PLF 2025 : un "coup d’arrêt pour la transition écologique en France", selon Amorce
Le réseau de collectivités et d’acteurs locaux engagés dans la transition écologique estime que malgré quelques avancées, le projet de loi de finances (PLF) 2025, définitivement adopté par le Parlement, ne permettra pas de respecter les principaux objectifs du pays en matière d’économie circulaire, de transition énergétique et de gestion durable des ressources en eau et que ces nouveaux retards auront de "lourdes conséquences pour les budgets de l’État et des collectivités et donc pour les Français ces prochaines années".

© CM et Pline CC BY-SA 3.0
"Malgré quelques mesures positives comme le maintien du budget du Fonds chaleur à 800 millions d’euros et les prémices d’un Fonds territorial climat (…), force est de constater que la loi de finances pour 2025 ne permettra pas de respecter les principaux objectifs de la France en matière d’économie circulaire, de transition énergétique et de gestion durable des ressources en eau", estime Amorce dans un communiqué diffusé ce 12 février. "Ces nouveaux retards auront de lourdes conséquences pour les budgets de l’État et des collectivités et donc pour les Français ces prochaines années", prédit le réseau de collectivités et d’acteurs locaux engagés dans la transition écologique.
Les principales avancées
Il cite parmi les "quelques avancées à consolider" des mesures qu’il a soutenues de longue date. Ainsi, il salue le fait que la Commission mixte paritaire (CMP) ait confirmé la création d’un "Fonds territorial climat" doté de 200 millions d’euros pour financer à hauteur de 2 à 4 euros par habitant et par an, la mise en œuvre des Plans climat-air-énergie territoriaux (PCAET). Mais en l’absence de ligne budgétaire dédiée, Amorce appelle le Parlement et le gouvernement à "lancer dès février des consultations avec les collectivités pour stabiliser les modalités du dispositif dans le cadre du Fonds vert".
Le réseau revendique également comme une victoire obtenue avec ses partenaires le maintien du budget du Fonds chaleur à 800 millions d’euros pour 2025. "Bien que ce montant reste nettement insuffisant pour rattraper le retard sur les objectifs de chaleur renouvelable, il permet de limiter la casse face aux coupes budgétaires initialement envisagées en octobre 2024", souligne-t-il.
Déchets : toujours pas de réforme de la TGAP
Mais il déplore par ailleurs que par bien des aspects, le PLF 2025 risque de "faire dévier la France de ses objectifs". Il regrette ainsi l’absence de réforme de la Taxe générale sur les activités polluantes (TGAP). Cette taxe nationale sur l’élimination des déchets résiduels "va atteindre un record de près d’1 milliard d’euros ponctionné sur la taxe ou la redevance d’enlèvement des ordures ménagères", indique Amorce. "Pour autant, regrette l’association, le texte final ne retient ni notre proposition de TGAP sur les produits jetables non-recyclables (pourtant votée par le Sénat), ni le malus sur les nombreux éco-organismes n’atteignant pas leurs objectifs de recyclage. La loi de finances n’intègre pas non plus nos propositions visant à rendre la TGAP incitative aux investissements en faveur de l’économie circulaire."
"Pire encore", souligne Amorce, le Fonds économie circulaire sera réduit de moitié, passant de 300 à 170 millions d’euros en 2025. "Cette coupe drastique compromet la mise en place de projets clés comme le tri à la source des biodéchets ou la valorisation des combustibles solides de récupération (CSR), déplore l’association. Là encore, ce sont les collectivités et les contribuables locaux qui sont les grands perdants, accentuant ainsi leur colère face à l’État qui semble davantage concerné par l’augmentation de ses recettes de TGAP que par les objectifs de prévention et de recyclage de la France qui semblent désormais hors d’atteinte sans une véritable réforme de la fiscalité écologique."
Agences de l'eau : déséquilibre des contributions
Autre regret des collectivités représentées par Amorce : "l’absence d’une réforme d’envergure des redevances des agences de l’eau". "Le texte maintient ainsi le déséquilibre dans les contributions en défaveur des services publics d’eau et d’assainissement et de leurs usagers domestiques, pointe l’association. Leur droit d’accéder aux ressources naturelles en eau restera 10 à 100 fois plus cher que les autres préleveurs et ils assumeront, seuls, la plupart des pollutions émergentes (PFAS, microplastiques, pollutions chimiques et médicamenteuses) et leurs conséquences sanitaires et financières." Des surcoûts qui, en l’absence de l’application du principe pollueur-payeur, représenteraient plus de 10 milliards d’euros selon l’étude du Cercle français de l’eau soutenue par Amorce et dévoilée lors du Salon des maires, en novembre dernier (lire notre article).
Pas assez de financements pour la transition écologique et énergétique
Le réseau pointe aussi des budgets en faveur de la transition écologique et énergétique "sous tension" alors que la France s’est dotée d’une "feuille de route ambitieuse vers la transition écologique et énergétique avec les travaux du Secrétariat général à la planification écologique" et que "l’enjeu prioritaire désormais est la territorialisation des objectifs grâce aux COP régionales". "Pourtant, la division par deux du Fonds vert, de MaPrimeRénov et du Fonds économie circulaire laisse les collectivités bien seules face aux enjeux de la transition écologique et du dérèglement climatique, constate Amorce. Pire encore, c’est bien l’ensemble des Français qui vont voir la facture de l’inaction augmenter chaque année (dépenses causées par les catastrophes naturelles, dépenses de santé, coûts de la dépollution, coûts de l’adaptation au dérèglement climatique, etc.) si la transition écologique continue d’être sacrifiée sur l’autel de la rigueur budgétaire." Pour cette raison, Amorce appelle à des "États généraux de la fiscalité écologique". Ces derniers viseraient à "renforcer le principe pollueur-payeur" en développant "des signaux-prix incitatifs aux comportements les plus sobres et les plus vertueux pour les ménages comme pour les administrations et les entreprises" et à "affecter massivement les ressources fiscales dégagées par les taxes ayant pour base les pratiques environnementales au financement de la transition écologique et énergétique des Français, la rendant ainsi motivante plutôt que punitive."
Défense des agences de l'Etat
Enfin, Amorce dénonce le "mauvais procès" fait aux agences de l’État ces dernières semaines, et particulièrement les attaques répétées contre celles en charge d’œuvrer pour la transition écologique (Ademe, OFB, agences de l’eau, etc.). Pour l’association, ces attaques "visent en réalité l’État et la transition écologique elle-même" alors que les efforts en la matière "n’ont jamais été aussi indispensables au regard des crises traversées successivement". L’association appelle donc les parties prenantes "à ne pas se tromper de combat en faisant le lit d’un populisme émergent qui a tendance à faire de la transition écologique son souffre-douleur". "La transition écologique protège au contraire le porte-monnaie et la santé des Français (et en particulier les plus modestes) contre les effets de la mondialisation et d’un consumérisme hors de contrôle", soutient-t-elle. Amorce appelle également l’État à "se doter d’un outil d’évaluation de l’efficacité des aides de ses agences comme des autres aides publiques, afin de défendre leur efficacité en termes de coûts/bénéfices chiffrés en m3 d’eau, en tonne de matière première ou KWh économisé, en pollution aquatique, en tonne de CO2, ou de déchets mis en décharge évités".
Transition écologique : Agnès Pannier-Runacher défend un budget en "légère augmentation", mais en recul sur les véhicules électriquesLa ministre de la Transition écologique Agnès Pannier-Runacher a défendu ce 12 février un budget pour l'écologie, selon elle, en "légère augmentation" en 2025, admettant toutefois une "très forte diminution" des crédits alloués à l'électrification des véhicules, lors d'une interview sur BFM Business. La dotation totale de son large ministère de la Transition écologique, de la Biodiversité, de la Forêt, de la Mer et de la Pêche a baissé entre 2024 et 2025, dans le cadre des coupes budgétaires. Néanmoins, "le budget de l'écologie est en légère augmentation, notamment à cause des énergies renouvelables", a assuré Agnès Pannier-Runacher, sans détailler sa méthode de calcul. Toutes les lignes budgétaires ne sont pas pour autant en augmentation : "il y a notamment une ligne qui n'est pas négligeable, l'électrification des véhicules, qui est en très forte diminution", a-t-elle reconnu. "Donc il y a des efforts qui sont consentis" face à la crise budgétaire actuelle, s'est justifiée la ministre. "Ce qui a fait le plus de mal au budget de l'écologie, en réalité, c'est la censure, c'est le fait qu'au mois de janvier, j'ai eu zéro crédits pour MaPrimRénov", a-t-elle contre-attaqué. Les crédits disponibles de 2,3 milliards d'euros en 2025 pour MaPrimRénov, dispositif d'aide à la rénovation énergétique des logements, sont certes reportés à partir du mois de mars. Mais "ça veut dire que j'ai perdu deux mois de l'année", soit "16% de budget". "Donc tous les hypocrites qui disent : ‘on a sacrifié le budget de l'écologie’ et qui ont voté la censure et qui ont donc remis à zéro mes crédits, je leur renvoie la responsabilité", a fustigé Agnès Pannier-Runacher. Face aux attaques venues de la droite et l'extrême droite contre les agences de l'Etat liées à l'écologie, comme l'Ademe ou l'OFB, ou contre les normes, la ministre a réitéré: "ce n'est pas l'écologie le problème, le problème aujourd'hui, c'est le dérèglement climatique et son impact sur notre économie, sur notre patrimoine". "Je ne confonds pas écologie et bureaucratie", a-t-elle ajouté, invoquant son expérience de dirigeante d'entreprise qui connaît "la musique de l'économie de marché" et a été "confrontée à des normes (...) parfois un peu paradoxales et compliquées". "Mais de l'autre côté, ce qui est en jeu avec le dérèglement climatique, c'est un enjeu de souveraineté, c'est une raréfaction de l'accès aux ressources que ce soit l'alimentation, la pêche, les matières premières, l'énergie, l'eau", a-t-elle expliqué. AFP |