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Lutte contre l'exclusion - Pour l'OCDE, la France est l'un des pays les moins inégalitaires

L'OCDE publie une étude intitulée "Tour d'horizon des inégalités croissantes de revenus dans les pays de l'OCDE : principaux constats". Alors que le Conseil national de lutte contre l'exclusion (CNLE) et l'Observatoire national de la pauvreté et de l'exclusion sociale (Onpes) doutent de la faisabilité de l'objectif de réduction de la pauvreté et demandent une revalorisation de 25% du RSA (voir notre article ci-contre du 6 décembre 2011), l'étude de l'OCDE apporte un éclairage assez différent. Pour résumer, on retiendra que si le triple A financier de la France ne tient plus qu'à un fil, son triple A social - s'il en existait un - tient bon dans la tempête.
L'organisation internationale s'intéresse en effet à l'évolution des inégalités de revenu depuis les années 1980 jusqu'à aujourd'hui. Elle constate que les écarts en la matière - mesurés par le coefficient de Gini - se sont accrus au cours de cette période. Dans les pays de la zone OCDE, le revenu moyen des 10% les plus riches représente aujourd'hui environ neuf fois celui des 10% les plus pauvres. Même des Etats de tradition égalitaire comme l'Allemagne, le Danemark et la Suède ont vu les inégalités se creuser, l'écart entre le premier et le dernier décile passant de 5 à 1 dans les années 1980 à 6 à 1 aujourd'hui. Ce creusement des inégalités s'explique par une croissance plus rapide des revenus chez la fraction la plus aisée de la population. Parmi les grands pays développés, seule la France a vu son indice de Gini demeurer pratiquement inchangé. C'est aussi le cas de la Belgique et de la Hongrie. Pour leur part, la Grèce et la Turquie ont même vu les inégalités reculer légèrement. Cette stabilité des écarts n'a pas empêché les revenus des Français de progresser, même si le rythme de cette progression (1,2% par an sur la période) est inférieur à la moyenne des pays de l'OCDE (1,7%) et plus encore à celle de certains pays comme l'Irlande (3,6%) ou l'Espagne (3,1%). En revanche, elle est légèrement supérieure à celle enregistrée en Allemagne (0,9%) et très proche de celle des Etats-Unis (1,3%). Contrairement à la situation observée dans la plupart des grands pays, les revenus du décile inférieur (les 10% les plus pauvres) a progressé plus vite en France (+1,6% en moyenne annuelle) que ceux du décile supérieur (+1,3%).

Les clignotants passent à l'orange

Dans la "note pays" consacrée à la France, l'OCDE relève également plusieurs autres éléments. Ainsi, la part de la tranche des revenus très supérieurs (les 1% les plus riches) n'a que très légèrement augmenté dans notre pays, passant de 8,2% à 8,9% de l'ensemble des revenus, alors qu'elle a souvent doublé dans les pays anglo-saxons. De même, l'écart dans les heures annuelles entre les travailleurs les moins bien payés et les mieux payés n'a pas changé au cours de la période. Autre spécificité française : les taux d'emploi élevés pour les femmes ont contribué à réduire l'inégalité des gains des ménages. L'emploi féminin a progressé en effet d'un cinquième au cours des deux décennies qui ont précédé la crise, ce qui situe la France au 4e rang de l'organisation. Enfin, l'OCDE relève la forte redistribution opérée par les services publics. Elle estime que la valeur de ces services est de 6.600 euros par an, portant le revenu annuel moyen à 26.000 euros et réduisant les inégalités d'un cinquième.
Le portrait tracé par l'OCDE est donc assez éloigné du discours courant - et très hexagonal - sur le creusement des inégalités en France. Il est vrai que tout n'est pas rose pour autant. Tout d'abord, les inégalités de revenu brut (avant redistribution) ont augmenté au cours de la dernière décennie, même si cela s'explique surtout par la plus grande part des revenus du travail indépendant dans le total des revenus (+10% depuis le milieu des années 1980). Ensuite, l'étude relève que "l'augmentation des revenus du capital tend à augmenter les inégalités des revenus". Bien que faible en France (4%), la part du capital dans le revenu total a doublé depuis le milieu des années 1980. Elle est également devenue plus concentrée dans les groupes à haut revenu. Enfin, l'OCDE observe qu'après une amélioration dans les années 1990, "le système de prestations sociales et impôts est devenu moins efficace dans la stabilisation de l'inégalité". La compensation, par l'impôt sur le revenu et les prestations sociales en espèces, de l'augmentation des inégalités avant impôts et transferts s'est ralentie dans la décennie 2000. De façon plus générale, "la croissance des prestations sociales n'a pas suivi le rythme de la croissance des salaires réels moyens depuis le milieu des années 1990".