Industrie - Plans industriels : les chefs de projet ont les cartes en main... à eux de jouer
Il y a les ténors et les moins connus. Les grands groupes et les PME, voire les ETI… Arnaud Montebourg a réuni, lundi 7 octobre, les 44 chefs de projet des 34 plans industriels présentés le 12 septembre à l'Elysée. Le genre de réunion qu'affectionne le ministre du Redressement productif pour galvaniser ses troupes à coups de slogans bonapartistes ("la politique est un art de l'exécution", "impossible n'est pas français"…).
Parmi ces chefs de projet, chargés de "gonfler la part du Made in France dans le monde", comme l'a redit le ministre, figurent ainsi Antoine Frérot, le PDG de Véolia, placé à la tête du plan Recyclage matériaux verts, ou Carlos Ghosn le patron de Renault-Nissan à qui revient le plan sur les véhicules à pilotage automatique. Ce dernier n'était pas présent à la réunion mais le ministre s'entretiendra directement avec lui ce mercredi. On trouve aussi Thierry Breton l'ancien ministre de Jacques Chirac, aujourd'hui PDG d'Atos, une société de services informatiques, porte-parole du plan Cloud Computing. Paul Hermelin, le patron de Capgemini, est chargé pour sa part du Big Data. L'économie numérique compte pour un tiers des filières identifiées dans ces plans de "reconquête industrielle", dont le gouvernement attend de pouvoir créer ou préserver 475.000 emplois en dix ans. Soit un virage à 180° par rapport à la tendance de ces dix dernières années.
"Il faut aussi rationnaliser, simplifier cette forêt législative changeante"
D'autres grands groupes sont représentés (PSA, Alcatel-Lucent, Airbus…). Renault et PSA travailleront main dans la main à la voiture consommant moins de 2 litres aux 100 km. Mais pour ne pas rééditer les erreurs des pôles de compétitivité, le gouvernement a aussi voulu donner une large place aux PME. Nombre de plans (10 sur 34) sont ainsi pilotés par des binômes. C'est le cas du plan pour la rénovation thermique des bâtiments confié à la fois au directeur général de Saint-Gobain, Jacques Pestre, et à Marcel Torrents, le président de Delta Dore, une ETI spécialisée dans la maîtrise de la consommation d'énergie. Les deux hommes ne s'étaient jamais rencontrés et ont pu échanger leur carte de visite. Selon eux, la formation des artisans sera l'un des principaux enjeux. "Il faut aussi rationnaliser, simplifier cette forêt législative changeante", expliquent-ils en choeur. Alors que le secteur est sur une tendance de destruction d'emplois, les deux dirigeants espèrent inverser la tendance. "Notre plan concerne 30 millions de logements dont 25 sont très mal équipés", souligne Marcel Torrents.
A noter également le binôme du plan Usines du futur, auquel les régions seront étroitement associées : Frédéric Sanchez, président de Fives, constructeur de machines-outils de pointe, notamment dans l'aéronautique, et Bernard Charlès, président de Dassault Systèmes. Le ministre avait récemment souligné le retard pris par la France en matière de robotique, notamment face à l'Allemagne et l'Italie.
A travers ces plans, le gouvernement a choisi de jouer le rôle de stratège et d'en confier les commandes aux industriels eux-mêmes. Certains étaient donc déjà sur les rails et n'ont fait qu'être officialisés. Mais pour chacun d'eux, Arnaud Montebourg veut aller vite. Il espère une finalisation de l'ensemble des "feuilles de routes […] avant la Noël". Chaque chef de file devra ainsi préciser "les objectifs à atteindre, les freins à surmonter, les outils à mobiliser, les financements à solliciter (notamment dans le cadre des investissements d'avenir), les éventuelles expérimentations à conduire, les partenaires à associer et le calendrier à suivre", précise Bercy.
Commande publique
Interrogé par un chef de projet sur la répartition des financements publics, à savoir 3,75 milliards d'euros, soit un peu plus de 100 millions par plan, "l'équation ne correspond pas du tout à la réalité", a répondu Arnaud Montebourg. Certains plans ne recevront pas d'argent public, pour d'autres l'enjeu réside surtout dans la commande publique, pour d'autres il s'agira de transferts, a-t-il précisé. "Il faudra être créatif, audacieux et imaginatif", a-t-il lancé.
L'Etat interviendra également en apportant toutes les modifications législatives et réglementaires nécessaires au développement de ces plans. Arnaud Montebourg a pris l'exemple de la question de la responsabilité dans le cas du véhicule automatique (celle du conducteur ou du constructeur ?). "Dans chaque plan, vous allez demander des évolutions législatives, ne vous privez pas. Le Premier ministre assumera sa fonction interministérielle", a assuré le ministre. Les chefs de projet seront reçus deux fois par an à Matignon.
En tout cas, le moral de ces hérauts de l'industrie semblait au beau fixe. Dans les couloirs de Bercy, deux chefs de projet commentaient à chaud la toute première commande de Japan Airlines passée auprès Airbus pour près de 7 milliards d'euros : "C'est la première fois que Airbus réussit à contrer le monopole de Boeing au Japon."
Michel Tendil
Sept filières intelligentes en Rhône-Alpes
Le ministre du Redressement productif s'est rendu à Lyon, vendredi 4 octobre, pour signer avec le président de Rhône-Alpes, Jean-Jack Queyranne, les contrats de performance des douze pôles de compétitivité régionaux. Ces contrats s'inscrivent dans le cadre de la stratégie d'innovation 2014-2020 qui a permis d'identifier "sept domaines de spécialisation intelligente", précise la région, dans un communiqué : santé personnalisée et maladies infectieuses, procédés industriels et usines éco-efficientes, réseaux et stockage d'énergies, bâtiment intelligent à haute efficacité énergétique, usages, technologies et systèmes de mobilité intelligents, technologies numériques et systèmes bienveillants, sports, tourisme et aménagements de montagne. Plus de la moitié des 34 plans industriels du gouvernement, présentés le 12 septembre, "entrent en synergie avec les sept domaines de spécialisation de Rhône-Alpes", a souligné Jean-Louis Gagnaire, vice-président de la région délégué au développement économique.
La stratégie régionale d'innovation, "essentielle pour l'obtention de financements européens", permettra de dégager un milliards d'euros sur sept ans de fonds publics (Etat, collectivités, Europe…), précise la région.