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Commerce - À presque trente ans, le Fisac placé en soins palliatifs

Placé en "gestion extinctive" dans le projet de budget pour 2019, le Fisac ne finance plus, l'an prochain, que les opérations en cours. Pour Bernard Stalter, président du réseau des chambres de métiers et de l'artisanat, cette décision manque de cohérence avec la politique de revitalisation des centres-villes. Il appelle à une rénovation du fonds pour plus d'efficacité.

Cette fois-ci, le fonds d'Intervention pour les services, l'artisanat et le commerce (Fisac) est bel et bien amené à disparaître, après quasiment trente ans de bons et loyaux services. Il va être placé en "gestion extinctive", selon l’expression employée dans le "bleu budgétaire" du projet de loi de finances 2019 dont l’examen à l’Assemblée a commencé lundi 15 octobre. Ne seront budgétées que les subventions déjà accordées mais non encore versées. "Quand vous menez une politique d’Action cœur de ville, il faut de la cohérence", déplore auprès de Localtis le président du réseau des chambres de métiers et de l’artisanat (APCMA), Bernard Stalter. "Ce sont quinze millions d’euros mais avec un effet levier important, car le Fisac est un label qualité qui enclenche d’autres aides de toutes les collectivités, les EPCI, les régions", explique-t-il. Pour Bernard Stalter, "ces économies de bout de chandelle vont fragiliser toute une économie".

Fonds d'amorçage

Le Fisac a été instauré en 1989 pour soutenir le commerce et l’artisanat de proximité, fragilisé par la désertification rurale ou l’extension des grandes surfaces. Il permettait jusqu’ici de financer des actions de fonctionnement (recrutement d’animateurs de centre-ville, diagnostics, promotion commerciale…) ou d’investissement (halles et marchés, signalétique, aides directes aux entreprises...), en servant souvent de fonds d’amorçage. Ainsi en est-il allé du "financement de travaux de rénovation et de modernisation des entreprises artisanales et commerciales du centre-ville de Saint-Flour (Cantal), d’un accompagnement numérique pour les artisans et commerçants du centre d’Epernay, de la création d’une boucherie multiservices à proximité d’une boulangerie dans la commune de Martres-de-Rivière (Haute-Garonne)", énumère l’APCMA, dans un communiqué du 12 octobre. "Comment, demain, pourrons-nous créer de telles activités sans Fisac ?", interroge Bernard Stalter. "Là où il y a des cœurs de ville, il y a des collaborations avec les chambres des métiers."
Souvent critiqué pour son manque de lisibilité et sa complexité, le Fisac a vu ses crédits fondre comme neige au soleil ces dernières années, passant de 82 millions d’euros en 2017 à 15 millions d’euros aujourd’hui (un dernier appel à projets avait été lancé au printemps). En 2016, un rapport IGF-CGEDD sur la "revitalisation des centres-villes" soulignait qu’il était devenu sous-dimensionné pour résoudre le problème de la vacance commerciale.

"Créons quelque chose de nouveau"

"Qu’on supprime les lourdeurs administratives, mais créons quelque chose de nouveau, on a besoin d’habiller nos communes très rapidement", argue Bernard Stalter, appelant à "une politique de toutes les villes", et non limitée aux 222 communes du plan Action cœur de ville. A noter que le projet de loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (Elan), voté définitivement par le Sénat ce mardi, va dans ce sens en instaurant l'opération de revitalisation territoriale (ORT) que toutes les communes pourront contracter. Pour être efficace, ce Fisac rénové devrait, selon Bernard Stalter, disposer de 32 millions d'euros, soit son montant de 2010.
Créer un nouvel instrument, c’est justement ce que les sénateurs Rémy Pointereau (Les Républicains - Cher) et Martial Bourquin (Socialiste et républicain – Doubs) ont tenté de faire dans leur proposition de loi Pacte (Pacte national pour la revitalisation des centres-villes et centres-bourgs), votée le 14 juin par la Chambre haute. Ces derniers y proposent de remplacer le Fisac par un nouveau fonds, le Francc (fonds pour la revitalisation par l'animation et le numérique des centres-villes) et de renouer le lien qui existait autrefois avec la grande distribution (jusqu’en 2003, le Fisac était en effet abondé par un prélèvement sur les grandes surfaces). Il serait ainsi alimenté par une contribution pour la lutte contre l'artificialisation des terres prévue par la proposition de loi. Le fonds "pourrait prendre en charge, au moins pour un temps et partiellement, des dépenses de fonctionnement, en particulier liées à la rémunération des animateurs des centres-villes et des centres-bourgs, plus communément appelés 'managers de centre-ville' ou relatives à des formations, par exemple pour aider les commerçants de proximité en matière de transition numérique", préconisent-ils. Quelques-unes des propositions des sénateurs ont pu être intégrées à l’article 54 du projet de loi Elan. Mais rien n’est prévu pour succéder au Fisac.
Bernard Stalter veut cependant voir un signal positif envoyé aux territoires avec la création, ce mardi, du ministère d’État de la Cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales dévolu à Jacqueline Gourault, entourée de deux ministres (Julien Denormandie, chargé de la ville et du logement, et Sébastien Lecornu, chargé des collectivités territoriale). Il exprime cependant une "frustration" : "Dans aucun ministère, je ne trouve le mot artisanat."