Pour les petites villes de France, les fonds européens restent nébuleux
Une enquête de l’Association des petites villes de France souligne que la recherche de fonds européens reste perçue par ses membres comme une "démarche technique et fastidieuse", que beaucoup s’interdisent d’entreprendre. Le manque d’informations semble constituer le principal frein. Pour les élus et leurs DGS, il paraît pouvoir être levé davantage par des interactions entre pairs que par les communications usuelles.
L’Association des petites villes de France (APVF) vient de publier une étude consacrée à l’appropriation des fonds européens par ses membres qui montre l’importance du chemin restant à parcourir, sans grande surprise (v. notre article du 5 novembre 2021). "Cette étude, élaborée avec l’Agence France locale, est révélatrice à bien des égards des efforts encore importants à réaliser pour améliorer l’information à destination des maires", confesse le président de l’APVF, Christophe Bouillon. À plus d’un titre.
L’étude a peu mobilisé. Seuls 683 membres de l’APVF ont commencé à répondre à l’enquête quantitative qui leur a été adressée. Pis, seuls 233 d’entre eux sont parvenus à son terme. Sans doute les plus "sensibilisés à ces questions", indique l’étude. Ce qui, avec l’étroitesse du panel, relativise d’autant plus les conclusions que l’on peut en tirer. Cet important taux d’abandon "est un premier constat de l’éloignement entre l’institution européenne et les territoires", estiment les auteurs de l’étude. Ils précisent encore : "Ceci illustre finalement assez bien le désarçonnement exprimé lors des différents entretiens qualitatifs face à la matière que constituent les fonds européens" (six entretiens conduits auprès d’élus et de leurs services).
Pas de pire censure que l’autocensure
En tête des freins au recours aux fonds européens, vient d’abord la méconnaissance des dispositifs (42% des réponses). 75% des répondants estiment avoir une relative méconnaissance des fonds structurels, un tiers des maires et 9% des DGS ayant répondu avouant même une "connaissance nulle" de ces financements. Les fonds les mieux identifiés sont le Feder, le Feader et, au sein de ce dernier, l’indétrônable programme Leader. En revanche, "le programme Life est largement méconnu", précise l’étude. Au passage, cette dernière corrobore le constat en indiquant que ce programme fait partie du Feader, ce qui est inexact.
Vient ensuite, à égalité ou presque, "l’appréhension quant aux exigences administratives qui pourraient être demandées" (38% des réponses). "La recherche de co-financements européens est de manière générale perçue comme une démarche technique et fastidieuse", synthétise l’étude.
Pour les auteurs, "ces deux facteurs s’autoentretiennent". Reste que l’appréhension ne semble pas injustifiée, puisque "lorsque la collectivité s’est lancée et a obtenu des financements européens, dans un cas sur deux, elle indique avoir rencontré des difficultés lors du montage du projet, et/ou lors de la phase de suivi et/ou lors de la phase de décaissement des fonds". Pour autant, les auteurs jugent que "tout laisse à penser que les difficultés pourraient se réduire avec la pratique". Bref, il faut faire ses gammes. "L’autocensure est certainement le principal frein", conclut Pierre Aschieri, maire de Mouans-Sartoux.
Le réseau !
Principal "levier" identifié pour inverser la tendance, "une information ciblée" (38% des répondants). En la matière, le salut ne viendra pas de la documentation européenne, jugée trop technique. Ni des communications des régions – instance dont l’expertise est reconnue mais "qui manque très probablement de proximité" – et des intercommunalités quand elles s'adressent aux élus comme aux DGS, pour lesquels les échanges avec une autre collectivité, les interactions entre pairs "sont un levier beaucoup plus puissant". En revanche, ces communications sont privilégiées par les chargés de mission ou de projet. Mais seuls 16% des répondants indiquent disposer de personnel dédié à la recherche de cofinancements. "Gagner en ingénierie" serait aussi la solution pour 17% des répondants. "En propre", car la mutualisation de ce personnel expert est "peu identifiée comme un levier" (2% des répondants). Et ce, quand bien même près de 70% des répondants se déclarent satisfaits de la disponibilité et de la réactivité des services lorsqu’une telle démarche est menée par l’intercommunalité, échelon vu "comme un bon compromis entre expertise et proximité". L’explication tient peut-être au fait que 36% des répondants perçoivent une compétition "entre communes centres et communes périphériques au sein de l’EPCI" pour l’obtention des fonds.
Sans surprise, les répondants espèrent davantage "une réduction des dispositifs et des acteurs" (18%) et une "simplification des dispositifs" (17%), dont on peut douter qu’elles adviennent.
Recommandations de l’APVF
Aux termes de l’enquête, l’APVF recommande plus concrètement à ses membres, à court terme : d’interroger les services régionaux ou intercommunaux en amont de tout projet afin d’évaluer l’opportunité d’un recours aux fonds européens ; de solliciter une assistance à maîtrise d’ouvrage spécialisée dans les marchés publics ; de "rester en alerte et mobile dans la prise d’information" et de rédiger des fiches méthodologiques en collaboration avec des petites villes ayant eu recours aux fonds européens. À moyen terme, l’association préconise de recruter du personnel dédié, "de s’astreindre à un taux de cofinancement à l’échelle de la PPI" (ndlr, du plan pluriannuel d’investissement), de trouver des problématiques communes à l’ensemble des communes de l’EPCI pour construire une démarche collectivité portée par ce dernier et de créer un guichet unique – sans préciser à quel échelon – pour orienter la collectivité.
Des pratiquants non croyants ?
En conclusion, on relèvera que 60% des répondants indiquent tout de même avoir recours aux fonds européens. Ce qui, d’une part, est de nature à accréditer la thèse que seuls les connaisseurs ont joué le jeu de l’enquête jusqu’au bout. Et, d’autre part, compte tenu des résultats précédemment présentés, prouve une nouvelle fois que l’on peut faire de la prose sans le savoir.
Consciente du déficit d’information sur les fonds européens, l’Association des maires de France (AMF) a décidé d’organiser en 2023 un "tour de France", baptisé "L’Europe des territoires", pour "sensibiliser les élus locaux aux opportunités européennes". Ces réunions d’informations seront organisées en partenariat avec la Représentation permanente de la Commission en France, l’Association française du conseil des communes et des régions d’Europe (Afccre) et Leader France, le tout "en étroite collaboration avec les autorités de gestion régionales et l’Agence nationale de cohésion des territoires, en sa qualité d'autorité de coordination nationale". Rappelons que la commission Europe de l’AMF a également édité l’an passé un guide pratique "Les fonds européens au service des projets communaux et intercommunaux" particulièrement didactique. |