Aides publiques aux réseaux de chaleur : Amorce dénonce un deux poids, deux mesures

Malgré une production en hausse en 2023, la chaleur renouvelable est loin de bénéficier d'aides comparables aux énergies renouvelables électriques pour se développer, a pointé Amorce ce 10 décembre, à l'occasion des 20es Rencontres des réseaux de chaleur et de froid qui se sont tenues à Paris. Outre un appel adressé à l'Ademe pour ne pas modifier le système d’attribution des aides du fonds Chaleur en 2025, l'association propose plusieurs mesures pour permettre un rééquilibrage des soutiens publics.

Au sein du bouquet énergétique, les réseaux de chaleur sont-ils mal aimés au point d'être largement moins aidés que les énergies renouvelables électriques ? Pour Amorce, qui organisait ce 10 décembre à Paris ses 20es Rencontres des réseaux de chaleur et de froid, le déséquilibre est patent et explique le retard pris par rapport aux objectifs de la deuxième programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE2). Alors que cette dernière prévoyait 24 TWh livrés par les réseaux de chaleur en 2023, seuls 16,4 TWh l'ont été à cette échéance. Si cette production a malgré tout progressé l'an passé (lire notre article), les réseaux de chaleur ne représentent que 6% de la consommation de chaleur en France, contre au moins 25% dans la moitié des pays de l’UE, selon Nicolas Garnier, délégué général de l'association.

Inquiétudes sur le fonds Chaleur géré par l'Ademe

Pour Amorce, la transition énergétique risque de se limiter à une "transition électrique" si un rééquilibrage des aides n'est pas opéré en faveur de la chaleur renouvelable. Parmi les mesures qu'elle préconise, l'association défend a minima un fonds Chaleur au niveau de 2024, soit 820 millions d'euros, même si elle espérait 1,5 milliard d'euros pour couvrir les besoins de financement des projets de réseaux identifiés. L’annonce par l’Ademe, avant le vote de la motion de censure contre le gouvernement, du maintien du fonds Chaleur à 800 millions en 2025, ne la rassure guère. 

Surtout, Amorce s’inquiète de la modification des critères d’attribution des aides du Fonds chaleur prévue par l’agence. Selon ses informations, les aides ciblant l’extension de réseaux de chaleur seraient ainsi "limitées aux projets produisant au moins 20% de chaleur supplémentaire". "Les aides affiliées à la biomasse devraient quant à elles être réduites d’au moins 15% par rapport à l’an dernier", a ajouté Nicolas Garnier, en appelant l’Ademe à ne pas appliquer cette mesure avant le rendu des conclusions sur le bouclage biomasse en France par le groupement d’intérêt scientifique mis en place le 1er mars et auquel Amorce participe. Car pour le délégué général d'Amorce, "80 % des projets seraient impactés puisqu’alimentés en partie par du bois". "Ce serait également un mauvais signal pour les régions qui pourraient arrêter d’apporter leur soutien aux réseaux biomasse", a complété Guillaume Planchot, président de Via Sèva. C'est ainsi le cas de celles disposant d'importants stocks de bois altérés par les scolytes.

Proposition d'un prix plancher pour le gaz

Aujourd’hui, en plus des aides du Fonds chaleur de l’Ademe, les réseaux de chaleur bénéficient d'une TVA à 5,5% et d'un système de classement au regard de leurs performances environnementales (lire notre article). Mais pour Amorce, d'autres leviers sont indispensables pour encourager leur développement. Elle milite ainsi pour la création d’un prix plancher pour le gaz, lorsque les cours baissent trop. Fixé à 45 euros/MWh, il permettrait à l'État de dégager des recettes à hauteur d’1,2 milliard au regard du niveau actuel des cours du gaz et encouragerait les collectivités à recourir à des réseaux de chaleur. 

Elle appelle aussi à réduire les dépenses inefficaces  sur le plan "coût/passage à l’action/bénéfice environnemental" en procédant à une "évaluation systématique des aides à l'euro/tonne de CO2 évitée et au regard de l'efficacité réelle" et en révisant les aides MaPrimeRénov'  - pas d'aide sur les systèmes de chauffage – sauf panne – dans les passoires thermiques (E, F et G) ni sur la rénovation pour les classes A, B, C et D. Amorce défend en revanche la création d’une aide dédiée au déploiement de boucles d’eau chaude dans l’habitat collectif, qui serait versée par l’Anah dans le cadre de MaPrimeRénov', accompagnée d’une obligation de créer ces boucles dans les logements neufs.

Soutien au déploiement de plans territoriaux chaleur et froid

Il faudrait aussi "donner aux collectivités locales les moyens de suivre et de contribuer à l'évolution du mix de chauffage de leur territoire", estime Amorce. Cela passerait par un accompagnement financier via l'Ademe du déploiement des plans territoriaux Chaleur et Froid à l'échelle des intercommunalités. L’association se propose quant à elle d’accompagner une vingtaine de collectivités volontaires pour expérimenter le dispositif.

 

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