L'éducation en France présente d'importantes disparités territoriales
"L'état de l'école 2021", récemment publié par la Depp, dresse un état des lieux statistiques très précis de l'éducation en France sous tous ses aspects. En matière d'effectifs, de niveau scolaire ou d'obtention d'un diplôme, les résultats sont contrastés selon les territoires.
Publication annuelle de la Depp (direction de l'Évaluation, de la Prospective et de la Performance du ministère de l'Éducation nationale), "L'état de l'école" offre un panorama complet du système éducatif français. En 114 pages, l'édition 2021 rassemble les indicateurs statistiques les plus pertinents pour analyser les évolutions et les tendances dans l’éducation : scolarité des élèves, investissements, climat scolaire, formation et rémunération des personnels, acquis des élèves, parcours, orientation et insertion professionnelle, etc. Ce travail compile les notes publiées par la Depp tout au long de l'année. Parmi celles-ci, Localtis vous faisait part récemment de l'évolution de la structure de la dépense intérieure d'éducation en 2020 (lire notre article du 24 novembre). Une présentation dans une publication unique permet cependant de mettre en relation des données éparses. Cette approche se révèle particulièrement pertinente en ce qui concerne les données territoriales qui parsèment le document. On apprend ainsi que les inégalités sont importantes dans nombre de domaines.
C'est d'abord la taille des écoles qui trace une limite entre territoires. Ainsi, 79% des écoles ne comptant que deux classes ou moins appartiennent à des communes de moins de 1.000 habitants, essentiellement dans les territoires ruraux. Les bassins de vie des académies de Dijon, Limoges, Clermont-Ferrand et de Corse comptent les plus fortes proportions de ces petites écoles, où elles représentent en moyenne entre un tiers et 40% de l’ensemble. À l’inverse, les bassins de vie situés en Île-de-France, dans l’Ouest, sur le pourtour méditerranéen et en outre-mer comptent très peu de petites écoles.
Vases communicants
Les effectifs scolarisés connaissent ces mêmes disparités territoriales. Dans le premier degré, les effectifs ont diminué de 1,7 % depuis 2009 sur l’ensemble de la France. Avec des évolutions contrastées : les académies de Paris, Reims et Dijon ont connu des baisses de plus de 9%, tandis que Nice, Aix-Marseille, Versailles et Créteil ont vu croître le nombre d’élèves de plus de 3%.
Au collège, on observe plutôt un phénomène de vases communicants. En effet, les effectifs sont stables depuis vingt ans : +0,1% entre 2000 et 2020. Mais les évolutions sont très différenciées entre les académies de Reims, Nancy- Metz, Normandie, Dijon, Lille et Amiens, qui enregistrent des baisses de plus de 10%, et celles de Toulouse, Montpellier, Bordeaux ou Nantes, qui connaissent des augmentations supérieures à 10%.
Autre cas de figure : les effectifs de lycéens en voie GT (générale et technologique) ont progressé de 7,2% depuis 2000. Mais alors que les académies de Montpellier, Toulouse, Créteil, Bordeaux, Versailles et Nice connaissent des hausses de plus de 16% de leurs effectifs, celles de Nancy-Metz, Lille et Reims accusent des baisses supérieures à 10%.
L'évolution des effectifs d'élèves toutes classes d'âge confondues mettent donc en lumière des dynamiques démographiques territoriales qui dépassent largement le cadre scolaire.
Difficultés scolaires
La répartition des collèges en éducation prioritaire (EP) n’est pas plus homogène sur le territoire. Et cela est particulièrement vrai pour les établissements REP+, situés dans les quartiers ou secteurs isolés connaissant les plus grandes difficultés sociales, mais surtout concentrés territorialement. Quatre collèges REP+ sur dix se trouvent dans seulement cinq départements : le Nord, la Guyane, la Seine-Saint-Denis, les Bouches-du-Rhône et La Réunion. Au contraire, 31 départements, plutôt ruraux, n’ont aucun collège REP+.
Les territoires les plus fournis en collèges REP+ se retrouvent sans surprise dans la carte des difficultés scolaires. Les difficultés de lecture sont particulièrement fréquentes dans certains départements des Hauts-de-France : plus de 10% des jeunes dans l’Aisne, la Somme et l’Oise. Ce taux atteint près de 12% dans le Cher, la Haute-Marne et la Seine-Saint-Denis. Ces pourcentages sont nettement plus élevés en outre-mer : 28% pour la Guadeloupe et la Martinique, 25% à La Réunion, 47% en Guyane et 71% à Mayotte.
La Depp analyse ensuite les compétences scolaires et les résultats des élèves à différentes épreuves (diplôme national du brevet – DNB, baccalauréat). Ici le constat est sans appel : "Les parcours et résultats scolaires se différencient en fonction des territoires. Ces disparités interviennent à des échelles multiples : l’académie, le département ou encore le quartier de résidence. Elles apparaissent notamment liées au contexte géographique et socioéconomique."
Éloignement géographique
À propos du DNB, la Depp note que les notes moyennes les plus élevées sont atteintes dans l’Ouest, au sud du Massif central, au nord des Alpes, et dans l’ouest francilien. Or, la plupart de ces départements ont également un indice de position sociale moyen (IPS) parmi les plus élevés. Inversement, les départements où la réussite au DNB est la plus faible correspondent en général à ceux pour lesquels l’IPS moyen est le plus bas. Ils se situent notamment dans le Nord et l’Est, à forte composante ouvrière, mais également dans le sud de la France, où les parts de parents au chômage et de familles monoparentales sont élevées. Mais si "les inégalités territoriales de résultats scolaires reflètent en grande partie les inégalités sociales", ce phénomène n’est pas systématique. Dans plusieurs départements de l’Ouest, les collégiens ont une réussite élevée au regard des milieux sociaux.
Quant au contexte géographique, on en trouve la trace après la classe de troisième. Si le choix dépend en partie des résultats scolaires des élèves et de leur milieu social, l’orientation en seconde GT est plus fréquente dans les départements urbains denses ou très denses. De plus, la diversité et la proximité des formations, notamment d’enseignement supérieur, favorisent les aspirations à des études longues. Inversement, dans les territoires éloignés des grandes villes, à résultats scolaires équivalents, l’orientation des élèves se fait plus souvent dans l’enseignement professionnel.
Non diplômés
Globalement, et en dépit d’une réussite hétérogène selon les départements, l’espérance d’obtenir le baccalauréat pour un élève de sixième atteint son maximum dans les académies d’Île-de-France, en Guadeloupe et en Martinique. Et ces mêmes élèves de sixième ont également de plus fortes chances d’obtenir un baccalauréat GT dans les académies de Corse et de Lyon.
Enfin, dans le même ordre d'idées, la proportion de jeunes âgés de 16 à 25 ans peu ou pas diplômés ou non-inscrits dans un établissement est inférieure à 9% dans près de la moitié des académies, principalement sur la façade ouest et dans la moitié sud à l’exception du pourtour méditerranéen. En revanche, dans les académies d'Amiens, de Lille, en Corse et en outre-mer, cette part est supérieure à 11,5%. On notera de très faible proportion pour Paris (3,4%) et, dans une moindre mesure, les autres grandes métropoles. Explication : un nombre important de jeunes y sont venus pour poursuivre leurs études supérieures ou travailler, sans forcément être originaires de ces régions. Si cela contribue mécaniquement à diminuer l’indicateur dans ces zones, symétriquement, cela l'augmente dans les régions d’origine.