Volet recettes du PLF 2024 – Le Sénat multiplie les gestes financiers pour les collectivités

Le Sénat a voté ce 30 novembre la première partie ("volet recettes") du projet de loi de finances pour 2024, dans une version largement remaniée. Il devait ainsi acter de très nombreuses mesures bénéficiant aux finances des collectivités. À commencer par une hausse supplémentaire de 437 millions d'euros de la dotation globale de fonctionnement (DGF), qui n'a pas reçu l'aval du gouvernement. Ce dernier a toutefois apporté son soutien à plusieurs amendements sénatoriaux – dont l'un prévoyant une hausse de 14,6 millions d'euros de la dotation particulière élus locaux.

En dépit de l’appel lancé par plusieurs groupes politiques pour indexer en 2024 la dotation globale de fonctionnement (DGF) de l'État aux collectivités sur l’inflation prévisionnelle - une solution dont le coût a été estimé à "un peu plus de 700 millions d’euros" -, la majorité de droite au Sénat a préféré suivre une autre option, défendue par le rapporteur général de la commission des finances, Jean-François Husson. "En l'absence de réforme globale de la DGF", cette indexation "ne bénéficierait pas aux collectivités territoriales les plus en difficulté", a estimé le sénateur LR. Un aveu qui revenait à partager un constat que le gouvernement défend depuis longtemps et qui le conduit à privilégier "une approche ciblée" de la hausse de la DGF. Ainsi, le Sénat a voté une augmentation de 437 millions d’euros supplémentaires de la DGF - au-delà de la hausse de 220 millions d’euros incluse dans le PLF pour 2024 tel que présenté, fin septembre, par le gouvernement.

Ces 437 millions d’euros de DGF accordés en plus aux collectivités en 2024, se répartissent de la façon suivante : 100 millions d’euros permettant à la DGF d’"une majorité de communes" d’augmenter ; 70 millions d'euros pour éviter, en 2024, l’écrêtement de la dotation de compensation des intercommunalités (60 millions d’euros) et de la dotation forfaitaire des départements (10 millions d’euros) ; 67 millions d’euros pour éviter la réduction en 2024 des dotations servant de "variables d’ajustement" ; 100 millions d’euros pour la création d’une dotation de soutien exceptionnelle pour les départements confrontés à une forte dégradation de leur situation financière ; la même somme pour alimenter une dotation "au profit des collectivités qui ont subi des dégâts majeurs en raison d'événements climatiques exceptionnels".

Hausse de la DGF : l'amendement gouvernemental "tombe"

Par l’adoption des dispositions du rapporteur général, l’amendement du gouvernement augmentant la DGF des communes de 100 millions d’euros supplémentaires l'an prochain – pour traduire l’annonce faite par la Première ministre en clôture du congrès des maires de France (voir notre article du 23 novembre) – est "tombé". Mais, on peut tabler que, lors de l’examen en nouvelle lecture du PLF 2024, qui devrait se solder par un nouveau recours au "49.3", le gouvernement reviendra sur les options du Sénat au profit de son amendement (sur ce dernier, voir notre article du 27 novembre).

La mesure du gouvernement prévoyant un soutien de l’État de 53 millions d’euros pour parvenir au doublement du fonds de sauvegarde destiné à venir en aide aux "14 départements" les plus en difficulté, est également "tombé". Là encore, il est fort probable que le gouvernement l’introduise finalement dans le texte au cours de la navette – du coup, en supprimant le fonds de soutien de 100 millions d’euros créé par le Sénat.

Le ministre délégué chargé des comptes publics a émis un avis défavorable sur l’amendement du rapporteur général créant un prélèvement sur les recettes de l’État de 100 millions d’euros en direction des collectivités touchées récemment par des "événements climatiques exceptionnels", mais pour des raisons qui ne tiennent pas au fond. Exprimant "l’accord" du gouvernement sur "la nécessité de mettre en place un dispositif de soutien", Thomas Cazenave a indiqué sa préférence pour que soient accordés "des crédits budgétaires en deuxième partie du PLF, dans la mission 'Relations avec les collectivités'".

14,6 millions d'euros en plus pour la DPEL

Concrétisation d'une autre promesse faite par Élisabeth Borne devant les maires, le bénéfice de la dotation particulière élus locaux (DPEL) est élargi à toutes les communes de moins de 1.000 habitants, alors qu’aujourd’hui environ 3.000 communes dont la population est inférieure à ce seuil, en sont exclues, du fait de l’existence d’une condition de potentiel financier. Ce critère sera supprimé en 2024. La dotation, qui sert à financer les indemnités de fonctions des élus locaux, sera de ce fait augmentée de 14,6 millions d’euros supplémentaires en 2024 (la hausse initiale était limitée à 0,4 million d’euros).

Par ailleurs, le gouvernement a accepté de renforcer le dispositif de soutien financier à la création de communes nouvelles qui sera mis en place l'an prochain. La part "amorçage" de la nouvelle dotation accordée aux communes nouvelles passe à 15 euros par habitant (contre 10 euros par habitant dans la version du PLF 2024 issue de l’Assemblée nationale). En outre, les règles de calcul de la part "garantie" de la dotation suivront des règles plus avantageuses pour les communes nouvelles créées avant le 2 janvier 2023. Ces mesures conduisent à une hausse supplémentaire de 9,6 millions d’euros des prélèvements sur les recettes de l’État en faveur des communes nouvelles en 2024. À noter aussi que le Sénat a "rapatrié" les mesures de la seconde partie du PLF 2024 sur les communes nouvelles dans la première partie du texte, et qu’elle a concentré le bénéfice de la nouvelle dotation au profit des communes nouvelles ne dépassant pas 131.000 habitants (contre un seuil à 150.000 habitants dans la version du texte établie à l’Assemblée nationale). Cette dernière décision n’a toutefois pas reçu l’aval du gouvernement.

Parmi les autres mesures votées par le Sénat, on en retiendra certaines ayant reçu un avis positif du gouvernement – elles ont donc toutes les chances d'être retenues dans le texte final :
- Report de 2025 à 2026 de la prise en compte dans les rôles d'imposition de la révision sexennale des valeurs locatives des locaux professionnels. L'amendement d'origine sénatoriale, qui concrétise une position commune des associations d'élus locaux et du gouvernement (voir notre article du 28 novembre), a été adopté avec l'avis favorable du gouvernement.
- Mise en place, avec l’avis favorable du gouvernement, d’un dispositif de lissage des pertes importantes de taxe sur le foncier bâti subies par les communes et intercommunalités lors du départ d’une entreprise s’accompagnant de la démolition de bâtiments. Le coût du dispositif sera pris en charge par l’État (coût de 3,3 millions d’euros en 2024).
- Instauration à compter du 1er janvier 2026 d'une garantie de "versement dès le mois de janvier" du produit de la fraction de TVA accordée en compensation de la suppression de la taxe d'habitation sur les résidences principales et de celle de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (amendement du gouvernement).
- Maintien du caractère facultatif de certaines exonérations réduisant la taxe foncière des propriétaires ayant réalisé des travaux de rénovation énergétique, alors que le PLF pour 2024 issu de l'Assemblée nationale les transforme en exonérations de droit (article 27 sexies). Le gouvernement a émis un "avis de sagesse".
- Avec le soutien du gouvernement, attribution aux communes et intercommunalités d'une marge de manœuvre supplémentaire pour accroître le taux de taxe d’habitation sur les résidences secondaires (voir l’amendement).

Des amendements prévoyant la fusion de la taxe d'habitation sur les logements vacants (THLV) -perçue par les communes et leurs groupements - et de la taxe sur les logements vacants (TLV) – celle-ci allant à l'État – ont également été adoptés. Le ministre délégué aux Comptes publics a donné un avis défavorable à ces amendements, qui concrétisent une demande des associations d'élus locaux. Mais "la lutte contre la vacance doit être de la responsabilité des élus locaux", a-t-il reconnu. En exposant le problème : "La TLV représente 300 millions d'euros pour l'État, et nous ne savons pas compenser ce manque à gagner." "Si nous trouvions un chemin pour rendre neutre cette réforme pour les finances de l'État, j'y serais favorable", a conclu Thomas Cazenave.

Dans la foulée du vote sur la première partie du PLF 2024, le Sénat débutait ce 30 novembre la discussion sur la deuxième partie ("volet dépenses").

 

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