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Évaluation des collèges et lycées : les collectivités encore trop discrètes

Dans le tout premier rapport annuel de son histoire, le Conseil d’évaluation de l’école s'appuie sur les évaluations conduites par les établissements et les académies pour pointer le rôle des collectivités dans la vie des établissements scolaires. Mais il déplore leur place encore trop timide dans le processus d'évaluation lui-même.

C'est une première. Depuis que la loi "pour une école de la confiance" du 26 juillet 2019 a décrété que tous les établissements scolaires devaient être évalués de façon systématique et régulière, et a créé un Conseil d’évaluation de l’école (CEE) pour définir la méthode et les modalités de cette évaluation, jamais ce nouvel organe n'avait publié de rapport. C'est chose faite depuis quelques jours.

Points de réussite

Dans le premier rapport annuel de son histoire, le CEE propose "un bilan quantitatif et qualitatif de la mise en œuvre de l’évaluation". Autrement dit, une évaluation de l'évaluation. Le rapport résulte de plusieurs sources. D'abord de la première campagne d’évaluation des collèges et lycées publics et privés sous contrat menée par les académies au titre de l’année scolaire 2020-2021. Une campagne qui a porté sur près de 950 établissements, soit un peu plus de 9% de l’ensemble. Ensuite des 30 bilans annuels réalisés par les académies et des comptes rendus des 39 visites des correspondants académiques (Coac) de l’inspection générale de l'Éducation nationale (IGESR) dans des établissements évalués. Enfin des consultations menées auprès des parties prenantes : représentants des personnels, fédérations de parents d’élèves et associations de collectivités territoriales.

Le bilan quantitatif de ces premières évaluations est jugé "très encourageant" par le CEE qui salue "un engagement collectif sans précédent". L'extrait d'un rapport de visite d’un collège résume les "points de réussite de l’évaluation". On peut y lire que "le processus d’autoévaluation a été l’occasion, collectivement, de prendre un peu de 'distance' avec le fonctionnement de l’établissement", que "la participation de tous les acteurs a semblé essentielle à la construction d’une analyse qui a du sens pour tous" et enfin que "l’autoévaluation a contribué à fédérer et à renforcer le sentiment d’appartenance". Autant d'éléments positifs qui font qu'aujourd'hui l’équipe de direction de ce collège envisage de revenir plus régulièrement sur l’évaluation de l’impact de ses décisions et de développer les réunions de concertation.

Accents technocratiques

À la lecture du rapport, le risque existe cependant pour le CEE – composé de représentants de l'Éducation nationale, de parlementaires et de personnalités qualifiées – d'apparaître comme une commission aux lourds accents technocratiques dont la présence ajoute un étage à une structure  administrative déjà étoffée. La plupart de ses analyses et recommandations portent en effet sur des thèmes autocentrés : "organisation de l’évaluation", "renforcement de la démarche évaluative dans les établissements", "accompagnement des établissements par les académies avant, pendant et après l’évaluation".

Pour sortir de ce regard réflexif, il faut en arriver à la dernière partie du rapport intitulée "Ce que l'évaluation nous apprend des établissements". Là, parmi "quelques invariants observés", le CEE souligne, en matière d'apprentissage, que si "la réussite des élèves est l’objet de l’attention quotidienne des acteurs […], la prise en compte de l’hétérogénéité des élèves dans les pratiques professionnelles demeure une difficulté majeure". Ce qui explique que la question de la différenciation pédagogique soit "très présente dans les rapports".

Inquiétude des personnels

Dans un autre domaine, les rapports issus du terrain laissent apparaître que "la liaison école-collège est en général bien établie", au contraire de la liaison collège-lycée, "moins présente" et "souvent jugée plus complexe à mettre en place".

Le climat scolaire constitue de son côté "un point d’attention et d’inquiétude des personnels", tout comme les conditions matérielles d’accueil (sécurisation des locaux, espaces de détente, nombre et qualité des salles et des équipements) et les moyens humains disponibles pour assurer le bien-être de chacun.

Il est par ailleurs intéressant de constater que l’utilisation des marges de manœuvre de l’établissement en matière de composition des classes, répartition de la dotation globale horaire, etc. ainsi que leurs effets ne sont pas systématiquement évoqués alors que les réformes de ces dernières années ont souvent augmenté la capacité des établissements à opérer des choix.

Sujets cloisonnés

D'un point de vue plus institutionnel, le CEE reconnaît que "si l’évaluation est avant tout centrée sur l’établissement, […] elle constitue également un levier pour l’académie et la collectivité de rattachement dans la conception et la mise en œuvre de leur politique éducative au plus près des besoins de chaque établissement".

Cependant, si "une forte majorité des rapports finaux d’évaluation font référence aux collectivités territoriales, celle de rattachement mais aussi la commune (ou EPCI)", le point de vue des personnels de la collectivité – pourtant qualifiés d'"acteurs essentiels" – "n’a été sollicité que sur des sujets bien identifiés correspondant à un nombre limité de domaines, et souvent de manière cloisonnée".

Le département "décisionnaire", la commune "incontournable"

Il n'en demeure pas moins que les conseils départementaux apparaissent comme "essentiels pour assurer le bon fonctionnement général de l’EPLE [établissement public local d'enseignement]", à travers notamment leur "rôle décisionnaire" en matière de bâti, de services et d’équipement des collèges (numérique et restauration scolaire). À propos de numérique éducatif, le rapport souligne d'ailleurs que "les infrastructures et le matériel font l’objet d’une description de ce qui est mis à disposition ou d’un jugement quant à leur degré de vétusté, qui dépend des relations entre établissement et collectivité".

La commune, quant à elle, est vue "comme un acteur incontournable de la vie de l’établissement et de son insertion dans la communauté locale". Son rôle en matière de sport – à travers la mise à disposition d’équipements –, de culture – par le biais de la médiathèque municipale, de l’école de musique, etc. – mais également d'ouverture internationale – grâce aux jumelages –, de sécurité aux abords de l’établissement, de santé, de lutte contre le décrochage et d’aide à l’insertion, est largement mis en avant dans les évaluations.

Échanges peu explicites avec les collectivités

"Ces observations, affirme le CEE, soulignent à quel point les collectivités territoriales font partie intégrante de la vie de l’établissement." Pourtant, "l’information des collectivités sur les finalités et la méthode d’évaluation est globalement faible". Alors que le cadre d’évaluation prévoit l’envoi de chaque rapport final à la collectivité de rattachement, "peu d’entre elles ont bénéficié d’échanges explicites et approfondis sur ce sujet avec les autorités académiques", pointe le rapport.

Les deux dernières recommandations du CEE encouragent donc un rapprochement entre académies et collectivités autour de la démarche d'évaluation. Il s'agit d'abord de "faire de l’évaluation des établissements un levier pour un pilotage académique de proximité et le dialogue avec la collectivité territoriale de rattachement". Ensuite, de "construire une programmation stratégique, critérisée [sic] et transparente de l’évaluation des établissements, en lien avec la collectivité territoriale de rattachement".

Au final, c’est bien "l’intégration de l’autoévaluation dans le quotidien des pratiques qui est visée". Une pratique qui "incarne pleinement la responsabilité partagée que constitue le service public d’éducation", conclut le CEE.