Feader : les contours de la période transitoire se précisent peu à peu
Les négociateurs des institutions européennes sont parvenus à un accord sur le paquet de relance dédié aux communautés locales, qui reste toutefois dépendant des négociations sur le budget global qui, elles, s'enlisent. Ce qui n'empêche pas, en France, le duo État-région d'avancer progressivement, mais sûrement.
Les négociateurs du Conseil et du Parlement européens ont conclu, le 10 novembre dernier, un accord provisoire – qui doit encore être formellement adopté par leurs institutions respectives – sur le paquet de relance européen pour les agriculteurs et les zones rurales compris dans l'instrument de relance Next Generation EU (mais hors "dispositif pour la reprise et la résilience") et venant en complément du Feader. Cet accord sera in fine intégré au sein de la réglementation transitoire de la PAC qui couvre les années 2021 et 2022, et qui doit, elle, être adoptée par le trilogue prévu le 27 novembre prochain (en cas d'accord, le texte sera examiné par le Parlement européen lors de la séance plénière du 14 décembre).
Alors que la Commission européenne avait proposé de débloquer les fonds (8,07 milliards d'euros – entre 2022 et 2024), les négociateurs ont convenu d'avancer à 2021 et 2022 leur mise à disposition. 2,4 milliards seront disponibles l'an prochain, et les 5,6 milliards restants l'année suivante.
L'accord prévoit en outre :
- qu'au moins 55% de ces fonds devront être utilisés pour des investissements "contribuant à une relance résiliente, durable et numérique" dans les exploitations agricoles et pour soutenir les installations des jeunes agriculteurs (dont le plafond de l'aide a été porté de 70.000 à 100.000 euros). "Pour la relance, et pas pour le business as usual", a souligné le rapporteur du Parlement Paolo de Castro (S&D, IT) en conférence de presse ;
- qu'au moins 37% des fonds devront être consacrés à l'agriculture biologique, aux mesurées liées à l'environnement et au climat (baisse des émissions de gaz à effet de serre, conservation des sols, séquestration du carbone, biodiversité…) et au bien-être des animaux. Conformément au principe de non-régression, la part des fonds utilisée par les États membres pour les pratiques bénéfiques pour l'environnement ne pourra toutefois être inférieure au pourcentage de l'enveloppe pour le développement rural qu'ils consacrent actuellement à cette fin. C'est au sein de cette enveloppe que s'inscrivent les programmes Leader. À l'occasion de l'assemblée générale de Leader France (voir notre article), le secrétaire d'État chargé de la ruralité, Joël Giraud, a précisé qu'ils ne bénéficiaient pour l'heure d'aucun fléchage particulier. Des amendements avaient été déposés en ce sens lors des débats de la commission Agri du Parlement, mais ont été rejetés. Il appartiendrait dès lors à chaque État de décider ou non d'un pourcentage particulier (par exemple 5%, comme pour le Feader). Joël Giraud y est favorable, mais la mesure fera à n'en point douter l'objet d'arbitrage avec les ministres de l'Agriculture et de la Transition écologique. La réputation de complexité de la mécanique de gestion de ces programmes et la sous-consommation des fonds risquent de peser dans la balance, alors que tous les potentiels bénéficiaires arguent, avec la crise, de besoins grandissants.
- 8% restant à la discrétion des États membres.
Blocage du budget global
Reste qu'alors que l'adoption de l'ensemble semblait en bonne voie après l'accord provisoire du 10 novembre, le processus s'est depuis enlisé avec le refus, le 16 novembre, de la Hongrie et la Pologne, rejoints depuis par la Slovénie, d'entériner le dispositif conditionnant le versement des aides au respect de l'État de droit. "Les mécanismes discrétionnaires fondés non pas sur un jugement indépendant mais sur des critères politiquement motivés ne peuvent pas être qualifiés de 'primauté du droit'", a indiqué le chef de gouvernement slovène dans une lettre aux différentes instances de l'Union. "Le veto sur le budget dont la Pologne doit être le plus grand bénéficiaire est simplement une entreprise suicidaire. C'est au-delà de la compréhension", a de son côté déclaré Rafa? Trzaskowski, maire de Varsovie et membre du Comité européen des régions (PPE / PL). "Nous allons poursuivre les discussions afin de trouver une solution acceptable pour tous", n’a pu qu’indiquer le président du Conseil Charles Michel, à l’issue de la visioconférence des membres du Conseil du 19 novembre.
Feader en France : État et régions s'accordent pour 2022
Face à cette situation, en France, État et régions s'emploient à ne "pas ajouter du retard à ce retard", conscients que les désaccords "bruxellois" ne manqueront pas d'affecter la suite des opérations. À l'occasion d'un comité État-régions consacré au Feader pour la période transitoire 2021-2022, Julien Denormandie et Loïg Chesnais-Girard, président de la région Bretagne et représentant de Régions de France, se sont ainsi accordés, le 13 novembre, sur le maintien pour 2022, dernière année de transition, du taux de transfert du premier pilier de la PAC vers le Feader à hauteur de 7,53%.
Le comité a également acté la répartition des enveloppes 2021 et 2022 du Feader entre les régions, sur la base de la proposition établie par Régions de France, hors prise en compte des besoins liés à l'indemnité compensatoire de handicaps naturels, à l'assurance récolte et aux mesures anti-prédation. Le communiqué souligne que le montant global annuel du Feader alloué aux régions est en augmentation d'un tiers par rapport à l'enveloppe moyenne 2014-2020. Mais personne n'entend encore à ce stade dévoiler des éléments précis. "Tout sera officialisé prochainement", nous assure-t-on.
Côté régions, on se félicite de cet accord politique : "Le comité s'est bien passé. La situation est compliquée, mais nous avançons", indique-t-on à Localtis.
Un nouveau comité se tiendra en décembre, qui sera consacré à la mise en œuvre du plan France Relance, aux moyens de développer les circuits courts et à la préparation du plan stratégique national de la PAC.