Contrats de ville, rénovation urbaine… les élus veulent avancer
Attendant encore l’intervention du président de la République sur les "Quartiers 2030", ainsi que la date du prochain comité interministériel des villes, les élus de Ville et Banlieue alertent sur le risque de manquer de moyens pour honorer les conventions de rénovation urbaine. L’association fête cette année ses 40 ans et entend, à cette occasion, recueillir les attentes et les solutions des élus des maires de villes populaires.
En attente des annonces présidentielles sur les "Quartiers 2030", les élus de Ville et Banlieue se sont montrés mobilisés, ce 30 mars 2023 devant la presse, alors que l’association fête cette année ses 40 ans. "Ville et Banlieue ne vient pas se plaindre, nous sommes des territoires de solutions et nous demandons davantage de prise en compte de nos solutions", a défendu Gilles Leproust, président de l’association et maire d’Allonnes (Sarthe). Ainsi, de Rezé – l’une des trois villes fondatrices du réseau – à Roubaix, en passant par Marseille, Lormont ou encore Villejuif, l’association réalise en ce moment un "tour de France des régions" pour rencontrer un maximum d’élus de villes populaires et "recueillir les attentes et les solutions". Une synthèse de ces échanges aura lieu les 18 et 19 octobre 2023 à Lyon, avec probablement un "appel de Lyon" des maires et élus de banlieue.
Rénovation urbaine : "nous n’avons plus les moyens de notre ambition"
Alors qu’une commission "participation citoyenne des quartiers" vient d’être lancée pour que les prochains contrats de ville soient élaborés de manière participative (voir notre article), les élus de Ville et Banlieue ne cachent pas leur impatience vis-à-vis d’un exécutif qui tarde à dévoiler ses intentions. "Nous arrivons à la fin mars et il n’y a ni CIV [comité interministériel des villes], ni annonce sur les Quartiers 2030", constate Gilles Leproust. Le 7 avril prochain toutefois, lors d’une rencontre avec la Première ministre, les élus auront l’occasion d’exprimer leurs inquiétudes sur plusieurs sujets, à commencer par les enjeux financiers. "Nos marges de manœuvre financières se sont amenuisées et nos budgets 2023 ont été compliqués à boucler", indique le maire d’Allonnes. Après l’épidémie de Covid-19, la guerre en Ukraine et l’inflation, certaines villes se retrouvent en difficulté vis-à-vis des engagements de rénovation signés avec l’Agence nationale de la rénovation urbaine (Anru). "Nous n’avons plus les moyens de notre ambition", résume Driss Ettazaoui, vice-président de la communauté d’agglomération d’Evreux. Et avec, notamment, le renchérissement des coûts de construction, les caisses de l’Anru commenceraient elles aussi aussi à se vider.
"Il faut que le gouvernement abonde financièrement l’Anru parce que 2024 va être catastrophique", alerte le président de Ville et Banlieue, selon qui l’Agence n’est désormais plus en capacité d’"honorer les avenants". En témoigne Damien Allouch, maire d’Épinay-sous-Sénart, qui déplore n’avoir obtenu de l’Anru que 35% du financement de son projet d’aménagement, "là où il nous fallait 50%". "Si ça prend plus de temps parce qu’il y a un peu plus de concertation, des difficultés, etc., vous arrivez à la fin et on vous dit ‘il y a moins de sous’ : ce n’est pas acceptable comme réponse", met en avant l’élu, estimant qu’il ne devrait pas y avoir de "traitement différencié" en fonction notamment des capacités d’ingénierie du territoire. Au passage, l’association rappelle son opposition à la multiplication des appels à projets. "On est sous perfusion d’appels à projets en permanence" et, du fait d’un manque d’effectifs pour y répondre, "on passe à côté de financements", pointe Damien Allouch.
Outre une nouvelle rallonge financière pour la rénovation urbaine, les élus demandent de "rendre l’Anru pérenne pour gagner du temps sur la réalisation des différents projets", c’est-à-dire d’en finir avec la logique de programmation pluriannuelle telle qu’elle a été pratiquée depuis 2004 avec le PNRU puis le NPNRU.
Police, justice, éducation : "la politique de la ville ne peut être une rustine"
Autre sujet d’interpellation récurrent de l’association : l’effectivité, dans les quartiers populaires, des moyens dédiés aux politiques de droit commun. "La politique de la ville ne peut être une rustine", selon Anne-Claire Boux, adjointe à la maire de Paris. Le manque de moyens nationaux pour la police et la justice est l’exemple le plus emblématique, les villes étant contraintes de "décaler [leurs] missions" en renforçant de plus en plus leur police municipale, estime Damien Allouch. Or, selon lui, "si on n’a pas réglé la problématique de la tranquillité publique pour les habitants, vous pouvez venir avec n’importe quel sujet, ça ne passera pas".
"Si, pendant qu’on met en œuvre les cités éducatives, on supprime des postes dans l’Éducation nationale, c’est un problème", illustre encore Gilles Leproust sur le droit commun. A ce sujet, les cités éducatives, qui ont été "élaborées dans le cadre de la démarche Territoires gagnants et du rapport Borloo", sont l’une des fiertés de l’association Ville et Banlieue, qui souhaite que tous les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) aient la possibilité de se lancer dans la démarche.
Concernant la future géographie prioritaire, qui serait dévoilée à l’automne et qui ne devrait pas beaucoup évoluer, les élus ont, sans surprise, deux attentes : que l’arrivée éventuelle de nouveaux quartiers donne lieu à des moyens supplémentaires et qu’advienne enfin l’alignement réclamé de longue date entre la carte des QPV et celle de l’éducation prioritaire. Sur ce dernier point, le président de Ville et Banlieue se déclare confiant.
Les élus attirent en outre l’attention sur les conséquences de l’inflation sur les habitants des quartiers populaires, l’aide alimentaire revenant sur le devant de la scène alors que, selon Anne-Claire Boux, "on ne parlait plus d’aide alimentaire dans les contrats de ville". Ou encore sur la vulnérabilité plus importante des quartiers face au dérèglement climatique. Dans la perspective de Paris 2024, Ville et Banlieue appelle enfin à accroître les efforts pour rendre possibles des "jeux populaires" ; l’association salue à ce sujet le fait qu’une ligne budgétaire du ministère des Sports ait été réservée à l’accompagnement des villes cherchant à augmenter le nombre de licenciés.