Pour relancer l’accès à la propriété, l’innovation jugée indispensable

Dans un marché immobilier grippé, permettre aux locataires de devenir propriétaires est un enjeu politique, ont estimé les participants à la table ronde de clôture du Simi, le 11 décembre 2024. Mais cela suppose tout à la fois la détermination des élus et une bonne dose d’innovation de la part des promoteurs et des architectes. 

Ce n’est pas une surprise : les Français rêvent d’accéder à la propriété. Le sondage d’Opinionway, réalisé auprès d’un échantillon représentatif de 2.500 locataires ayant un revenu mensuel inférieur à 5.500 euros et dévoilé à l’occasion du Simi (Salon de l’immobilier d’entreprise) le 11 décembre, le confirme : la moitié d’entre eux aimeraient déménager, et 72% rêveraient, à l’occasion, de devenir propriétaires. S’ils le pouvaient, ils seraient en outre nombreux (59%) à opter pour le logement collectif neuf, paré à leurs yeux de nombreux atouts, dont celui d’être "moins cher à l’usage". Ces résultats ont constitué la base de discussion de la table ronde de clôture du Simi intitulée : "Logement : et si on écoutait les besoins des Français pour sortir de la crise ?"

Mais une fois le constat posé, reste à savoir comment permettre aux propriétaires en devenir de passer à l’acte. Le défi est plus délicat à relever que jamais : "le taux de rotation de nos logements a perdu deux points ces deux dernières années, a ainsi révélé Anne-Sophie Grave, présidente du directoire de CDC Habitat. Il s’établit à 6% dans nos logements sociaux, et 17% dans nos logements intermédiaires".  "De nombreux ménages sont assignés à résidence", a, de son côté, estimé François Jolivet, député de l’Indre et vice-président de la commission des finances de l’Assemblée nationale.

L’acquisition au prix du loyer

Alain Taravella, président-fondateur d’Altarea, s’est attelé à la tâche : à Villeneuve-la-Garenne (Hauts-de-Seine), il a lancé un programme de logements "accessibles pour le prix d’un loyer, sans apport personnel", assure-t-il. Une initiative qu’il entend bien dupliquer à l’échelle nationale. Pour ce faire, il lui faut mobiliser différents mécanismes - la TVA à taux réduit, le PTZ (prêt à taux zéro) -, convaincre les banquiers d’adhérer au dispositif, mais aussi dessiner des immeubles et logements réalisables à un coût modéré, sans toutefois déroger aux attentes des Français.

Cela tombe bien, ceux-ci, révèle le sondage, sont prêts au compromis pour réaliser leur rêve. Les deux tiers seraient prêts à se passer de certaines prestations : 65% accepteraient des cloisons démontables, 63% un espace extérieur fermable pour constituer ultérieurement une pièce de plus, 59% un appartement sans placard, 59% aussi un logement plus petit qu’actuellement mais bien conçu, et même 46% un logement prêt à finir sans carrelage ni peinture. 

Pour les concevoir sans rogner sur la qualité ni sur les impératifs de transition écologique, les architectes sont, de leur côté, prêts à innover. En témoigne l’appel à idées lancé en septembre dernier par le promoteur, et piloté par l’architecte et urbaniste François Leclercq, coauteur, avec Laurent Girometti, du rapport sur la qualité du logement publié fin 2021. Il a rassemblé, outre François Leclercq, six architectes : Clément Blanchet, Manuelle Gautrand, Dominique Jakob, Catherine Jacquot, Nicolas Michelin et Denis Valode. Leurs maîtres-mots : la rationalisation, le travail hors site, la construction de bâtiments plus sobres, plus flexibles et évolutifs. Ainsi, un logement doit pouvoir changer d’agencement interne au fil des ans, une chambre devenant une partie d’une salle à vivre, ou le balcon se transformant en pièce. Mais l’immeuble lui-même doit pouvoir évoluer et voir le nombre de ses appartements fluctuer au gré des évolutions de la composition des ménages. Lorsque les logements sont trop petits pour avoir une double exposition, des solutions de ventilation passive, permises par des cages d’escalier ouvertes par exemple, peuvent être mises en place. La réflexion en m2 doit se transformer en raisonnement en m3, l’espace permis par les grandes hauteurs permettant des aménagements inédits. Enfin, les espaces extérieurs, privés ou partagés, s’imposent désormais comme des pièces à vivre en devenir. 

La propriété, un enjeu politique

"Les parcours sont gelés, faute d’avoir un produit qui correspondent aux attentes. Tout l’enjeu est d’arriver à produire des logements adaptés aux besoins, qui ont beaucoup évolué", a commenté Jean-Philippe Dugoin-Clément, président du conseil d’administration de Grand Paris aménagement, vice-président de la région Ile-de-France chargé du logement, de l’aménagement durable, du territoire et du Sdrif-e (schéma directeur de la région Ile-de-France environnemental). Pour autant, les propositions d’Altarea ont laissé sceptique François Jolivet. "Avec un remboursement de 1.000 euros par mois, un couple devient propriétaire. Mais dans les 6 ans après l’acquisition, nombreux sont ceux à s’être séparés et se retrouvent dans des situations financières délicates. Le couple, c’est l’exception aujourd’hui et l’accession à la propriété reste largement fermée aux familles monoparentales. Les gens qui ont un seul salaire, personne ne s’en occupe". 

A Montpellier, Michaël Delafosse, maire et président de Montpellier Méditerranée métropole, a l’ambition de voir se construire 8.000 logements par an. "Beaucoup de maires qui construisent ne sont pas réélus, a-t-il assuré. Mais j’assume cette production car si je ne participe pas à une offre de logement, cela va générer une ville d’exclusion." Pour réduire les coûts et rendre plus efficace le processus, il a œuvré à la fusion dans une seule entité, Altémed, l’office HLM et les sociétés d’économie mixte d’aménagement et d’énergie. 

Mais il faut également revoir les modes de financement, a estimé Dominique Estrosi Sassone, sénatrice des Alpes-Maritimes, présidente de la commission des affaires économiques du Sénat. Elle a proposé dans un rapport remis fin avril des formules d’accession progressive, "avec des remboursements partiels de crédits, comme cela se fait par exemple en Belgique" notamment pour les jeunes "qui sont les plus fragilisés" et "pour lesquels l’accès au logement social est en général structurellement fermé". L’enjeu est politique, ont, ensemble, jugé les élus. Comme l’a résumé le maire de Montpellier, "une grande partie de la défiance qui traverse notre pays provient de nos concitoyens qui n’arrivent pas à se loger et à construire un parcours résidentiel".