Pollution de l'air : l'État condamné à deux nouvelles astreintes pour un montant record de 20 millions d'euros

Après une première astreinte de 10 millions d'euros infligée le 4 août 2021, le Conseil d'État a de nouveau condamné l'État ce 17 octobre à deux astreintes d'un montant total de 20 millions d'euros pour ne pas avoir suffisamment agi contre la pollution de l'air.

"Après avoir ordonné à l'État, depuis 2017, de faire respecter les normes européennes, reprises en droit français, de qualité de l'air, le Conseil d'État le condamne aujourd'hui à payer deux nouvelles astreintes de 10 millions d'euros pour les deux périodes allant de juillet 2021 à janvier 2022 et de janvier à juillet 2022", a indiqué le Conseil d'État dans une décision rendue ce 17 octobre. La plus haute juridiction administrative française reconnaît bien des "améliorations dans la durée" comme le montre le bilan 2021 de la réduction des polluants atmosphériques mais elle estime que la situation "reste fragile ou mauvaise" dans plusieurs zones. Si Grenoble ne présente plus de dépassement en matière de concentration en dioxyde d'azote, ni Paris en matière de concentration en particules fines PM 10, la situation de Toulouse "reste fragile en 2021" avec une concentration moyenne annuelle de dioxyde d’azote juste en-dessous de la valeur limite mais en augmentation par rapport à 2020. Et pour Paris, Lyon et Aix-Marseille, si la moyenne annuelle de concentration en dioxyde d’azote a globalement diminué en 2021 par rapport à 2019, "les seuils limites y ont été dépassés", souligne le Conseil d'État. 

L'État avait déjà été condamné en août 2021 à verser 10 millions d'euros pour ne pas avoir renforcé suffisamment son dispositif contre la pollution, une décision qui portait alors sur le premier semestre 2021 (lire notre article). "Compte tenu tout à la fois de la persistance du dépassement des seuils limites mais aussi des améliorations constatées depuis (...), le montant de l'astreinte semestrielle n'est ni majoré ni minoré", explique le Conseil d'État, qui a suivi la recommandation formulée le 19 septembre par le rapporteur public.

Une question de délais

"À ce jour, les mesures prises par l'État ne garantissent pas que la qualité de l'air s'améliore de telle sorte que les seuils limites de pollution soient respectés dans les délais les plus courts possibles", estime-t-il.

Le Conseil d'État note que les mesures prises par le Gouvernement dans le secteur des transports (aides à l’acquisition de véhicules moins polluants, développement des mobilités dites douces, déploiement de bornes de recharge) et du bâtiment (interdiction des chaudières à fioul ou à charbon) devraient avoir des effets positifs sur les niveaux de concentration en dioxyde d’azote dans l’air ambiant pour l’ensemble du territoire national. "Pour autant, les conséquences concrètes de ces mesures générales ne sont pas précisées pour les trois zones de Paris, Lyon et Aix-Marseille qui dépassent encore les valeurs limites", relève-t-il.

Le Conseil d'État observe également que le développement des nouvelles "zones à faibles émission mobilité" (ZFE-m) prévues par la loi Climat et Résilience d’août 2021, avec la possibilité de restreindre la circulation des véhicules les plus polluants, peut permettre une baisse significative des niveaux de concentration. Il constate que des zones à faibles émission (ZFE) avaient déjà été instaurés précédemment à Paris et à Lyon et qu’aucune mesure nouvelle n’a été prise pour ces zones depuis la loi Climat. "Le calendrier de mise en œuvre de restriction des véhicules les plus polluants a même été décalé à Paris, constate-t-il. En parallèle, la ZFE-m de Toulouse n’est effective que depuis le 1er février 2022 et celle d’Aix-Marseille que depuis le 1er septembre 2022. Et ce, alors même que l’obligation d’y instaurer des ZFE y était antérieure à la loi Climat et Résilience."

La haute juridiction administrative constate enfin que si des procédures de révision de plusieurs plans de protection de l’atmosphère (PPA) ont été récemment engagées ou sont en voie de l’être, "l’objectif de respect des seuils limites demeure très éloigné et n’est accompagné d’aucun élément permettant de considérer ces délais comme étant les plus courts possibles. Or la date butoir pour respecter les valeurs maximales de concentration en dioxyde d’azote dans l’air ambiant était fixée par la directive européenne au 1er janvier 2010."

Le ministère de la Transition écologique "prend acte"

La double astreinte décidée ce 17 octobre sera de nouveau répartie entre l’association Les Amis de la Terre qui a saisi initialement le Conseil d’État en 2017 et plusieurs organismes et associations engagés dans la lutte contre la pollution de l’air, sur les mêmes bases que celles qui avaient été retenues par la décision du 4 août 2021, moyennant un renforcement relatif des sommes attribuées aux associations en charge du suivi de la qualité de l’air. Le ministère de la Transition écologique a indiqué ce lundi "prendre acte" de la décision du Conseil d'État. Christophe Béchu doit recevoir prochainement les élus concernés par les ZFE-m avec pour objectif "d'accélérer sur l'amélioration de la qualité de l'air" et de travailler "sur la décarbonation des mobilité urbaines", est-il ajouté. Le Conseil d’État quant à lui réexaminera en 2023 les actions de l’État menées à partir du second semestre 2022 (juillet 2022-janvier 2023).