Politique de cohésion 2021-2027 : place aux projets... ou presque

Le coup d’envoi de la nouvelle programmation 2021-2027 de la politique de cohésion européenne a été officiellement donné à Tours ce 5 décembre, en présence de la commissaire Elisa Ferreira. "Nous ne pouvons pas rater le départ", a prévenu la secrétaire d’État Laurence Boone, qui vient de mettre en place une cellule dédiée à la consommation des fonds européens au sein du SGAE. Reste que la concentration des autorités de gestion semble encore focalisée sur la clôture de l’actuelle programmation, qui s’annonce d’autant plus sportive que la commissaire a écarté, "pour l’heure", toute idée de report.

Enfin ! Le coup d’envoi de la politique de cohésion 2021-2027 en France a été officiellement donné le 5 décembre à Tours, lors d’une manifestation co-organisée par l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) et Régions de France. "Nous allons désormais pouvoir tracer la route", s’est félicité François Bonneau, président de la région Centre-Val de Loire, qui accueillait l’événement. Un départ donné alors que quatre programmes opérationnels (PO) – ceux de la Martinique, de la Guadeloupe, de Mayotte et de Saint-Martin – sont encore bloqués dans la chambre d’appel (celui de la Corse a reçu son feu vert vendredi dernier). "L’équipe n’est pas prête tant que l’ensemble des joueurs territoriaux ne sont pas sur le terrain", a pourtant averti la commissaire européenne à la cohésion, Elisa Ferreira, qui avait fait le déplacement en Touraine. 

Une course à étapes

On ne tiendra pas rigueur aux organisateurs de leur impatience. D’abord parce que les validations des PO retardataires ne devraient plus tarder, assure-t-on. Ensuite, et surtout, parce cette impatience est plus que compréhensible, alors que cela fait des mois que les équipes travaillent sur cette nouvelle programmation. "Plus de deux ans de discussions entre l’État, les régions et la Commission", a rappelé la secrétaire d’État chargée de l’Europe, Laurence Boone, arguant que la politique de cohésion, "ce n’est pas quelque chose qui vient d’en haut. Les priorités sont coconstruites".
Cette impatience est tout aussi forte chez les porteurs de projets et les opérateurs : "Cela fait plus d’un an qu’on attend", s’exclame une auditrice de la salle, impatiente de toucher sa part des quelque 18 milliards d’euros attribués à la France avec cette nouvelle programmation. 
La course – plus proche d’un tour à étapes que d’une classique d’un jour – ne fait que commencer. Elle risque cette fois encore d’être à obstacles, même si tout le monde espère qu’elle ne sera pas aussi chaotique que la précédente. 

Un report de la clôture espéré et, "pour l’heure", écarté

Côté autorités de gestion, on ne cache pas les inquiétudes, alors que, comme l’a souligné Isabelle Boudineau, conseillère régionale de Nouvelle-Aquitaine, "les équipes doivent mener de front la clôture de la programmation 2014-20, avec l’étage React-EU, et préparer en même temps la programmation 2021-2027". Le spectre des dégagements d’office plane, même si l’on peine à en prononcer le nom. En coulisses, on s’active pour que la date fatidique pour solder les comptes soit repoussée. Interrogée par Localtis, la commissaire Ferreira exclut l’hypothèse. D’abord en constatant qu’il n’y a "pas de retard dans l’exécution des fonds" dans l’Union, évoquant un taux de 75%. Ensuite, en soulignant que l’Union a déjà introduit "suffisamment de flexibilité" à la programmation 2014-2020, suggérant aux autorités françaises de "toutes les utiliser". Et la commissaire d’égrener l’ensemble des assouplissements qui ont été aménagés pour tenir compte de la crise du Covid dans un premier temps, de la crise énergétique et de la guerre en Ukraine dans un second. Elle a en outre rappelé qu’une nouvelle proposition était à l’étude, qui permettrait "d’utiliser 10% de chaque programme opérationnel pour faire de l’appui aux familles et aux PME en danger à cause de la facture énergétique". "Avec tout cela, la finalisation sera possible tout en menant en parallèle le début de l’exécution 21-27", a-t-elle assuré, en ajoutant qu’elle ne "voit pas le besoin de prolonger pour l’heure". Une dernière précision qui n’a pas manqué d’être remarquée. "On en reparlera en septembre", a lâché en aparté l’un des participants.

La France, plus proche du bonnet d’âne que des lauriers

Si elle s’est efforcée de dépeindre un ciel sans nuage, la commissaire n’a pour autant pu cacher les "préoccupations" bruxelloises à l’égard  des régions ultrapériphériques (RUP). Les françaises du moins, "puisque il n’y a pas de problème avec les RUP espagnole et portugaises", a-t-elle précisé. "On essaye d’éviter les pertes de fonds. Ces régions ont beaucoup de besoins très clairs, mais en même temps des progrès dans la qualité technique des dossiers sont possibles, tant dans la préparation des projets que dans leur mise en œuvre", explique Elisa Ferreira. La commissaire s’est néanmoins voulue rassurante : "On sent une préoccupation du gouvernement français, qui a proposé de conduire un travail spécifique d’appui technique pour les RUP et cela donne beaucoup d’espoir", déclare-t-elle. "Il est hors de question que leurs fonds soient inutilisés alors que ces régions en ont besoin plus que les autres", martèle pour sa part Laurence Boone. La secrétaire d’État concède néanmoins que la situation française n’est, en général, guère enviable : "La France est dans la branche haute du tiers inférieur pour le décaissement des fonds", périphrase-t-elle. Pour faire simple, plus proche du radiateur et du bonne d’âne que des lauriers.

Une cellule spéciale fonds européens au SGAE

Une situation qu’elle entend voir changer : "Nous devons être au rendez-vous. Nous ne pouvons pas rater le départ de la nouvelle programmation, même si les autorités de gestion sont focalisées sur 14-20", avertit la ministre. Consciente "des progrès à faire pour absorber les fonds au plus vite", elle a décidé la création d’une "cellule spéciale, dédiée à l’utilisation des fonds européens", au sein du Secrétariat général des affaires européennes (SGAE). Lancée le 1er décembre dernier, cette cellule de cinq personnes a été confiée à Philippe Cichowlaz, le "Monsieur Europe" de l’ANCT jusqu’ici. Charge pour elle d’identifier les blocages, et de les lever. Nul doute que le travail ne manque pas, comme en ont témoigné les débats animés sur l’opportunité ou non pour les petites communes de solliciter des fonds européens, sur le "serpent de mer de la simplification" ou encore sur les contrôles de la Commission interministérielle de coordination des contrôles (CICC) – l’autorité d’audit des fonds européens en France –, jugés trop tatillons et déconnectés du terrain. Il ne sera guère aisé : "Le problème, c’est que chaque échelon renvoie toujours la responsabilité à celui du dessus. Il faut impérativement mettre tout le monde autour de la table", préconise Thibaut Guignard, président de Leader France.