PLFR 3 et finances locales : tous les amendements adoptés par l'Assemblée
Les députés ont adopté, le 9 juillet en début de soirée, le troisième projet de loi de finances rectificative pour 2020, qui vient en aide aux secteurs les plus touchés par la crise du Covid-19 et prévoit un plan de soutien aux collectivités territoriales. La discussion, qui avait débuté le 29 juin, a été retardée de quelques jours en raison du remaniement. État des lieux des diverses modifications que les députés ont adoptées concernant les finances des collectivités locales.
Comme lors de l'examen en commission, les discussions en séance sur le plan d'aide au secteur public local ont été vives. L'opposition a réclamé que le dispositif de compensation des pertes de recettes fiscales et domaniales subies par les communes et les EPCI en 2020 soit étendu aux départements et aux régions. Mais la majorité et le gouvernement lui ont renvoyé une fin de non-recevoir (en réalisant toutefois une exception pour la collectivité territoriale de Corse, arguant que sa fiscalité est spécifique). Les députés LREM ont expliqué que les départements connaîtront un rebond des droits de mutation à titre onéreux (DMTO) dès 2021 et que les régions voient leurs recettes fiscales protégées cette année par des mécanismes de garantie déjà en place, qui s'appliquent à la TVA et à la taxe intérieure de consommation sur les produits pétroliers. 700 millions d'euros de recettes régionales seraient ainsi préservées cette année. Le dispositif inscrit dans le PLFR3 "est donc bien équilibré", a soutenu le rapporteur général du budget, Laurent Saint-Martin (LREM). Un amendement qui élargissait le bénéfice des compensations de recettes fiscales aux syndicats mixtes a lui aussi été écarté. Des amendements qui prévoyaient une compensation de recettes tarifaires, et d'autres une compensation sur la base de la seule année 2019 (au lieu de la moyenne des années 2017, 2018 et 2019), ont par ailleurs été rejetés.
Les députés ont toutefois décidé d'apporter à Île-de-France Mobilités (ex-Stif) une aide de l'État de 425 millions d'euros en 2020, afin de compenser la réduction de ses recettes de versement mobilité. L'amendement de Laurent Saint-Martin rend le "filet de sécurité" imaginé par le gouvernement applicable à l'autorité organisatrice des transports (AOM) franciliens – alors que le texte initial excluait celle-ci du bénéfice du dispositif. Île-de-France Mobilités recevra cette année "un acompte" de 425 millions d'euros, qui sera ajusté après un bilan en fin d'année. L'opposition a jugé la somme très insuffisante.
Les députés ont en revanche rejeté des amendements qui tentaient de neutraliser les effets de la nature juridique des autorités responsables de transport public. Telles qu'elles ont été imaginées par le gouvernement, les règles de compensation du versement mobilité sont plus favorables aux syndicats mixtes (une vingtaine de réseaux en France) qu'aux autres formes de gestion (régies notamment). Mais les députés dénonçant cette iniquité n'ont pas été entendus, au grand dam de France urbaine, de l'Assemblée des communautés de France (ADCF) et du Groupement des autorités responsables de transport (Gart). Lesquels misent à présent sur le soutien des sénateurs pour faire avancer leur cause.
L'Assemblée nationale a adopté plusieurs autres mesures qui ajustent le dispositif de garantie conçu par le gouvernement. Pour éviter de "fastidieux" calculs concernant les pertes de recettes domaniales (stationnement, occupations du domaine public, etc.), elle a "forfaitisé" celles-ci sur la base de 11 semaines de fermeture (du 16 mars au 2 juin). Les recettes domaniales perçues en 2020 par les communes et les EPCI seront systématiquement égales à 79% de celles enregistrées en 2019.
Par ailleurs, les députés ont prévu que la perte de recettes de taxe de séjour sera calculée par rapport à la seule année 2019. Alors que la taxe de séjour a connu une très vive croissance ces dernières années, la prise en compte de la moyenne des recettes enregistrées sur la période 2017-2019 aurait laissé à la charge des collectivités territoriales près de 60 millions d’euros.
Autre précision apportée par les députés : aucune commune ou aucun EPCI éligible à la garantie des pertes fiscales et domaniales en 2020 ne pourra toucher une dotation inférieure à 1.000 euros (par exemple : une dotation évaluée à 100 euros sera portée automatiquement à 1.000 euros). Ceci pour éviter toute "déception" chez les élus locaux.
De plus, l'Assemblée nationale a élargi le dispositif de compensation à une quarantaine de groupements de collectivités territoriales qui perçoivent la taxe de séjour, le produit brut des jeux ou la taxe sur les remontées mécaniques à la place des communes ou des EPCI à fiscalité propre qui en sont membres.
S'agissant des avances en matière de droits de mutation à titre onéreux (DMTO), les députés ont allongé de deux à trois ans la durée accordée aux départements pour les rembourser à l'État. Ils pourront effectuer le remboursement "entre 2021 et 2023" et non "en 2021 et en 2022" (texte initial). Concrètement, durant cette période, leurs versements mensuels de fiscalité locale seront réduits du montant nécessaire. 2 milliards d'euros sont crédités dans le PLFR3 pour financer ce dispositif. Mais l'État estime qu'une rallonge de 0,7 milliard d'euros pourrait être nécessaire en 2021.
Des élus de l'opposition ont demandé le recul de la date limite accordée aux EPCI (le 31 juillet 2020) pour délibérer sur les abattements exceptionnels de cotisation foncière des entreprises (CFE) au profit des secteurs économiques les plus touchés par la crise. Les conseils communautaires seront installés d'ici au 17 juillet et n'auront donc que très peu de temps pour prendre la décision. Mais Olivier Dussopt (à ce moment-là encore secrétaire d'État auprès du ministre de l'Action et des Comptes publics) a refusé, arguant que cela poserait plusieurs "difficultés techniques". Les directions départementales des finances publiques (DDFIP) ont toutefois reçu pour consigne d'"accompagner" les élus locaux dans la préparation de leur délibération.
S'agissant de l'exonération de taxe de séjour que les communes et les EPCI peuvent voter d'ici à la fin du mois, le ministre délégué au budget s'est engagé, d'ici la fin de l'examen parlementaire du projet de loi, à corriger un défaut. En l'état actuel, le vote d'une exonération par le bloc communal "rend impossible la perception par les départements de la taxe additionnelle" sur la taxe de séjour. Cela ne devrait plus être le cas dans le texte qui sera définitivement voté par le Parlement.
Le volet concernant les finances des collectivités d'outre-mer a donné lieu à plusieurs modifications. Pour le calcul des pertes fiscales subies en 2020 par la Collectivité territoriale unique de Guyane, la hausse du taux de l'octroi de mer régional que la collectivité a votée en début d'année ne sera pas comptée. Cette hausse découle en effet de l'application d'un accord-cadre signé en 2019 avec l'État.
Les députés ont aussi voulu protéger les finances des collectivités de Saint-Pierre-et-Miquelon, Saint-Martin, Saint-Barthélemy et Wallis-et-Futuna, en prévoyant pour elles l'affectation d'une dotation si certaines de leurs recettes fiscales sont inférieures en 2020 à la moyenne du produit perçu entre 2017 et 2019. Le mécanisme s'inspire de celui qui est prévu pour les régions de Guadeloupe et de La Réunion, les collectivités territoriales de Guyane et de Martinique et le département de Mayotte. L'Assemblée nationale a enfin mis sur pied un filet de sécurité pour la taxe spéciale de consommation perçue par les départements de Guadeloupe et de La Réunion.
En outre, les députés ont rendu éligibles certaines des dépenses des collectivités en matière d'informatique en nuage (cloud) au fonds de compensation de la TVA (FCTVA). Les "dépenses de services d’infrastructure de l’informatique en nuage" ouvriront droit, à partir du 1er septembre prochain, à un taux de compensation forfaitaire, limité à 5,6% afin de ne pas créer de charge pour l'État. L'extension au FCTVA ne concernera que "les prestations de cloud de type 'Infrastructure as a Service' (IaaS)".
À noter encore : un amendement approuvé par les députés permet aux collectivités territoriales et à leurs groupements compétents en matière d’habitat de pouvoir souscrire à des titres participatifs émis par les offices publics de l’habitat (sur la base d'une disposition de la loi Elan de novembre 2018). La mesure figurait dans le projet de loi de finances pour 2020, mais elle avait été retoquée par le Conseil constitutionnel. La nouvelle rédaction proposée à présent est davantage "compatible avec la Constitution", a assuré le rapporteur général du budget.
La chambre basse a aussi adopté des dispositions qui prolongent des délais concernant la gestion publique locale :
• Les commissions locales chargées d'évaluer les charges transférées (Clect) auront un an supplémentaire pour transmettre leur rapport aux communes et au conseil communautaire sur les transferts de compétences intervenus en 2020. Cette dérogation repousse donc au 30 septembre 2021 la limite de l'exercice. Les EPCI à fiscalité propre concernés verseront des attributions de compensations provisoires en 2020. En sachant qu'une correction sera éventuellement apportée après la finalisation du rapport de la Clect.
• Les communes et les EPCI à fiscalité propre auront cette année jusqu'au 30 septembre (soit plus d'un mois supplémentaire) pour se mettre d'accord sur une répartition dérogatoire du prélèvement et du versement au titre du fonds de péréquation des ressources intercommunales et communales (Fpic). L'amendement voté par les députés va dans le même sens qu'une décision de la ministre en charge de la Cohésion des territoires, rendue publique le 8 juillet (voir notre article).
• Enfin, les intercommunalités concernées par un contrat de ville, qui devaient adopter un nouveau pacte financier et fiscal au plus tard à la fin de cette année, auront un sursis d'un an (jusqu'au 31 décembre 2021). Les pactes déjà en place pourront être prorogés pendant ce temps.
• Exceptionnellement, il sera accordé un mois supplémentaire pour la désignation des membres des commissions communales des impôts directs (CCID) et des commissions intercommunales des impôts directs (CIID). Le délai de deux mois suivant le renouvellement des conseils municipaux et l’installation de l’organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale passe donc à trois mois.
L'Assemblée nationale a en revanche rejeté plusieurs amendements qui décalaient du 2 juillet au 31 juillet la date limite accordée aux communes et aux intercommunalités à fiscalité propre pour délibérer sur les taux de fiscalité directe. Les amendements étaient proposés par l'AMF, laquelle avait saisi Gérald Darmanin il y a quelques jours (voir notre article du 24 juin). Accorder un nouveau délai pour le vote des taux déstabiliserait "toute la chaîne" de travail de l'administration fiscale, a souligné Olivier Dussopt, en refusant de prendre un tel risque. Toutefois, Bercy fera preuve de souplesse : les ministres ont donné instruction à la direction générale des finances publiques (DGFIP) de prendre en compte les modifications de taux ultérieures au 3 juillet et antérieures au 31 juillet 2020, comme l'a annoncé Olivier Dussopt le 2 juillet. Le ministre a toutefois fixé une condition : "que se noue sur ce sujet un dialogue entre les élus locaux et la DGFIP".
À noter encore, le nouveau ministre chargé des comptes publics s'est engagé, lors de la discussion, à prendre un décret pour "aider les collectivités territoriales à recruter des apprentis". La participation à hauteur de 50% des coûts de formation des apprentis, qui est à la charge des employeurs publics locaux, "pourrait justifier en période de crise un dispositif d’accompagnement", a estimé Olivier Dussopt.
Les sénateurs examineront le projet de loi en commission à partir du 15 juillet, les travaux en séance devant débuter le lendemain.