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Fonds européens - Politique de cohésion 2014-2020 : l'Etat et les acteurs locaux cherchent le bon curseur

Les réponses des collectivités à la consultation de la Datar sur l'utilisation des fonds structurels font ressortir des besoins "oubliés" par Bruxelles : infrastructures de haut débit, de transports et services publics.

Dans le grand supermarché de la politique régionale, la liste de courses est longue : PME, formation des chômeurs, innovation, technologies de l'information, environnement, éducation, lutte contre la pauvreté, transports... au risque d'avoir l'embarras du choix ? Pas du tout, rétorquent les collectivités, dont la pire crainte est de voir leur grand magasin transformé en petite épicerie.
Comme si la crise rendait subitement tout prioritaire, les réponses à la consultation lancée par la Datar le 20 décembre dernier traduisent la volonté de financer un large éventail d'actions à l'aide des fonds structurels régionaux, voire de dépasser le cadre donné par la Commission européenne. D'ici la fin de l'année, celle-ci devra donner son feu vert à "l'accord de partenariat", sorte de bible pour l'utilisation de toute une palette de fonds européens en France (Feder pour les infrastructures et les entreprises, FSE pour l'emploi, Feader pour la ruralité et Feamp pour la pêche et le littoral).

Zones rurales

En guise de base de travail pour les 350 acteurs invités à répondre (collectivités, syndicats, entreprises, organismes de logement social, de formation, associations, établissements publics…), la Datar suggérait de mettre l'accent sur les quatre domaines de la stratégie Europe 2020 où la France est à la traîne : l'emploi, le décrochage scolaire, les énergies renouvelables, la recherche et l'innovation. "La modestie de l'enveloppe budgétaire allouée à la France et la contraction des budgets publics appellent, pour maximiser l'effet des fonds, une hiérarchisation des priorités d'intervention", peut-on lire dans le document.
"La proposition fait sens mais la diversité régionale limite la portée de cet objectif", répond poliment l'Association des régions de France. Même refrain du côté des maires de grandes villes qui réclament, à l'instar d'autres acteurs, la possibilité d'ouvrir le champ d'intervention des fonds européens. La "culture", le "tourisme" et "les sports" sont les grands absents de "l'actuel document", déplore le Réseau rural, ajoutant qu'ils "maintiennent une diversité de secteurs d'activités et d'emplois dans les zones rurales". L'Association française du Conseil des communes et régions d'Europe pense de son côté au rôle des fonds européens dans "l'égal accès à des services publics de qualité" dans les zones en tension (services de santé dans les zones rurales…).
La hiérarchisation proposée par la Datar semble en revanche convenir à la CGPME. A une condition près : que la compétitivité des PME soit ajoutée aux rayons de la boutique européenne...

Bras de fer

En novembre dernier, la Commission européenne a détaillé en une quarantaine de pages sa vision de l'utilisation prioritaire des fonds structurels en France. Le document n'est pas contraignant, mais il peut exercer une influence non négligeable. D'où le bras de fer qui s'engage entre Bruxelles et la France sur les investissements dans le numérique. Pour la Commission européenne, le constat semble clair : "La construction des infrastructures de base de TIC ne fait pas partie des priorités" en France métropolitaine, où les trois quarts des foyers disposent déjà d'une connexion internet. Du bout des lèvres, Bruxelles serait prête à concéder des exceptions pour les régions en transition (dont le PIB par habitant compris entre 75% et 90% de la moyenne européenne), mais sous certaines conditions, encore floues.
"Dans les zones rurales, l'accès au haut débit est plus faible (28%)", plaide la Datar, soutenue par les élus locaux… comme par les Etats et les eurodéputés ! Ces derniers souhaitent en effet ouvrir à toutes les régions européennes le financement du haut débit ou de la fibre optique par les fonds structurels, isolant de fait la Commission.
L'indulgence de Bruxelles n'est pas encore gagnée qu'un deuxième débat s'engage déjà sur les outils à mobiliser. "Le Feader n'a pas vocation à financer des projets d'aménagement et de gros investissement", écrit le Réseau rural. Il "ne doit pas contribuer au déploiement des infrastructures de haut-débit comme il est proposé dans le document de concertation".

Casser des cloisons

Financer les investissements d'avenir et l'innovation tout en parant à la crise qui crée de nouvelles urgences : les fonds européens sont assaillis de demandes qui dépassent de loin les 0,2% du PIB national qu'ils représentent chaque année pour la France. L'attente créée par le Parlement européen, qui doit donner son verdict en juillet sur le budget 2014-2020, semble avoir contraint la Commission à la réserve. La répartition des crédits entre les régions n'est pas encore connue, ce qui complique d'autant plus la déclinaison des champs d'investissement prévue dans l'accord de partenariat. Outre les aspects financiers, celui-ci clarifierait également un certain nombre d'outils que la Commission a mis sur la table. Les "investissements territoriaux intégré" en font partie. Au début perçus comme un outil d'intervention dans les villes, ils pourraient également servir à des projets qui font le lien entre les territoires urbains et ruraux, en mobilisant plusieurs fonds européens simultanément.
Pas question de penser aux transports, car la Commission exclut fermement de financer ces infrastructures avec les fonds structurels dans les régions métropolitaines, jugées trop riches.
Mais la démarche enclenchée a le mérite d'envisager le territoire dans sa complexité, et non sous le seul aspect sectoriel, ce qui peut favoriser l'émergence de projets innovants. Le chantier qui s'ouvre est colossal tant il requiert de casser des cloisons aussi bien entre les administrations qu'entre les élus.