Pratiques sportives et culturelles : une France (un peu) coupée en deux
Le dernier "portrait social" de la France de l'Insee dessine une césure dans les pratiques sportives et culturelles des Français. Globalement, les urbains sont plus nombreux à pratiquer une activité sportive ou à fréquenter des équipements culturels… à quelques exceptions près.
Dis-moi où tu habites, je te dirai quels sont tes loisirs. Voilà, à grands traits, la proposition de l'Insee (Institut national de la statistique et des études économiques) issue de son étude "Loisirs des villes, loisirs des champs", elle-même extraite de sa vaste enquête "France, portrait social", parue fin 2022. Le sous-titre de cette étude résume à lui seul le propos puisqu'il nous précise que les "territoires et caractéristiques sociales des personnes influent sur leurs loisirs sportifs et culturels".
Côté sport, l'étude pointe l'écart de la part des personnes de 15 ans ou plus qui, en 2020, pratiquaient régulièrement une activité sportive (une séance par semaine en moyenne). Alors que la moyenne nationale s'établit à 65%, elle atteint 67% dans l'espace urbain et 63% dans l'espace rural. On note toutefois que dans l'espace rural autonome (hors influence d'un pôle d'emploi), le taux de pratique régulière s'abaisse à 60%.
Les sans-diplômes urbains faibles pratiquants sportifs
Dans le détail pourtant, le contexte socioéconomique se joue des territoires. Alors que le taux de pratique le plus élevé est enregistré dans la population de 15 à 19 ans habitant l'urbain dense (88% de pratiquants), le taux le plus bas est également observé sur ce même type de territoire : seuls 36% des habitants sans diplôme de l'urbain dense ont une activité sportive régulière. À titre de comparaison, 44% des habitants sans diplôme du rural autonome pratiquent régulièrement une activité sportive. On note par ailleurs un écart de pratique selon le sexe plus important dans l'espace urbain (73% pour les hommes, contre 61% chez les femmes, soit 12 points de différence) que dans l'espace rural (68% pour les hommes, contre 58% chez les femmes, soit 10 points de différence).
Le type de pratique varie peu selon le lieu d'habitation. Marche, balade, course et athlétisme arrivent en tête tant dans l'espace urbain (83% des pratiquants) que rural (82%), devant les activités aquatiques et nautiques (50% de pratique chez les urbains, 48% chez les ruraux). Les activités de la forme et de la gymnastique sont en revanche plus présentes en zones urbaines, tandis que le cyclisme, les sports de raquettes, de précision ou de cible et surtout l'équitation, la chasse et la pêche sont plus pratiqués dans l'espace rural. On notera encore que les sports d'hiver sont plébiscités de manière égale quel que soit le lieu de résidence : 23% chez les urbains, 22% chez les ruraux.
Équipements sportifs : surfréquentation urbaine, éloignement rural
La façon de pratiquer est une autre façon de distinguer les territoires. On trouve ainsi plus de pratiquants en club chez les habitants ruraux sous forte influence d'un pôle (42%) et de l'urbain de densité intermédiaire (40%) que chez ceux du rural autonome (36%) et de l'urbain dense (35%). Ceci relève un paradoxe : le rural autonome compte 32 associations sportives pour 10.000 habitants contre seulement 18 pour 10.000 habitants dans l'urbain dense. L'explication est donc à chercher du côté des équipements : si l'urbain dense est moins bien équipé (25 équipements sportifs pour 10.000 habitants, qui plus est surfréquentés), le rural autonome, en dépit de ses 83 équipements pour 10.000 habitants, pâtit du manque d'accessibilité géographique. D'ailleurs, l'éloignement des installations sportives constitue un frein à la pratique pour 18% des ruraux, contre 13% chez les urbains.
Les pratiques culturelles, médiatiques et de loisirs ordinaires offrent une autre distinction entre urbains et ruraux. L'étude de l'Insee pointe en effet que si certaines pratiques peuvent être réalisées à domicile (lecture, etc.), d'autres sont qualifiées de sorties et supposent de fréquenter un équipement culturel (bibliothèque, cinéma, musée, etc.). Elles sont alors dépendantes de l'offre territoriale.
Des cultures très urbaines
L'écart dans la pratique de la lecture est le plus marqué entre les habitants du rural autonome (59% ont lu au moins un livre dans l'année) et ceux de l'urbain dense (69%). Quant aux ruraux sous faible influence d’un pôle (62% de lecteurs) ou sous forte influence d’un pôle (65%), ils lisent plus que les habitants de l'urbain de densité intermédiaire (61%).
Les habitants des territoires ruraux autonomes et sous faible influence d'un pôle sont les moins nombreux (21%) à fréquenter l'une des 15.700 bibliothèques et médiathèques dispersées sur le territoire français, et ceux de l'urbain dense les plus nombreux (32%). En revanche, les habitants du rural sous forte influence d’un pôle sont plus nombreux (26%) à se rendre dans ce type d'équipement que ceux de l'urbain de densité intermédiaire (24%). La palme de fréquentation des bibliothèques revient aux jeunes en âge d'étudier (20‑24 ans) habitant l'urbain dense (51%). Le taux le plus faible est enregistré chez les ouvriers des territoires ruraux sous faible influence d’un pôle (8%).
Parmi les autres loisirs de sortie, la différence est encore notable en ce qui concerne la fréquentation d'un cinéma : 65% des urbains y vont contre 58% des ruraux, avec un clivage très marqué entre le rural autonome (53%) et l'urbain dense (68%). La fréquentation des musées et expositions propose également une fracture territoriale : 23% des ruraux y ont recours contre 32% des urbains – et même 37% chez les habitants de l'urbain dense. Les ruraux sans diplômes sont ici sous représentés (8%), alors que les cadres habitant l'urbain dense sont les plus présents (69%).
Les festivals en campagne
La différence s'atténue un peu à propos du spectacle vivant : 41% des ruraux et 44% des urbains y assistent, avec ici un écart important entre les habitants de l'urbain dense (48%) et ceux de l'urbain de densité intermédiaire (38%). En revanche, le lieu d'habitation ne pèse pratiquement pas sur la fréquentation d'un festival : 18% des ruraux et 19% des urbains s'adonnent à ce type de sortie. La diffusion de cette pratique dans l'ensemble de la population quel que soit le type de territoire où résident les personnes s'explique, selon l'Insee, "en partie par l'implantation rurale comme urbaine des festivals, souvent liée à l'attractivité touristique des territoires, et donc moins corrélée au caractère urbain de l'offre".
Il n'en reste pas moins que la télévision demeure, de loin, le loisir le plus répandu chez les Français. 81% des ruraux et 76% des urbains regardent le petit écran tous les jours ou presque...