Présidentielle - Quand les parents d'élèves s'adressent… aux collectivités
Les propositions des fédérations de parents d'élèves Peep et FCPE dans le cadre de la campagne présidentielle visent souvent les compétences des collectivités. Et leurs implications financières ne sont que rarement envisagées.
Est-ce un effet du manque de lisibilité des compétences respectives de l'État et des collectivités territoriales en matière d'éducation ? Toujours est-il qu'à la lecture des propositions des principales fédérations de parents d'élèves de l'enseignement public publiées dans le cadre de la campagne présidentielle, on s'aperçoit que la frontière entre les responsabilités des uns et des autres est largement ignorée.
En la matière, c'est la Peep (fédération des parents d'élèves de l'enseignement public) qui se livre à la plus grande confusion. Ses premières "propositions pour la future présidente ou le futur président de la République française" portent sur le numérique et plus particulièrement sur la volonté de "généraliser et faciliter l’accès aux outils numériques en mettant à disposition des parents d’élèves des ordinateurs dans les écoles et les établissements scolaires". Une compétence qui n'est pas du ressort de l'État mais des collectivités territoriales... En matière de numérique toujours, il en est de même pour les propositions visant à équiper les salles de classes pour permettre l’enseignement hybride synchrone ou encore généraliser la dotation d’ordinateurs portables à l’entrée du collège et du lycée.
Numérique et bâti scolaire
Plus problématique est le thème des propositions suivantes, qui portent sur les infrastructures des établissements. Si en matière de numérique, les responsabilités se partagent entre les aspects matériels, du ressort des collectivités, et les aspects pédagogiques, du ressort de l'État, en ce qui concerne la conception et la rénovation du bâti scolaire – pour le rendre "attrayant", "fonctionnel" et "en conformité avec les normes sanitaires et écologiques" –, c'est la totalité de la compétence qui revient aux collectivités. La même remarque peut être faite à propos de la proposition visant à "assurer une hygiène irréprochable dans les écoles et les établissements scolaires en affectant du personnel dédié en permanence à l’entretien et à la surveillance des équipements sanitaires". Et encore lorsqu'il s'agit de "réintroduire les cuisines et le personnel qualifié dans les écoles afin de réduire l’impact carbone, de réduire le gaspillage et favoriser les circuits courts" ou de "mieux sécuriser les établissements scolaires en instaurant des contrôles d’accès plus rigoureux tels que des cartes RFID (1) et en généralisant les caméras de surveillance".
Parmi les autres propositions de la Peep, on croise encore de nombreuses compétences attribuées, en tout ou partie, aux collectivités, à l'image des mesures touchant à l'orientation, dont celle demandant de "laisser à la région toute sa place dans les établissements, dès le collège […]". Et d'autres qui peuvent avoir un impact direct sur les finances locales, comme la volonté de "réduire le nombre d’élèves par classe en primaire comme dans le secondaire". Pour l'ensemble de ces propositions, il n'est jamais question du financement. En l'occurrence, d'une compensation de l'État en faveur des collectivités.
Atsem et orientation
On notera enfin l'idée de la Peep d'"instaurer une instance décisionnelle au niveau communal à laquelle les parents siégeraient avec voix délibérative afin de définir le projet éducatif territorial qui deviendrait obligatoire et qui impliquerait les parents". Une telle proposition reprend l'existant, à savoir le projet éducatif de territoire (PEDT), mis en place en 2013, où des représentants des parents d'élèves ont déjà leur place parmi les membres du comité de pilotage.
Du côté de la FCPE, si les propositions ne visent pas toujours des compétences exclusives des collectivités, beaucoup auraient un impact budgétaire immédiat sur ces dernières. C'est notamment le cas de celle "[prévoyant] obligatoirement la présence d’une Atsem (agent territorial spécialisé des écoles maternelles) par classe pour la maternelle".
Les demandes de la FCPE visant à "développer l’accompagnement des familles dans l’orientation des élèves", "limiter les effectifs par classe" ou "développer l’offre culturelle et sportive dès la première année de maternelle en complément des temps scolaires" sont tout aussi susceptibles de peser sur les finances des collectivités. Tout comme l'est une autre proposition aux contours assez larges : "Appliquer la gratuité de l’école grâce à une prise en charge réelle par la puissance publique." Là encore, aucune piste de financement n'est évoquée.
L'argent public pour l'école publique
En revanche, quand la FCPE demande d'"assurer l’égalité d’accès au temps périscolaire des élèves en situation de handicap partout sur le territoire", elle n'oublie pas de préciser que cela passe "par des moyens supplémentaires alloués aux collectivités".
Plus ambigus en matière de financement sont l'appel en faveur d'"un véritable plan de financement de restructuration du bâti scolaire" afin d'améliorer la performance énergétique des établissements, et la volonté d'"équiper nationalement les élèves en outils numériques gratuits". Ici, on peine à comprendre qui devrait payer.
Enfin, on notera le souhait exprimé par la FCPE de réserver "l’argent public exclusivement à l’école publique, en limitant les établissements privés par territoire en fonction de l’offre publique existante". On ne parle alors plus de compétences mais de choix philosophiques et politiques. Mais qui veut vraiment relancer la guerre scolaire ?...
(1) La radio-identification, le plus souvent désignée par l'acronyme RFID, est une méthode pour mémoriser et récupérer des données à distance en utilisant des marqueurs appelés "radio-étiquettes"