Plan national d’adaptation au changement climatique : place à la territorialisation

La version définitive du plan national d’adaptation au changement climatique a été présentée ce 10 mars, sans grand changement côté collectivités – si ce n’est la future création de réserves communales "Adaptation". Sa déclinaison "sur le terrain, avec les élus locaux", constitue désormais "la priorité" de la ministre de la Transition écologique, Agnès Pannier-Runacher. Les COP régionales seront mobilisées à cette fin. S’y ajouteront des actions spécifiques pour les littoraux, la montagne, la forêt et l’agriculture ainsi que l’élargissement de la mission "Adaptation" à d’autres collectivités. La ministre va également s’atteler à rendre opposable juridiquement la "trajectoire de réchauffement de référence pour l’adaptation au changement climatique", mais de façon "circonscrite et claire", afin "d’éviter que tous les PLU fassent l’objet d’un contentieux". L’enjeu sera aussi financier, alors que le budget de nombre d’actions du plan reste encore "à définir".

Après plus de deux ans de travail interministériel, et deux mois de consultation publique sur le projet dévoilé en octobre dernier (voir notre article du 25 octobre 2024), ayant donné lieu à près de 6.000 contributions, dont 176 "cahiers d’acteurs" (voir notre article du 11 février 2025), la ministre de la Transition écologique, Agnès Pannier-Runacher, a présenté, ce 10 mars, la version définitive du troisième plan national d’adaptation au changement climatique (Pnacc). Un plan qui n’a guère évolué sur l’essentiel. 

52 mesures, plus de 200 actions

Toujours articulé autour de cinq axes, il compte désormais non plus 51, mais 52 mesures, la mobilisation des acteurs financiers pour le financement privé de l’adaptation ayant été ajoutée, alors que les financements manquent. Dans ce cadre, Agnès Pannier-Runacher a indiqué avoir confié "avec [s]on collègue Éric Lombard une mission à nos inspections sur le rôle du système bancaire dans le financement de la prévention des risques". Ces 52 mesures sont par ailleurs déclinées en plus de 200 actions, chacune étant "désormais assortie d’un indicateur précis", a vanté la ministre. Le degré d’atteinte de chaque objectif sera ainsi "mesuré et communiqué régulièrement non seulement au Parlement […] mais aussi de façon à pouvoir mobiliser l’ensemble des acteurs" afin de "créer une émulation" et "montrer que c’est possible", a-t-elle ajouté. 

Réserve civile ad hoc

Le contenu de certaines mesures a également été retouché ça et là. Ainsi de la création annoncée de "réserves communales de sécurité civile spécifiques à l’adaptation et la résilience des territoires", qui tiendront compte des travaux du Beauvau de la sécurité civile (voir notre article du 12 février 2025). Une mission de préfiguration est prévue. "La lettre de mission n’attend plus que la signature de mon collègue" de l’Intérieur, a précisé Agnès Pannier-Runacher. Cette mission pourra s’appuyer sur l’expérience des réserves "mises en place de manière spontanée dans certaines communes. Cela doit nous permettre de construire sur les bonnes pratiques qui existent", a soufflé la ministre, en soulignant l’intérêt que ces réserves se développent "sous l’égide des maires". Pour autant, elle a estimé qu’une "formation peut être menée de manière transversale par les acteurs de la sécurité civile au sens large" et mis en exergue la question "pilotage en mode crise, puisque la grande inquiétude des forces de secours, c’est évidemment de pouvoir piloter ces bénévoles". "C’est sur l’ensemble de ces éléments" que la mission doit travailler, mais aussi sur les financements : "Former des gens suppose quand même d’avoir un minimum de crédits", a concédé la ministre.

Les COP pour tous…

"Notre objectif, maintenant, est de décliner ce plan sur le terrain. Sa territorialisation sera donc notre priorité pour l’année 2025", a poursuivi Agnès Pannier-Runacher. Ce processus passera par deux dispositifs. 

Premier volet, comme l’avait indiqué Michel Barnier (voir notre article du 25 octobre 2024), pour l’ensemble des territoires, ce sont les COP régionales (voir notre dossier) qui seront, "tout au long de cette année", à la manœuvre. "Sur le même mode que celui que nous avons déployé, et qui a été efficace, pour la partie feuille de route décarbonation", a précisé la ministre. "Il s’agit de mettre les préfets de région et les présidents de région – puisque ce sont eux qui portent à la fois la vision économique et la vision de la planification écologique et énergétique au niveau des régions – en première ligne avec les parties prenantes", a-t-elle ajouté. Avec l’objectif que cette adaptation "puisse s’incarner très concrètement dans chaque intercommunalité". Et de rappeler le modus operandi attendu : "Diagnostic, feuille de route, actions sans regret, actions sur lesquelles il y a débat, financement en face et temporalisation de ces différentes actions de façon à inscrire cette action dans la durée". "Un travail technique sous forme de cartographies conçu avec l’ensemble des administrations sera mis à disposition des collectivités dans le cadre des COP", a encore précisé le ministère.

… et une territorialisation ad hoc pour les littoraux, la montagne, la forêt et l’agriculture

Deuxième volet, un travail particulier sera conduit "avec les élus locaux et les parties prenantes sur les territoires à enjeux spécifiques – les littoraux, la montagne, la forêt et l’agriculture –, qui partagent les mêmes risques. Cela permet d’avoir un partage de bonnes pratiques, des visions partagées, des échanges d’expertise", a enseigné Agnès Pannier-Runacher.

Pour les littoraux, où les élus sont "les plus avancés", elle a précisé avoir "chargé le comité national du trait de côte d’établir ou d’être à nos côtés sur une feuille de route spécifique". Elle a annoncé par ailleurs vouloir "investiguer plus avant" les propositions déjà émises par ce dernier, que "les conditions de température et de pression d’élaboration du budget 2024" n’ont pas permis d’analyser "en profondeur". "On doit des réponses", a déclaré la ministre, qui a indiqué avoir "lancé la semaine dernière un travail avec Bercy" en la matière. Elle a précisé toutefois d’emblée que "s’agissant des recettes des énergies marines renouvelables, j’ai bien compris que beaucoup, beaucoup, beaucoup d’élus du littoral comptaient dessus pour financer l’adaptation, la décarbonation des flottes, la mise à niveau des ports, l’attractivité des territoires, la biodiversité, les associations de sauveteurs en mer… mais ça fait beaucoup d’objectifs pour une seule ressource !".

Pour les montagnes, Agnès Pannier-Runacher va lancer "un travail d’adaptation spécifique aux risques qui ne sont pas couverts aujourd’hui, en intégrant les enjeux économiques et sociaux", et plus largement ceux qui "ne sont pas couverts par le plan pour les risques d’origine glaciaire et périglaciaire" présenté il y a peu (voir notre article du 22 novembre 2024).

Pour les forêts, la ministre entend singulièrement "renforcer les actions engagées depuis plusieurs années pour que l’adaptation soit prise en compte dans les documents de planification forestière" et mettre à jour le plan national forêt-bois.

Pour l’agriculture, "je veux d’abord que nous accélérions l’acquisition des connaissances sur l’impact des dérèglements climatiques sur le secteur agricole et que nous adaptions les formations en conséquence", a-t-elle indiqué. Elle souhaite par ailleurs "mener un travail avec Annie Genevard pour renforcer l’efficacité des exploitations agricoles, des filières et de l’industrie agroalimentaire face aux aléas climatiques".

Rendre la Tracc opposable 

"Pour l’opérationnalisation et le financement du plan, nous avons un atout particulièrement utile, c’est la trajectoire de réchauffement de référence pour l’adaptation au changement climatique" (Tracc), a encore assuré la ministre. Côté "opérationnalisation", la chose se conçoit. Cette "boussole du Pnacc", fondée sur l’hypothèse d’une hausse des températures moyennes en France de 4°C en 2100 par rapport à l’ère pré-industrielle (voir notre article du 24 janvier 2024), "doit désormais servir de base à toutes les actions d’adaptation menées en France", a rappelé Agnès Pannier-Runacher, en réaffirmant la volonté de lui donner désormais "une valeur juridique" et de l’inclure "dans tous les documents d’urbanisme, à chacun de leur renouvellement à partir de 2027". Pour ce faire, elle a souligné qu’"il y a plusieurs hypothèses techniques sur la table, règlementaires, législatives… Moi ce qui m’intéresse c’est d’éviter qu’on ouvre des débats sans fin", a encore commenté Agnès Pannier-Runacher, en précisant que cette opposabilité doit être "circonscrite et claire, l’enjeu étant d’éviter que tous les PLU fassent l’objet d’un contentieux".

Élargissement de la mission Adaptation et nomination d’un référent préfectoral

"Toujours dans cette volonté d’opérationnaliser le Pnacc", la ministre a également mis en avant le lancement en début d’année de la "mission Adaptation", préfigurée l’an passé (voir notre article du 18 avril 2024) et précisée lors du dernier salon des maires (voir notre article du 20 novembre 2024), dans "cent intercommunalités tests". "D’abord, un premier bilan sera réalisé en mai, qui nous permettra ensuite d’élargir cette approche à d’autres territoires et d’aller plus vite". Elle a indiqué qu’elle nommera également un "référent adaptation dans chaque préfecture de département, chargé d’assurer l’animation du réseau local des acteurs de l’adaptation". 

Des financements souvent "à définir"

Côté financements, l’apport de la Tracc est moins flagrant. "Je crois pouvoir dire que j'ai obtenu des avancées importantes en 2025. Le changement climatique bénéficiera ainsi de moyens inédits", a déclaré pour autant la ministre. Ainsi, elle a "annonc[é]" que les agences de l’eau "mobiliseront près d’1 milliard d’euros pour l’adaptation" (elles ont, pour mémoire, arrêté leur douzième programme d’intervention à l’automne dernier – voir notre article du 20 novembre 2024) ; que "le fonds Barnier a été augmenté de 75 millions d’euros pour atteindre 300 millions" (annonce faite par le Premier ministre Michel Barnier également à l’automne dernier – voir notre article du 25 octobre 2024) ; que "30 millions d’euros seront engagés spécifiquement pour la prévention du retrait/gonflement d’argile" ou encore que les crédits du fonds vert "consacrés à l’adaptation au changement climatique s’établiront à 260 millions d’euros" (voir notre article du 5 mars 2025). Elle a mis également en avant le fait qu’elle a "lancé la semaine dernière avec les assureurs un travail pour les mobiliser pour un meilleur financement de la prévention". 

Autant d’éléments qui peinent visiblement à convaincre. Ce Pnacc "montre la bonne direction, mais il lui manque une tête et des jambes", a ainsi commenté auprès de l'AFP Nicolas Richard, vice-président de France Nature Environnement (FNE), déplorant qu’on ne sache pas si ces "bonnes intentions sont financées et comment elles sont pilotées". Une critique en partie datée, puisque désormais le plan désigne bien un pilote pour chacune des actions. En revanche, si une colonne "budget" a également fait son apparition, son contenu reste souvent "à définir". 

Ronan Dantec, vice-président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable au Sénat, a salué, lui, la "dimension territoriale" du plan. "Pour la première fois on a une trajectoire très claire, c'était absolument essentiel pour les acteurs locaux", a-t-il déclaré. S'il reconnaît que dans le contexte budgétaire tendu, il va "probablement manquer de l'argent", il reste malgré tout "très satisfait de ce PNACC" avec lequel, dit-il, "on a vraiment franchi des paliers importants" sur le chantier de l'adaptation, longtemps insuffisamment pris en compte.

 

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