vient de publier le 4 mars le référé au vitriol que son Premier président avait adressé à la Première ministre le 22 décembre dernier suite à l’enquête conduite auprès de cette instance. Tout sauf un cadeau de Noël, tant les charges sont rudes, le fonds Marianne ne constituant que l’arbre dissimulant une forêt de manquements.

Dans son référé, Pierre Moscovici dénonce un rôle "quasiment inexistant" d’une instance qui "ne se réunit que rarement" ou encore un conseil scientifique à l’activité "très insuffisante depuis sa création" (en 2006). Avec notamment pour conséquence une "actualisation des stratégies nationales" qui "tarde en certains cas à se concrétiser, notamment dans le champ de la radicalisation". Ce fut singulièrement le cas avec la pourtant essentielle stratégie nationale de prévention de la délinquance 2020-2024 (v. notre article du 5 janvier 2021). Également déplorée, "une absence d’information du Parlement", que nous avions récemment relevée (v. notre article du 20 décembre 2023). 

La rue Cambon dévoile encore "une organisation et une gestion des ressources humaines insatisfaisantes" et même "une gestion défaillante des crédits". Une information qui ne manquera pas d’interpeller les collectivités, puisque le SG-CIPDR gère pour mémoire le fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD), lequel est notamment destiné à l’équipement des communes en système de vidéoprotection (v. infra), à la sécurisation des établissements scolaires ou encore aux équipements des polices municipales. Le référé note que la circulaire fixant la doctrine du FIPD auprès des préfets, qui gèrent 90% des crédits, "est trop tardive pour assurer des conditions d’arbitrage et d’exécution budgétaire satisfaisantes au niveau déconcentré". Pis, la Cour dénonce "de graves dysfonctionnements" dans les conditions d’attribution et d’exécution des crédits centraux portés directement par le SG-CIPDR, relevant notamment "qu’une grande partie des subventions ont été accordées en dépit de dossiers incomplets". Et de souligner que "le caractère systémique de ces défaillances, qui dépassent le seul cas du fonds Marianne […], démontre l’absence de maîtrise par le SG-CIPDR d’une de ses missions essentielles".

"Une remise en ordre rapide s’impose", conclut le Premier président. Elle serait, d’après la réponse du Premier ministre Gabriel Attal, déjà à l’œuvre. Pour pallier son "statut juridique inexistant", le SG-CIPDR pourrait ainsi se muer en une délégation interministérielle, placée par délégation du Premier ministre auprès du ministre de l’Intérieur. L’actuel secrétaire général Etienne Apaire affirme de son côté avoir entrepris de "réinstaurer une culture de la rigueur administrative et budgétaire". Il souligne également que depuis le 1er janvier dernier, la part du FIPD et la gestion des subventions concernant la vidéoprotection sur la voie publique allouée aux collectivités locales ont été transférées à la nouvelle Direction des entreprises et partenariats de sécurité et des armes du ministère de l’Intérieur (création décidée dans le cadre de la Lopmi - v. notre article du 25 janvier 2023). Enfin, on relèvera que la réponse de l’ancien secrétaire général du CIPDR tendrait à accréditer ce que nous indiquait Alexandre Touzet, président du groupe de travail Prévention de la délinquance au sein de Départements de France, à l’endroit du CIPDR : "Une structure très légère. Non pas dans le sérieux de ses équipes, mais en termes de dimensionnement et de positionnement politique et administratif" (v. notre article du 20 décembre 2023).