Politiques locales : les directeurs généraux de communautés prônent un "changement de modèle"
A l'occasion de la législature qui s'ouvre, l'Association des directeurs généraux des communautés de France (ADGCF) formule 12 propositions pour faire face aux "grandes transformations écologiques, sociales, territoriales et démocratiques". Elle fait de l'intercommunalité le fer de lance de l'action publique territoriale.
Mettre en chantier une "grande loi foncière", étendre les limites des villes-centres des agglomérations, encadrer l’installation des médecins, muscler les intercommunalités dans la conduite des politiques de la santé, du logement et des "générations" (petite enfance, seniors), expérimenter l’élection au suffrage universel direct des élus intercommunaux au sein de circonscriptions intercommunales... L'Association des directeurs généraux des communautés de France (ADGCF) exposera sa plateforme de propositions lors de ses 14es universités d'été, qui débuteront ce 6 juillet à Deauville, en présence de l'ancien Premier ministre, Edouard Philippe. Cette somme de 12 propositions qui ne manquent pas d'audace, avait été discrètement mise en ligne entre les deux tours des élections législatives. Son élaboration s'est appuyée sur un cycle de 13 rencontres régionales organisées entre octobre 2021 et janvier 2022, ainsi que sur une enquête par internet réalisée, dans la foulée, auprès des adhérents de l'association.
"Fermer le robinet du pavillonnaire"
Pour répondre aux défis en matière d'écologie et de climat, l'association fédérant plus d'un millier de cadres dirigeants de communautés et métropoles appelle à la préparation d'une "grande loi foncière" qui donnerait aux territoires des outils pour mettre en œuvre le principe de "zéro artificialisation nette" (ZAN). Les intercommunalités se verraient notamment attribuer la possibilité de mobiliser les 2,9 millions de logements vacants, en vue de "fermer le 'robinet' du pavillonnaire en extension urbaine". En outre, les documents de planification seraient fondus pour n'en faire plus qu'un, dédié aux "transformations écologiques" et défini à l’échelle intercommunale. Enfin, les compétences et le pouvoir réglementaire des intercommunalités seraient renforcés.
Pour lutter contre les déserts médicaux, l'ADGCF souhaite que l'exécutif contraigne davantage l’implantation des médecins sur le modèle existant des pharmacies. Il s'agirait d'"autoriser un nombre limité d’implantations par territoire pour lutter contre la suractivité dans certains secteurs". Dans le domaine de la santé plus généralement, l'association estime que les représentants des intercommunalités devraient systématiquement siéger dans les organes de gouvernance sanitaire. Un rôle de pilotage qu'il conviendrait, selon l'ADGCF, de leur conférer aussi en matière de politiques en direction des jeunes et des seniors.
Fusions de communes
Dans le domaine du logement, l'association revendique des délégations, et même des transferts de compétences, au profit des intercommunalités. L’ensemble des dispositifs aujourd’hui pilotés par l’État, ses agences ou d’autres collectivités (aides personnalisées au logement, aides à la pierre, crédits Action Logement, fonds de solidarité pour le logement, etc.) leur seraient dévolus.
Pour "rationaliser" les politiques publiques, les directeurs généraux (DG) des communautés et métropoles appellent à une "remise à plat de notre carte communale". La première étape consisterait à "étendre les périmètres des villes centres des agglomérations urbaines et périurbaines". Objectif : "redonner de la centralité aux intercommunalités et faciliter ainsi leur gouvernance". Après cette "première dynamique de fusion", le regroupement des communes de plus petite taille serait au programme. En complément, les DG des intercommunalités appellent à un transfert à un territoire élargi (zone d'emploi, région…) de la collecte et de la redistribution de l'impôt économique local – sur le modèle de la taxe professionnelle unique, qui avait été mis en place à partir de 1999. Cela permettrait de "limiter l’effet des concurrences que se livrent les intercommunalités voisines pour attirer des entreprises".
Démocratie intercommunale
Pour répondre aux défis à venir - notamment la mise en place du ZAN -, les élus intercommunaux devront disposer d'une plus grande légitimité, selon l'ADGCF. Elle plaide pour l'abandon des modalités de vote instaurées en 2014 - désignation des élus des communes et de l'intercommunalité sur un même bulletin de vote et fléchage -, qui sont jugées insuffisantes. Comme depuis déjà plusieurs années, l'association prône le passage à une élection au suffrage universel direct au sein d'une circonscription non plus communale, mais intercommunale. Elle propose que des territoires volontaires testent, lors des élections municipales de 2026, différents scénarios ("système Paris-Lyon-Marseille, élection de l’exécutif, élection de l’ensemble des conseillers, cohabitation avec une représentation communale, etc."). La généralisation du nouveau système de vote aurait lieu lors des élections suivantes, c'est-à-dire celles de 2032.
Dans le même temps, l'intercommunalité deviendrait "la circonscription territoriale de base des conseils départementaux" - en lieu et place des cantons. L'idée étant que les représentants intercommunaux soient les nouveaux élus de l’assemblée départementale. Un tel scénario avait été évoqué par l'ex-Premier ministre Manuel Valls dans son discours de politique générale, en septembre 2014. Six ans plus tard, après les premiers mois de la crise liée au Covid-19, la mission sénatoriale sur le rôle et les compétences des départements l'a qualifié de "fausse bonne idée".