Reprise de la fréquentation des lieux culturels : c'est encore loin d'être gagné
Le ministère de la Culture publie les résultats d'une étude sur les intentions des Français en matière de fréquentation des lieux culturels, qui met en évidence un réelle difficulté à revenir aux niveaux de fréquentation d'avant-Covid. Au-delà des craintes liées au virus et du passe sanitaire, d'autres raisons interviennent : le numérique, les revenus, le télétravail...
Le ministère de la Culture publie les résultats d'une étude – réalisée par Harris Interactive et par le département des études, de la prospective et des statistiques (Deps) du ministère – sur "Les Français et les sorties culturelles post-crise". La question prend un relief particulier dans un secteur durement touché par la crise sanitaire, avec la très longue fermeture des lieux culturels et les précautions sanitaires mises en œuvre lors de la réouverture progressive. L'enquête a été réalisée en ligne auprès d'un échantillon représentatif de 3.025 personnes âgées de 18 ans et plus, du 31 août au 3 septembre 2021. Les résultats sur les intentions des Français en matière de fréquentation des lieux culturels mettent en évidence un réelle difficulté à revenir aux niveaux de fréquentation d'avant le Covid-19.
Un retour limité dans les lieux culturels durant l'été dernier
Devant ces résultats assez peu encourageants, le ministère prend d'ailleurs bien soin, dans un communiqué du 27 octobre, de modifier le titre de l'étude, qui devient "Pratiques culturelles des Français - Bilan à la fin de l'été 2021". Il précise aussi que "l'étude fait un bilan circonscrit à l'été 2021" – ce qui est exact pour sa première partie – "et ne prend pas en compte les intentions ni les pratiques des Français à partir de septembre 2021", ce qui est erroné pour la seconde partie. L'argument est en outre à double tranchant et pourrait être retourné, dans la mesure où l'annonce d'une prolongation de l'état d'urgence sanitaire jusqu'en juillet 2022 est intervenue après la réalisation de l'étude.
L'étude commence effectivement par un volet rétroactif mesurant les conséquences de la crise sanitaire sur les pratiques culturelles. Ainsi, au début du mois de septembre, 55% des Français déclarent s'être rendus dans un lieu culturel depuis l'instauration du passe sanitaire (le 21 juillet 2021), proportion qui monte à 61% chez ceux qui déclaraient se rendre dans un lieu culturel avant la pandémie. Dans une année normale, 88% des Français se rendaient au moins une fois par an dans un lieu culturel. Par type d'activité culturelle, les taux de "non-retour depuis le passe sanitaire" sont de 49% pour le cinéma, 55% pour les monuments historiques, 60% pour les musées et expositions et 71% pour les festivals. Sur ce volet rétrospectif, le ministère n'a pas tort de souligner que "l'étude fait un bilan circonscrit à l'été 2021", période par ailleurs peu propice à la fréquentation de certains lieux culturels comme les théâtres ou les cinémas.
Des comportements toujours influencés par la crise sanitaire et... le télétravail
L'étude se penche aussi sur les "freins et leviers à la consommation culturelle" dans le contexte de la crise sanitaire et de ses suites. Ainsi, si 41% des Français disent avoir repris leurs habitudes de sortie dès que les lieux culturels ont rouvert (54% des moins de 35 ans, 47% des CSP+ et 45% en agglomération parisienne), 58% répondent en revanche par la négative. L'absence de passe sanitaire et le refus de faire un test antigénique avant une sortie culturelle se révèlent un frein pour 25% des répondants (41% chez les moins de 35 ans).
L'étude montre également que "la crise sanitaire et ses conséquences influencent toujours très sensiblement les comportements des Français", puisque plus de la moitié indiquent toujours redouter les lieux trop fréquentés. Ainsi, si 74% des répondants déclarent préférer faire des activités de plein air durant l'été plutôt que d'aller au théâtre ou au cinéma, 54% affirment craindre les lieux très fréquentés à cause du risque d'attraper le virus et/ou de le transmettre et 46% disent qu'ils ont pris l'habitude d'utiliser les moyens numériques pour accéder aux contenus culturels. À noter également : 35% indiquent que le télétravail a réduit leurs occasions de fréquenter des lieux culturels et 32% affirment avoir connu une perte de revenus qui limite leurs possibilités de sorties.
Une reprise laborieuse
Le plus intéressant de l'étude, notamment pour les acteurs culturels, reste toutefois le volet de l'étude consacré à "la projection de la consommation culturelle pour les prochains mois et dans un monde post-Covid". Le résultat est qu'environ un tiers des Français indiquent qu'ils envisagent de se rendre dans les lieux culturels "moins souvent qu'avant la pandémie", contre près des deux tiers qui envisagent d'y aller "ni plus ni moins qu'avant la pandémie" et autour de 8% qui prévoient d'y aller davantage qu'avant. La proportion des "moindre consommateurs post crise sanitaire" est très proche quel que soit le type de lieu culturel : 32% pour le cinéma, 30% pour les festivals, 29% pour les musées et expositions et 29% également pour les monuments historiques.
Cette moindre consommation touche davantage ceux qui déclaraient se rendre dans ces lieux culturels avant la crise sanitaire. C'est particulièrement vrai pour les festivals, avec 42% des festivaliers qui déclarent qu'ils les fréquenteront moins qu'avant la pandémie. Cette proportion est de 36% pour le cinéma, 33% pour les musées et expositions et 32% pour les monuments historiques. L'étude montre également des résultats similaires, quoique légèrement moindre, pour le spectacle vivant : 30% pour les concerts, 28% pour le théâtre (y compris one-man show), 27% pour les le cirque et 26% pour la danse. Là aussi, le risque d'une diminution de la fréquentation est mécaniquement plus important chez ceux qui déclaraient assister effectivement à ce type de spectacle avant la crise sanitaire (respectivement 36%, 35%, 42% et 38%).
Parmi les freins les plus importants à un éventuel retour dans les lieux et spectacles culturels, les plus cités sont le souci d'éviter les lieux très fréquentés pour ne pas risquer d'attraper et/ou de transmettre le virus (52%, dont 67% chez les 50 ans et plus), la préférence donnée aux moyens numériques pour accéder aux contenus culturels (24%, dont 32% chez les moins de 35 ans), la perte de revenus qui limite les possibilités (22%), l'absence de passe sanitaire et le refus de faire un test antigénique avant une sortie culturelle (20%) et le télétravail qui diminue les occasions de fréquenter des lieux culturels (11%).
Et après la fin de la pandémie ?
Même si le plus dure de la pandémie et les confinements sont, pour l'instant, derrière nous, la planète vit toujours dans un contexte de crise sanitaire, comme en attestent les réponses ci-dessus. Pourtant, à la question "lorsque la pandémie sera finie, vous irez dans les lieux culturels (musées, concerts, spectacles, théâtres, cinémas...?", 11% des Français répondent toujours qu'ils iront moins qu'avant la crise sanitaire et 11% ne savent pas ce qu'ils feront, contre 62% qui iront ni plus ni moins qu'avant et 16% qui prévoient d'y aller plus qu'avant.
Parmi ceux qui déclarent qu'ils iront moins qu'avant dans les lieux culturels même après la fin de la pandémie, 30% expliquent qu'ils resteront durablement inquiets dans les lieux sans distanciation sociale, 26% qu'ils se sont habitués à la consommation numérique, 25% invoquent des raisons financières, 20% indiquent que d'autres activités de loisirs ont remplacé les sorties culturelles, 16% qu'ils ont ou vont déménager dans un lieu moins riche en activités culturelles et 13% qu'avec le télétravail ils auront moins d'occasions de sorties culturelles.
Pour Roselyne Bachelot, les résultats de l'étude "confortent la stratégie du gouvernement pour soutenir le secteur culturel de manière forte et dans la durée : accompagner la sortie de crise, car la réouverture reste fragile ; et préparer l’avenir, pour faire face aux mutations en cours".