Politique de la ville : dans l’attente du discours présidentiel, les maires demandent des mesures fortes
Y aura-t-il un discours présidentiel et un comité interministériel des villes avant la fin du mois de juin ? Alors que la nouvelle génération de contrats de ville doit être opérationnelle au 1er janvier 2024, les élus de banlieue et leurs partenaires sont suspendus à la parole d’Emmanuel Macron qui se fait attendre depuis plusieurs mois. L’association Ville & Banlieue alerte sur "l’urgence sociale" dans laquelle se trouvent les habitants des quartiers populaires et sur la défaillance de l’État dans ces territoires. Elle demande des mesures concrètes et des orientations claires nécessaires à la planification de la politique de la ville pour les six années à venir.
Les maires de l’association Ville & Banlieue attendent toujours les deux interventions que leur promet depuis des mois l’exécutif national : le discours "Quartiers 2030" du président de la République, qui sera en théorie suivi d’un comité interministériel des villes (CIV). "Nous sommes début juin et aucun de ces deux moments ne s’est tenu", a déploré Gilles Leproust, président de Ville & Banlieue, le 2 juin 2023 devant la presse, alors que l’association avait déjà exprimé son impatience fin mars (voir notre article). Le ministère de la Ville laisse entendre que ces deux étapes pourraient avoir lieu "la deuxième quinzaine de juin", rapporte le maire d’Allonnes qui se veut désormais "prudent".
Contrats de ville : les élus "dans le brouillard"
Pour ces élus qui doivent boucler d’ici la fin de l’année, avec l’État et les autres partenaires, les contrats de ville 2024-2030, la pression monte. Début avril, un mois après le lancement d’une mission sur "la participation citoyenne des quartiers" (voir notre article), le ministre de la Ville, Olivier Klein, avait réuni les préfets de département et indiqué les "trois piliers" des futurs contrats de ville : "un zonage actualisé, une participation citoyenne ravivée, une contractualisation resserrée". Pour actualiser en particulier la géographie prioritaire, les préfets devaient finalement "[engager] des échanges" avec les élus locaux.
"On est rentré dans le vif du sujet début mai et aujourd’hui il y a encore des maires concernés par la politique de la ville et les changements de périmètres qui n’ont pas été reçus" par les services de l’État, alerte le président de Ville & Banlieue. Dans le Val-d’Oise, une élue ne rencontrera par exemple le préfet délégué à l’égalité des chances qu’en septembre ou octobre, cite Damien Allouch, maire d'Épinay-sous-Sénart et secrétaire général de Ville & Banlieue. Pour sa ville en Essonne, cette réunion a eu lieu : "on avance" mais "dans le brouillard", décrit l’élu, rappelant que des arbitrages ministériels découleront de la parole présidentielle tant attendue.
Avec l’inflation, un budget "constant" équivaut à une perte de moyens pour les collectivités
Gilles Leproust poursuit : "tout ça va se faire dans l’urgence" ce qui risque de "créer des frustrations", les nouveaux contrats de ville devant être placés sous le signe d’une réelle coconstruction "avec les acteurs locaux et notamment les habitants et les associations". Les élus se sont vu par ailleurs annoncer des évolutions "à enveloppe constante", ce qui n’est "pas une bonne nouvelle" pour Gilles Leproust. Qui rappelle que l’inflation crée à la fois une dégradation sociale forte pour les habitants et une perte de moyens pour les collectivités.
Dans une tribune diffusée il y a peu (voir notre article) et signée à ce jour par cinquante maires et élus de villes populaires, le président de la République est interpelé sur l’aggravation de la situation des quartiers populaires suite à l’épidémie de Covid et à la crise des prix provoquée par la guerre en Ukraine. "Il y a une amélioration sur le front du chômage mais qu’on ne voit pas forcément beaucoup dans nos quartiers prioritaires", explique le président de Ville & Banlieue, qui pointe notamment le déficit de formation parmi les jeunes.
État fort en Île-de-France ? Les élus de banlieue ne le voient pas…
Alors que le gouvernement a souligné, le 30 mai dernier en conseil des ministres, des résultats positifs sur le plan "État plus fort en Seine Saint-Denis", les élus de l’association réunis ce 2 juin à Villejuif (Val-de-Marne) questionnent une "perception" de l’État qui contraste avec leurs propres constats sur le terrain. "À Villejuif, ville de 60.000 habitants, on n’a pas un commissariat de plein exercice, on a une annexe du commissariat du Kremlin-Bicêtre avec trois agents de police… Au regard des besoins d’une ville populaire comme la nôtre, on est très loin du compte", témoigne Antonin Cois, adjoint au maire de Villejuif. Adjoint au maire de Cachan, Camille Vielhescaze dit lui se battre depuis des années sur le non-remplacement des professeurs d’école. "Si la parole présidentielle se fonde, entre autres, sur cette communication, je pense qu’on va encore tomber de très haut", conclut Damien Allouch.
Après l’appel de Grigny des maires de villes populaires en 2017, Emmanuel Macron avait annoncé une "mobilisation nationale pour les villes et pour les quartiers", lancé la mission Borloo et promis aux élus de faire le point tous les six mois, rappelle Gilles Leproust, observant que les prises de parole du chef de l’État sur les quartiers ont été pour le moins rares depuis cet engagement. Demandant des mesures concrètes dès le 1er juillet, le président de l’association d’élus alerte : "Il y a une urgence vraiment sociale et, pour faire République il faut que chacune et chacun se sente respecté dans tous les territoires."