Plus de 3.500 places d'hébergement d'urgence seront créées en 5 ans dans d'anciens hôtels
Le ministère du Logement annonce une augmentation de 52% des places d'hébergement d'urgence entre 2012 et 2017. Parmi celles-ci, certaines seront créées dans d'anciens hôtels accueillant "de fait" des personnes sans abri dirigées là par l'Etat, par manque de places dans les centres d'hébergement. Les bâtiments seront transformés en véritables structures d'hébergement d'urgence avec accompagnement social. La SNI fait partie des opérateurs. Le groupe vient de racheter 62 hôtels F1 via un fonds "à impact social" dénommé "Hémisphère".
Selon le ministère du Logement, 3.675 places d’hébergement d’urgence prévoyant un accompagnement social renforcé seront créées via le rachat d’hôtels, pour un coût de 110 millions d’euros sur 5 ans. Suite à un appel d'offres lancé par le ministère du Logement, "les hôtels rachetés, ciblés jusqu’alors pour répondre aux besoins d’hébergement d’urgence dans le cadre de nuitées hôtelières seront restructurés pour offrir aux personnes hébergées des conditions d’accueil mieux adaptées aux besoins des familles ainsi qu’un accompagnement social renforcé", précise-t-il à Localtis.
Augmenter les places pérennes, réduire les nuitées hôtelières
Le gouvernement entend répondre à un double objectif. Il s'agit d'une part d'augmenter le parc de places d’hébergement pérennes. Le ministère a à ce propos annoncé, le 15 mars, "une augmentation du parc d’hébergement de 5.000 places à la sortie de l’hiver", précisant que "la totalité du parc d’hébergement dépassera donc les 125.000 places soit une augmentation de plus de 52% entre 2012 et 2017".
Il s'agit d'autre part de réduire le nombre de nuitées d’hôtel, qui représentent une solution d’hébergement très coûteuse pour l’Etat et non adaptée aux besoins des familles. "Alors que le coût moyen d’une journée d’hébergement avec assistance sociale est estimé à 23 euros TTC, le coût journalier moyen des nouvelles places d’hébergement est estimé à 18 euros TTC, soit une économie de 82 millions d’euros sur 10 ans", indique le ministère.
Et pour les personnes en difficulté, il s'agit de trouver un "abri qui correspond à leur besoin" et de pouvoir "se reconstruire et emprunter le chemin de la réinsertion". Encore faut-il que des logements sociaux soient disponibles mais c'est une autre histoire.
Tout cela s'inscrit dans le plan triennal de réduction des nuitées hôtelières lancé en février 2015 (voir notre article ci-contre du 3 février 2015) visant à "substituer à l'hôtel des dispositifs capables de répondre aux difficultés des personnes accueillies". En septembre dernier, le nombre de nuitées hôtelières avait diminué de 22% depuis la fin de 2014 (voir ci-dessous notre article du 9 septembre 2016).
La SNI rachète 62 hôtels F1 pour en faire des (vraies) structures d'hébergement
Le groupe SNI (filiale immobilière à vocation d'intérêt général de la Caisse des Dépôts) est l'un des opérateurs retenus, via sa filiale Adoma, dans le cadre de l'appel d'offres du ministère du Logement. Il a répondu également à un appel d'offres similaire du ministère de l'Intérieur, portant sur le rachat d'hôtels visant à y accueillir - une fois les travaux de restructurations effectués - des réfugiés. C'est précisément pour répondre à ces deux consultations de l'Etat qu'il a créé un fonds à impact social dénommé "Hémisphère" (voir notre encadré ci-dessous), via sa filiale Ampere Gestion (société de gestion de portefeuille).
Le lancement du fonds a été annoncé le 15 mars. Sa première opération porte sur le rachat de 62 hôtels F1 dans le but d'y créer 6.000 places d'hébergement d'urgence gérées par Adoma.
Une partie de ces places (environ 2.400) seront destinées à de l'hébergement d'urgence "classique" (ministère du Logement) et l'autre à de l'accueil des réfugiés (ministère de l'Intérieur).
Parmi les hôtels F1 achetés par la SNI, certains (mais pas tous et pas en totalité, nous précise la SNI) hébergeaient déjà, de fait, des personnes en difficulté dirigées là par l’Etat.
Le fonds Hémisphère dispose d'une capacité d'intervention de 200 millions d'euros
Le fonds fédère six investisseurs institutionnels, dont la Caisse des Dépôts, Cardif et la Maif. Il est dédié à l’acquisition, à la restructuration et à la détention d’immeubles conformes aux prescriptions définies par l’Etat et qui seront ensuite loués à Adoma. D'une capacité de 200 millions d'euros (voir notre encadré ci-dessous), il prendra en charge les dépenses de travaux tout au long de l’exploitation, "garantissant ainsi l’entretien du bâti dans la durée", précise la SNI. "Hémisphère dispose de ressources suffisantes pour acquérir, au cours des deux prochaines années, des ensembles immobiliers représentant 10.000 places d’hébergement d’urgence (Ndlr : dont les 6.000 précitées)", indique la SNI.
La SNI projette également de créer 1.700 places d'hébergement d'urgence dans son propre patrimoine, ce qui monterait à 7.700 le nombre de places d'hébergement qui seraient ouvertes "dans un délai de six mois". Elles seraient déployées "à partir du printemps" et "réparties sur l’ensemble du territoire" pour désengorger les centres parisiens ou franciliens (26% en Ile-de-France, 19% en Auvergne- Rhône-Alpes, entre 3 et 8% dans les autres régions). "Elles répondront au cahier des charges défini par l’Etat et à l’allotissement géographique qu’il a décidé", précise la SNI.
Repositionnement des 102 hôtels F1 conservés par Accor
Le 8 mars, le groupe AccorHotels avait de son côté annoncé le projet de cession de 62 hôtels F1 à la SNI. Il indiquait qu'il en garderait 102 dans son portefeuille pour les repositionner vers "une clientèle plus large" (étudiants, professionnels en déplacement, "backpackers", familles) à qui il proposera "une expérience low cost et design répondant aux nouvelles tendances de voyage nomade", indique le communiqué de presse.
Le groupe AccorHotels mise sur "la flexibilité" avec des chambres partagées jusqu’à 6 personnes avec tarification au lit, chambres duo, trio et premium (seules ces dernières intégrant une salle de bain). Le groupe promet que "les espaces communs intérieurs privilégieront une ambiance conviviale, colorée, idéale pour se restaurer, travailler, lire, se divertir et échanger".
Le fonds Hémisphère à 200 millions d'euros et son social impact bonds
Le fonds Hémisphère est présenté par la SNI comme le "premier véhicule d’investissement à impact social d’ampleur en France". La création des 6.000 places d'hébergement d'urgence seront financées par un "titre à impact social" (TIS ou "social impact bonds)", le premier d'Europe dépassant les 100 millions d'euros.
Le TIS permet de faire financer un programme social par un acteur privé en conditionnant sa rémunération à l’atteinte d’objectifs sociaux. Les TIS ont jusqu'ici, de l'avis de la SNI, "donné lieu à des projets de taille limitée, de l’ordre de quelques millions". Si bien que "avec une capacité d’investissement de 200 millions d’euros, Hémisphère constitue la première initiative de cette ampleur".
Le dispositif associe acteurs publics et privés : l’Etat définit le cahier des charges des prestations confiées à un opérateur social ; Adoma, opérateur social sélectionné par l’Etat, est en charge de l’hébergement et de l’accompagnement social ; six investisseurs institutionnels de long terme financent le projet dans une démarche d’investissement à impact social (engagement de 100 millions de fonds propres). La CEB, banque de développement du Conseil de l’Europe, complète les ressources du fonds par un financement de 100 millions d’euros maximum.
Un évaluateur indépendant mesure l’atteinte des objectifs sociaux (nombre de personnes accompagnées vers un logement permanent ou vers une sortie du dispositif, proportion d’enfants scolarisés...), sur lesquels est assise une partie de la rémunération des investisseurs.
Elle estime que, à travers ce dispositif, l’Etat réalise une économie de 40% sur le coût des nuitées hôtelières.
"La réussite de cette initiative, fondée sur les expertises complémentaires du Groupe SNI, tient à une approche novatrice qui concilie les impératifs de rentabilité et de liquidité des investisseurs et ceux de maîtrise des coûts et de qualité des prestations", indique la SNI. Selon elle, cette approche peut aussi être étendue à d’autres champs de l’action sociale, "notamment les projets impliquant un suivi personnalisé (orientation vers l’emploi, insertion...) ou le financement d’infrastructures qui ont un impact fort sur la qualité de vie, comme le logement social".
V.L.