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Gestion des déchets ménagers - "Pour un système de financement moteur et cohérent"

Dans un projet d'avis soumis au vote le 23 avril, le Conseil économique et social décline vingt et une propositions pour améliorer l'efficacité du système actuel de gestion des déchets. Parmi les mesures-phares : la généralisation de la responsabilité élargie des producteurs (REP) et le vote d'une nouvelle loi sur les déchets qui puisse redonner au système toute sa cohérence.

Presque dix ans après l'avis rendu sur la "gestion des déchets ménagers, une responsabilité partagée", le Conseil économique et social (CES) s'empare de nouveau de cette thématique. En complément des travaux du groupe déchets du Grenelle de l'environnement, il propose, dans un projet d'avis qui sera soumis au vote en assemblée plénière le 23 avril, vingt et une mesures pour améliorer le fonctionnement du système de gestion des déchets ménagers et assimilés en France. Car pour Michèle Attar, rapporteure de cet avis au nom de la section du cadre de vie du CES, "si depuis dix ans la prise de conscience environnementale  est devenue de plus en plus forte, il manque encore à la politique des déchets une nouvelle feuille de route et un système de financement du service qui soit à la fois moteur et cohérent".

Les objectifs de la loi du 13 juillet 1992 - réduction, réemploi, recyclage, traitement - forment toujours le socle fondamental. Mais "il n'existe pas de vrai cadre opérationnel clair sur les manières de décliner aujourd'hui ces principes ni de calendrier sur les nouvelles étapes à franchir", note le CES.

En outre, les performances de l'organisation de la collecte ne décollent pas vraiment. La production d'ordures ménagères a doublé en quarante ans, même si depuis 2002 on observe un début de décroissance. Le recyclage a certes progressé mais l'incinération et la mise en décharge contrôlée restent prépondérantes. Quant à la part réservée au traitement biologique, elle est aujourd'hui très modeste.

Le système s'avère aussi très coûteux - la dépense liée aux déchets ménagers et assimilés est estimée à 6,85 milliards d'euros en 2005, soit 109 euros par habitant - et les modes de financement très peu incitatifs. "La Teom [taxe d'enlèvement des ordures ménagères, ndlr] n'a pas de lien avec les quantités de déchets ni avec la qualité du tri du contribuable, souligne le CES. La Reom [redevance d'enlèvement des ordures ménagères, ndlr] pourrait être incitative mais les critères retenus par les collectivités qui l'instituent ne vont pas en ce sens. Les redevances spéciales sont liées à la quantité collectée mais ne contribuent pas à la réduction de la nocivité des déchets. Les contributions à travers les REP [responsabilité élargie des producteurs, ndlr] ont un effet incitatif réel mais variable selon les filières."

Valorisation et coresponsabilité des acteurs

Les nouvelles propositions du CES entendent donc "construire une cohérence entre le mode de financement du service de gestion des déchets et les objectifs de la politique nationale en ce domaine". "Il s'agit à la fois de favoriser le développement d'une économie circulaire en réutilisant au maximum les sous-produits de chaque processus de production ou de consommation et de favoriser la coresponsabilité entre les acteurs - le producteur, le consommateur et la collectivité en charge du service de gestion des déchets -, avec l'Etat comme régulateur", explique Michèle Attar.

Le CES propose tout d'abord de généraliser les responsabilités élargies des producteurs à l'ensemble des produits manufacturés de façon à encourager la réduction, le réemploi et le recyclage à tous les niveaux. Il suggère aussi de développer des mécanismes incitatifs en faveur du compostage domestique et plus généralement du recyclage de la matière organique, et de systématiser le recyclage des déchets inertes des ménages, conjointement avec ceux des professionnels.

Le CES souhaite que les REP prennent en charge 80% des coûts de traitement des déchets, et non 100% "de façon à maintenir le principe de service public et de coresponsabilité entre acteurs", insiste Michèle Attar. Il propose aussi d'introduire des critères incitatifs dans les barèmes des producteurs pour encourager l'écoconception, de revenir aux consignes sur certains produits, d'harmoniser les REP et de n'agréer qu'un éco-organisme par filière. Des campagnes d'explication et d'information sur l'écoconsommation devraient aussi être conduites.

Vers une redevance incitative adaptée

Du côté des collectivités locales, il faudrait, selon le CES, "évoluer vers un mode de financement unique, incitatif, concernant tous les producteurs de déchets". Il propose donc de remplacer les dispositifs actuels de Teom, Reom et redevance spéciale "par une redevance incitative rénovée et adaptée". Celle-ci devrait comporter une part fixe et une part variable, la première permettant, comme pour la redevance sur l'eau, de financer les coûts fixes et amortissements. La redevance devrait aussi intégrer l'ensemble du service public, y compris les déchetteries, et pouvoir être modulée par des critères sociaux pour éviter de faire peser des charges trop importantes sur des foyers à revenus modestes. Le CES propose aussi qu'elle fasse l'objet d'une facture individuelle détaillant les déchets produits, le coût généré et les pistes pour le diminuer grâce à des changements de pratiques.

Pour l'habitat collectif, dont les résidents paient aujourd'hui un coût de précollecte dans leurs charges, le CES propose de revenir à un système plus équitable en mettant en place des collectes séparatives efficientes et un système permettant la facturation détaillée de la partie variable de la tarification incitative.
Pour surmonter les réactions de rejet des installations de traitement, le conseil préconise de renforcer le rôle des commissions locales d'information et de surveillance - et d'en créer lorsqu'elles n'existent pas - ainsi que celui de la commission en charge des plans d'élimination des déchets, tout en favorisant la concertation très en amont.

Concernant les relations entre EPCI de collecte, EPCI de traitement et départements, le CES estime qu'il faudrait introduire des contrats définissant des objectifs de flux et de qualité des déchets à collecter, assortis d'un échéancier, avec des modulations de contributions en fonction de l'atteinte ou non des objectifs. Pour les prestataires privés qui assurent par délégation le service de collecte et de traitement, le conseil préconise aussi de rechercher des formules d'intéressement les incitant à la réduction des tonnages, au recyclage et à la valorisation énergétique.

Quant à l'Etat, il doit jouer pleinement son rôle de régulateur pour améliorer aussi bien le traitement des déchets lui-même que son organisation, estime le CES. C'est donc à lui que revient la responsabilité de définir clairement la notion de déchet ultime, aujourd'hui source de polémiques, de développer et de financer la filière de valorisation de la matière organique ou de mettre en place un réel régulateur des éco-organismes, propose le CES. Il demande également une "augmentation significative" de la taxe sur le stockage et une réaffectation intégrale des montants prélevés à la gestion des déchets. Enfin, le conseil appelle de ses voeux une nouvelle loi sur les déchets "pour redonner au système toute sa cohérence". L'appel au législateur sera de toute façon indispensable pour transposer la directive-cadre sur les déchets qui devrait être adoptée cette année.

 

Anne Lenormand