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Fonds européens : "Les élus ne doivent pas s'autocensurer"

Constance de Pélichy, maire de La Ferté-Saint-Aubin (Loiret) et conseillère régionale (Centre-Val de Loire), invite les élus à se saisir des fonds européens et appelle les différentes autorités à veiller à la nécessaire souplesse et flexibilité des règles.

Localtis - Dans quelle mesure le plan de relance de l'Union européenne vous paraît-il susceptible de renforcer la résilience des territoires face à la crise ?

Constance de Pélichy - Il n'est pas aisé de se prononcer, alors que l'ouvrage est encore sur le métier. De manière générale, les fonds européens souffrent de deux maux auprès des collectivités : d'une part, de leur réputation de projets complexes et lourds à gérer, qui n'est pas toujours usurpée ; d'autre part, d'une certaine autocensure des élus, notamment des collectivités de petite taille, qui imaginent que leurs projets ne seront jamais éligibles – cette fois à tort. Les programmes Leader, par exemple, concernent des projets à taille humaine, gérés à l'échelle des pays, qui sont une structure familière des élus locaux. Ils représentent certes une goutte d'eau dans l'océan des fonds européens mais, pour autant, ils restent encore à ce jour sous-exploités.

D'autres fonds devraient à mon sens prendre de l'ampleur compte tenu du contexte. Ainsi du fonds social européen – futur FSE+ –, trop faiblement doté. Or il est particulièrement adapté à la crise économique qui s'annonce, puisqu'ayant notamment vocation à promouvoir l'acquisition de compétences et l'apprentissage tout au long de la vie. C'est en outre le seul qui permet de financer non pas uniquement de l'investissement, mais aussi du fonctionnement.

Le Premier ministre a annoncé le recrutement de 800 "volontaires territoriaux en administration" pour répondre au manque d'ingénierie des collectivités. Qu'en pensez-vous ?

Tout dépend déjà de leur lieu d'affectation. Si c'est à l'échelle des pôles d'équilibre territoriaux et ruraux (PETR), par exemple, cela peut avoir du sens, parce qu'ils pourraient y faire œuvre de pédagogie et lutter contre les a priori précédemment évoqués. Un tel ancrage territorial pourrait favoriser une meilleure consommation des fonds et une plus grande équité entre les collectivités, même s'il faut veiller à ne pas multiplier les intervenants.

Tout dépendra aussi de la formation qui leur sera dispensée. Ces jeunes diplômés n'auront par construction pas d'expérience concrète du fonctionnement, parfois byzantin, de ces fonds et de leurs procédures. Or, si disposer d'un interlocuteur de proximité est assurément un plus, c'est à la condition qu'il soit en mesure de répondre à 80% des interrogations des élus ou, à défaut, de pouvoir les orienter vers le bon interlocuteur. Sinon, cela ne servira à rien. C'est précisément cette difficulté que nous avons rencontrée au début de la programmation 2014-2020, le transfert de responsabilité aux régions n'ayant pas été accompagné d'un transfert du personnel compétent. Le turn-over de ces volontaires, compte tenu de la durée de l'engagement, risque aussi d'amoindrir l'efficacité du dispositif. C'est une difficulté que l'on connaît déjà avec les experts en place, avec un statut qui n'a pourtant rien de comparable.

En votre qualité d'élue régionale, le maintien de la compétence des régions pour la gestion des aides non surfaciques du Feader doit vous ravir ?

Cela me semble être effectivement une bonne mesure, puisque cela permet de créer des synergies avec les politiques régionales et de rendre ces dispositifs plus proches des citoyens. Surtout, cela me paraît être une décision empreinte de sagesse : maintenant que les régions ont recruté et formé les experts qui faisaient défaut en début de programmation et que les services sont en ordre de marche, il serait incompréhensible de tout chambouler à nouveau.

Il faut en revanche veiller à ne pas surajouter des contraintes au cadre, déjà rigide, posé par la Commission. Gardons en tête que pour être réellement efficace, un fonds doit être aisément mobilisable. Nous évoquions les programmes Leader : il faut que les groupes d'action locale (GAL), par exemple, prennent garde à ne pas retenir des directives trop restrictives, au risque d'écarter de trop nombreux projets. Attention également à ne pas trop se lier, alors que notre époque requiert plus que jamais flexibilité et capacités d'adaptation. Je commence seulement mon deuxième mandat de maire, et dans les deux cas, dès la première année, le programme prévu ne pourra être mis en place.

 

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