Guerre en Ukraine : nouvelles mesures de la Commission, nouvelles initiatives des collectivités
La Commission européenne a présenté un nouveau projet de règlement afin de faciliter l’accueil et l’insertion des réfugiés, notamment ukrainiens, par les États membres et les collectivités locales. Ce texte permettra également de transférer certains projets en cours de la précédente programmation de la politique de cohésion affectés par les conséquences de la guerre vers l’actuelle. Un nouveau règlement permet également une aide d’urgence pour les agriculteurs et certaines PME dans le cadre du Feader. Les associations de collectivités ne sont pas en reste et multiplient les initiatives.
La Commission européenne vient d’arrêter un nouveau dispositif pour aider États membres, collectivités locales et organisations de la société civile à faire face aux conséquences de la guerre en Ukraine. Après le dispositif Care visant à faciliter l’aide d’urgence apportée aux ressortissants ukrainiens (voir notre article du 5 avril), place à Fast Care, ou "assistance flexible aux territoires", qui entend apporter un soutien supplémentaire en matière d’accueil et d’intégration des réfugiés. Concrètement :
• Le cofinancement de l’Union à 100% serait étendu aux mesures "visant à promouvoir l’intégration socio-économique des ressortissants de pays tiers" – et donc pas seulement aux ressortissants ukrainiens – dans les programmes de politique de cohésion des programmations 2014-2020 et 2021-2027 (un réexamen est prévu mi-2024). Pour en bénéficier, les États membres devront veiller à ce qu’au moins 30% de l’aide soit destinée aux collectivités locales et aux organisations de la société civile œuvrant auprès de ces dernières.
• Les États membres pourraient relever le montant du coût unitaire simplifié destiné à couvrir les besoins fondamentaux des réfugiés de 40 euros à 100 euros par personne et par semaine, et ce pour une période qui pourrait atteindre 26 semaines, contre 13 aujourd’hui.
• La possibilité de financement croisé entre le Feder et le FSE octroyée par Care serait étendue au fonds de cohésion – disposition qui ne concerne donc pas la France.
• Les opérations "visant à relever les défis migratoires" pourraient être déclarées rétroactivement en vue d’un remboursement, et ce quand bien même l’opération serait achevée.
• Les programmes pourraient soutenir des opérations réalisées en dehors de leur champ géographique initial, sans pour autant dépasser les frontières de l’État membre concerné.
• Les préfinancements de l’UE pour la période 2021-2027 seraient portés à 3,5 milliards d’euros pour les programmes bénéficiant d’un soutien du Feder, du FSE+ et du fonds de cohésion. Une première tranche serait versée dès l’entrée en vigueur du nouveau règlement (immédiatement pour les programmes déjà adoptés, et après adoption pour ceux qui ne sont pas encore approuvés), et une seconde en 2023. La répartition de la somme entre les États membres serait proportionnelle à leurs dotations nationales. Ces 3,5 milliards s’ajoutent aux 3,5 milliards de préfinancement déjà versés au titre de React-EU depuis mars.
Par ailleurs, la guerre ayant entraîné des retards dans la mise en œuvre de projets relevant de la politique de cohésion, le nouveau texte permettra de transférer les projets en cours, d’un montant supérieur à 1 million d’euros, de la période 2014-2020 qui n’auraient pu être achevés du fait de la pénurie de matières premières et de main-d’œuvre ou de l’augmentation des prix vers la programmation 2021-2027, et ce quand bien même certains domaines ne seraient plus admissibles.
Pour être effectives, ces modifications – qui nécessitent la révision des règlements portant dispositions communes de chacune des programmations – doivent être adoptées par le Parlement et le Conseil.
Les associations de collectivités à la manœuvre
Les associations de collectivités multiplient également les initiatives. Le président de l’Association des maires de France vient ainsi de signer le 28 juin une déclaration d’intention avec la ville d’Irpin afin d’aider à la reconstruction de cette commune limitrophe de Kiev de 100.000 habitants, dont plus de 12.000 bâtiments auraient été touchés et 885 totalement détruits. Le maire de la ville mettra prochainement à disposition des maires et présidents d’intercommunalité français volontaires une liste des actions à mener (dons financiers, d’infrastructures, d’équipement et prêt de ressources humaines) pour reconstruire les bâtiments publics.
Le même jour, l’Association française du conseil des communes et régions d’Europe (Afccre) se réunissait à Katowice, en Pologne, avec l’association des villes polonaises et l’association des villes ukrainiennes dans le cadre du Forum urbain mondial, et dans le prolongement de l’accord de partenariat conclu entre les associations de collectivités de ces trois pays en 2016, afin d’échanger expériences et bonnes pratiques. Un nouveau séminaire est prévu l’an prochain.
Enfin, signalons le lancement par le nouveau président du Comité des régions (voir notre article du 30 juin) d’une "Alliance européenne des villes et des régions pour la reconstruction de l’Ukraine", qui se veut une réponse à l’appel formulé en avril par le président ukrainien. Elle vise à coordonner les initiatives, faciliter les contacts et la fourniture d’expertise et d’assistance technique ou encore à fournir des informations. L’Alliance appelle d’ores et déjà à organiser la reconstruction de l’Ukraine autour de plusieurs grands principes, parmi lesquels celui de confier aux autorités locales un rôle de chef de file, la promotion du développement et de la modernisation de la campagne ukrainienne ou encore l’accent sur l’amélioration de la bonne gouvernance locale, "y compris la transparence, la lutte contre la corruption, la protection de la liberté des médias locaux et la promotion de l’administration en ligne". Elle demande par ailleurs aux institutions européennes, entre autres, "l’engagement ferme de promouvoir l’autonomie locale, la bonne gouvernance et la démocratie locale" et le respect du principe de l’OCDE de l’investissement public à tous les niveaux de gouvernance. Pour l’heure, figurent parmi ses membres le Conseil des communes et régions d’Europe, Eurocities ou encore la Convention des maires pour le climat et l’énergie.
Nouvelle aide d’urgence aux agriculteurs et PME touchés par la guerre…
Toujours pour faire face aux conséquences de la guerre en Ukraine, vient par ailleurs d’être adopté – et publié – un nouveau règlement du Parlement européen et du Conseil afin de fournir un soutien temporaire exceptionnel dans le cadre du Feader. Il permet aux États membres d’apporter une aide d’urgence aux agriculteurs et aux PME exerçant des activités de transformation, de commercialisation ou de développement des produits agricoles (incluant le coton mais hors produits de la pêche), pour autant qu’ils participent à l’une des activités suivantes : économie circulaire ; gestion des nutriments ; utilisation rationnelle des ressources ou méthodes de production respectant l’environnement et le climat. L’aide, qui doit contribuer "à la sécurité alimentaire ou à la correction des déséquilibres du marché", prend la forme d’un paiement forfaire à verser au plus tard le 15 octobre 2023, qui ne peut dépasser 15.000 euros par agriculteur et 100.000 euros par PME. Enfin, ce soutien ne peut dépasser 5% de la contribution totale du Feader au programme de développement rural pour les années 2021-2022.
… aux entreprises françaises à forte intensité énergétique et aux importations de biens vitaux destinés aux Ukrainiens
Relevons enfin que la Commission vient, ce 1er juillet :
- d’une part d’autoriser le régime français – de 5 milliards d’euros – de soutien aux entreprises à forte intensité énergétique. Gérée par la DGFIP, l’aide prend la forme de subventions directes, qui ne peuvent dépasser 30% des coûts admissibles et jusqu’à 2 millions d’euros. Une aide supplémentaire est prévue pour celles qui subissent des pertes d’exploitation pouvant atteindre 25 millions d’euros (et 50% des coûts admissibles), et même 50 millions d’euros si elles exercent dans certains secteurs particulièrement touchés (et 70% des coûts admissibles). Le montant total de l’aide, qui devra être octroyée au plus le 31 décembre prochain, pourra couvrir jusqu’à 80% des pertes subies ;
- d’autre part, d’autoriser les États membres à accorder une exonération temporaire des droits de douane et de TVA sur les biens vitaux (denrées alimentaires, couvertures, tentes…) destinés aux Ukrainiens, importés en provenance de pays tiers par les organismes publics, collectivités locales, etc.