Politique de cohésion : la Cour des comptes européenne déplore des contrôles insuffisamment efficaces
La Cour des comptes européenne déplore que les contrôles des dépenses de la politique de cohésion, certes en progrès, restent insuffisamment efficaces. Si les autorités d’audit et la Commission ne sont pas épargnées, la Cour vise en particulier les insuffisances de contrôle des autorités de gestion, en attirant par ailleurs l’attention sur les États membres où les programmes sont mis en œuvre au niveau régional. Un quart des erreurs provenant de problèmes d’interprétation du cadre réglementaire, la Cour met en garde contre la "surréglementation", mais se prononce contre l’abandon du principe de cofinancement.
Tout cela pour cela. Alors que les complexités administratives démobilisent les potentiels bénéficiaires de fonds européens (voir notre article du 13 novembre 2023), la Cour des comptes européenne déplore dans un récent document d’analyse que les contrôles des dépenses de cohésion relevant de la période 2014-2020 restent insuffisamment opérants. "Le cadre d’assurance de la politique de cohésion a certes contribué à abaisser le niveau d’erreur global depuis 2007, mais il n’a pas été suffisamment efficace pour le faire passer sous le seuil de signification de 2% fixé dans la réglementation", observe-t-elle. La France ne fait pas exception, bien au contraire. Elle fait en effet partie des États membres où "le nombre de cas où les taux d’erreur résiduels recalculés par la Commission ont dépassé le seuil de signification a été particulièrement élevé" – il concerne 22% des dossiers.
Défaillances à tous les niveaux
Aucune autorité n’est épargnée. La Cour estime ainsi que les autorités de gestion, "première ligne de défense", auraient pu et dû détecter et corriger un grand nombre des erreurs supplémentaires que nous avons décelées" : "Plus d’un tiers, moyennant une meilleure prise de décision ou des vérifications plus efficientes." La Cour considère que ces "insuffisances de contrôle de premier niveau constituent l’un des principaux facteurs de risque". On notera au passage que selon la Cour, "les États membres dont l’administration est décentralisée et où les programmes sont mis en œuvre au niveau régional (par exemple la Belgique, l’Allemagne, la France et l’Italie) pourraient rencontrer davantage de difficultés pour exécuter efficacement leurs programmes relevant de la politique de cohésion". Une idée fixe (voir notre article du 20 janvier 2023), qui ne manquera pas d’alimenter les craintes d’une recentralisation de cette politique (voir notre article du 24 juin).
Les autorités d’audit sont également à l’amende, la Cour ayant relevé des faiblesses dans les travaux d’un grand nombre d’entre elles (40 des 43 examinées), qui "ont eu des répercussions sur plus de la moitié des opérations que nous avons contrôlées". Et de prendre exemple de deux projets relevant de l’Initiative pour l’emploi des jeunes pour lesquels, en France, seules des déclarations sur l’honneur ont été retenues pour vérifier le statut des participants, déclarations "dont les autorités d’audit n’ont pas contrôlé la fiabilité, même sur la base d’un échantillon".
Enfin, la Cour jusque que les contrôles opérés par la Commission présentent eux aussi "des faiblesses", et que si les audits de conformité de cette dernière sont efficaces, ils restent "peu nombreux".
Trop de règles tue la règle ?
La Cour considère que plus d’un quart des erreurs relevées "peuvent être attribuées à un manque de diligence ou à une violation présumée intentionnelle des règles de la part des bénéficiaires", mais aussi qu’un autre quart serait dû "à des problèmes d’interprétation du cadre réglementaire". Elle préconise en conséquence à la Commission de "fournir des orientations plus explicites afin de clarifier les aspects sur lesquels la base juridique n’est pas suffisamment précise", mais aussi "d’empêcher la surréglementation". Au passage, on notera que les autorités de gestion ont également leur part de responsabilité en la matière. La Cour relève en effet que si ses audits "confirment que les opérations réalisées au moyen d’options de coûts simplifiés sont moins exposées aux erreurs", "l’utilisation de ces options n’est pas systématique". C’est particulièrement le cas en France, comme l’a déploré naguère l’Agence nationale de la cohésion des territoires (voir notre article du 8 mars 2023).
Concrètement, les types d’erreurs le plus souvent détectés sont la prise en compte de dépenses inéligibles, suivie par le non-respect des règles en matière d’aides d’État et de celles relatives aux marchés publics.
Des mesures supplémentaires nécessaires
In fine, la Cour juge "nécessaire de prendre des mesures supplémentaires". Elle invite ainsi la Commission et les États membres à "prêter davantage attention à l’efficacité des contrôles des autorités de gestion". Outre la clarification des règles précédemment évoquée, elle estime que "la retenue de 10% sur chaque paiement intermédiaire jusqu’à l’approbation des comptes annuels pourrait constituer un garde-fou efficace". En cas d’insuffisance grave, elle suggère à la Commission d’imposer des corrections financières nettes, "qui se solderaient par une perte directe de fonds pour l’État membre concerné". Last, but not least, considérant que l’abandon de l’exigence de cofinancement national, régional ou privé des programmes – "protection essentielle pour assurer une utilisation économique, efficiente et efficace des fonds de l’UE et pour garantir l’appropriation des investissements publics" – va à l’encontre d’un principe de longue date concernant les finances l’UE, la Cour plaide pour que "cette mesure d’assouplissement reste exceptionnelle et temporaire".