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Port du masque généralisé : la préfète du Bas-Rhin sommée de revoir sa copie

Une "atteinte à la liberté personnelle" : la justice a "enjoint" mercredi 2 septembre à la préfète du Bas-Rhin, Josiane Chevalier, de réécrire son arrêté qui imposait depuis samedi le port généralisé du masque à Strasbourg et dans les 12 autres principales villes du département.

Dans son ordonnance, consultée par l'AFP, le tribunal administratif de Strasbourg lui donne jusqu'au "lundi 7 septembre à 12H00" pour prendre un nouvel arrêté sur le port du masque.
Mais celui-ci devra exclure les communes et "les périodes horaires" qui ne sont pas caractérisées "par une forte densité de population" ou "des circonstances locales susceptibles de favoriser la diffusion" du coronavirus.
Faute de nouvel arrêté, l'actuel, qui reste valable jusqu'au 7 septembre, serait alors "automatiquement suspendu", prévient le tribunal, saisi en référé-liberté par deux praticiens hospitaliers alsaciens.
L'arrêté incriminé, entré en vigueur samedi à 08H00 et qui devait initialement s'appliquer jusqu'au 30 septembre, "porte une atteinte immédiate à la liberté d'aller et venir et à la liberté personnelle des personnes appelées à se déplacer" dans les communes concernées, a pointé le tribunal.

Critiques

Dans un communiqué diffusé mercredi soir, la préfète a indiqué ne pas faire appel de cette décision qu'elle va "mettre en oeuvre sans délai (...) en s'appuyant sur le couple 'maire-préfet'".
Elle invite ainsi les maires des 13 communes concernées "à lui faire connaître (...) les secteurs et périodes pour lesquels ils considèrent que le port du masque est souhaitable", souhaitant mettre les maires "au coeur du dispositif".
Une façon de répondre aux critiques de plusieurs élus qui, telle Jeanne Barseghian, maire (EELV) de la capitale alsacienne, avait regretté un manque de concertation.
L'arrêté imposait le port du masque aux "personnes de plus de 11 ans" à Strasbourg et dans les 12 autres villes du Bas-Rhin de plus de 10.000 habitants.
"Les personnes pratiquant des activités physiques, sportives et artistiques" en étaient toutefois exemptées, tout comme celles "en situation de handicap présentant un certificat médical".
Josiane Chevalier justifiait cet arrêté par l'accélération "inquiétante" de l'épidémie de Covid-19, "en particulier chez les jeunes" avec un "taux d'incidence" qui doublait "chaque semaine".
Mais pour le tribunal, "il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il existerait en permanence et sur la totalité des 13 communes concernées par l'arrêté une forte concentration de population ou des circonstances particulières susceptibles de contribuer à l'expansion du Covid-19".
"C'est une victoire et une satisfaction", a réagi auprès de l'AFP Me Marc Jantkowiak, l'un des avocats des requérants, le psychologue Vincent Feireisen et le médecin Christian Chartier, dont il souligne qu'ils "ne sont pas des anti-masques".
En mai, les deux praticiens avaient déjà contesté, alors en vain, l'arrêté municipal pris par l'ancien maire socialiste de Strasbourg, Roland Ries, qui imposait le port du masque dans le centre-ville. Cet arrêté avait été suspendu quelque jours plus tard par le tribunal administratif, saisi par un avocat strasbourgeois.

"Disproportionné"

Dans un communiqué, le médecin et le psychologue ont salué la décision rendue mercredi, estimant que "l'adhésion aux gestes barrières ne doit pas être obtenue par la peur de la sanction ni (par un) endoctrinement".
Le tribunal a sanctionné "le caractère trop général" et "disproportionné" de l'arrêté qui imposait le port du masque "jour et nuit sur tout le territoire des 13 plus grandes communes (...) alors que ce n'est pas nécessaire", a analysé de son côté Me Jantkowiak.
Le principe de précaution "ne peut pas aller jusqu'à imposer à quelqu'un qui promène son chien à minuit de porter un masque alors qu'il n'y a plus personne dans la rue", fait-il valoir.
Selon l'avocat, cette jurisprudence pourrait "évidemment être utilisée ailleurs en France" par ceux "qui souhaiteront contester des arrêtés" imposant le masque, récemment pris par plusieurs villes ou préfectures.
"Le virus va être là pendant des mois, donc imposer le port du masque partout, 24h sur 24, c'est compliqué", a réagi le docteur Alexandre Feltz, adjoint de Jeanne Barseghian, chargé des questions de santé.