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Plan Internat : Harry Potter aurait-il le pouvoir de réanimer cœurs de ville et territoires ruraux ?

Jean-Michel Blanquer a présenté le 1er juillet à la presse son plan 2020-2022 pour "l’internat du XXIe siècle" destiné à être "un formidable levier de justice sociale et de dynamisme des territoires". Tout particulièrement pour les zones rurales, les zones de montagne, les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV), les villes moyennes du plan Action Cœur de ville…

Le succès des romans et des films autour du personnage d'Harry Potter, jeune héros formé dans un internat de sorciers, contribuerait au "désir d'internat" et de "camaraderie" chez les collégiens d'aujourd'hui. Jean-Michel Blanquer compte s'appuyer sur cette demande latente pour lancer des "internats du XXIe siècle". Le ministre de l'Éducation nationale est pour sa part convaincu que l'internat est "un facteur de réussite des élèves". Avec son collègue Julien Denormandie, il pense aussi que ces établissements peuvent susciter une nouvelle forme de dynamisation pour des territoires en déprise : territoires ruraux, territoires de montagne, villes moyennes du plan Action Cœur de ville. Un appel à projets sera lancé en décembre 2019, auprès des rectorats et des collectivités locales, pour labelliser les établissements qui s'inscrivent "dans une dynamique de projets".

Édu Prêt de la Banque des Territoires

Le label "Internat du XXIe siècle" constituerait une reconnaissance de la qualité du projet, un outil de communication envers les familles et une "garantie d'implication territoriale". Concrètement, il permettrait aux collectivités locales de bénéficier de l'Édu Prêt, un nouveau prêt de la Banque des Territoires annoncé le 6 juin 2019 lors de la deuxième édition du Printemps des Territoires. L'Édu Prêt est dédié plus largement au financement de "la construction, la rénovation et l’extension de bâtiments éducatifs et leurs équipements associés", dont les internats font partie. L'Édu Prêt ouvre au financement intégral du besoin d’emprunt jusqu’à 1 million d'euros, sur des durées pouvant aller jusqu’à 40 ans. L'enveloppe dédiée est de 1 milliard d'euros… pour l'instant. Jean-Michel Blanquer semble en effet très confiant dans l'idée que cette enveloppe pourrait augmenter en fonction des besoins des collectivités locales.
Imposer le label "Internat du XXIe siècle" pour obtenir l'Édu Prêt constituerait une garantie qu'il existe un vrai projet autour de l'établissement et éviterait les effets d'aubaine, précise à Localtis Marc Foucault, l'inspecteur IgaENR chargé de la mission "Internat du XXIe siècle" avec Jean-Yves Gouttebel, président du conseil départemental du Puy-de-Dôme et vice-président de l'Assemblée des départements de France (ADF). Les précédentes politiques en faveur des internats d'excellence, puis des internats de la réussite éducative financés via le Grand Emprunt, auraient en effet eu ce travers. Travers d'ailleurs souligné par la Cour des comptes (voir notre article du 11 février 2014).

Des infrastructures "attractives et sécurisantes"

Le cahier des charges comprendra donc des critères de qualité exigeants, notamment d'un point de vue territorial. Le projet devra par exemple s'inscrire "dans le territoire et son écosystème", dans une "logique" et proposer des infrastructures "attractives et sécurisantes" avec "une recherche architecturale spécifique". Sur ce point, Jean-Michel Blanquer a insisté sur les innovations permettant de faire mieux face à l'avenir aux épisodes de canicule.
Deux grandes catégories d'internat seraient susceptibles d'être labellisées "Internat du XXIe siècle" : les "résidences à thème" et les "nouveaux internats d'excellence de quartiers". 

100 résidences à thèmes, à la campagne, à horizon 2022

Le plan prévoit, à 2022, la création de 100 résidences à thèmes, qui concerneront "principalement" les collèges des zones rurales et de montagne. Ces internats devraient, selon le ministère de l'Education nationale, répondre "au problème de revitalisation rurale et de sous-occupation de nombreux internats de collège" et aux "problématiques de villes moyennes". L’exemple actuel préféré de Jean-Michel Blanquer reste le "collège jazz" de Marciac dans le Gers, qui s'appuie sur la renommée internationale du festival. Sur ce modèle, il espère voir se développer des "résidences dédiées à une ou plusieurs passions" : la réalisation d’une passion culturelle et artistique, avec les "Résidences Médicis" ; d'une passion sportive, avec les "Résidences olympiques" ; d'une passion informatique et numérique, avec les "Résidences digitales" ; de la découverte d’un métier, avec les "Résidences métiers" ; de l’ouverture internationale, avec les "Résidences Monde" ; de l’ouverture écologique, avec les "Résidences Nature" ; et de l’ouverture aux sciences, avec les "Résidences Charpak" (ou "Einstein", ou "Archimède" dont les noms sont un peu plus connus).

100 "nouveaux internats d'excellence" dans les quartiers et les villes

La politique engagée en 2008 en faveur des internats d’excellence sera relancée " au service des publics de l’éducation prioritaire et des territoires urbains". Le plan prévoit, à 2022, "au moins" un établissement labellisé internat d’excellence par département, soit 100 internats d’excellence : 70 collèges et 30 lycées accueillant 2.800 collégiens et 3.000 lycéens internes. Chaque métropole devrait également en disposer "d'au moins un". Ce type d'internat s'adresse aux "jeunes de l'éducation prioritaire motivés pour réussir et pour lesquels le cadre familial ou de quartier constitue un frein à la réussite". À écouter le ministre, les élèves ne devraient pourtant pas nécessairement venir de REP. Ils seront acceptés sur leur motivation, et pas sur leurs résultats scolaires. L'offre pédagogique et éducative serait "ambitieuse" et il y aura "un accompagnement personnalisé renforcé". Par exemple, l'établissement veillera à imposer un temps de sommeil "plus rigoureux que ce qui se passe dans les familles", précise Jean-Michel Blanquer. 
Les internats d’excellence pourront être créés dans ou à proximité des établissements scolaires des quartiers, sachant que la bonne distance avec le domicile familial est une clé de réussite (pas trop près pour marquer une rupture mais pas trop loin pour pouvoir rentrer les weekends). La possibilité d’intégrer ces internats d’excellence dans les futures "cités éducatives" est envisagée.

Des "Erasmus de l'internat"

Il est également envisagé des "Erasmus de l’internat", permettant aux élèves des internats d'excellence de séjourner durant les périodes de congés scolaires dans des résidences à thème, internats ruraux ou de montagne, pour y bénéficier d’un accompagnement scolaire (par exemple pour préparer le brevet) et d’activités culturelles et sportives.
Le troisième type d'internat a déjà son label, mais fait tout de même partie du plan. Il s'agit des internats des campus pro, adossés aux Campus des métiers. Le plan prévoit la création, rénovation ou développement de 40 internats des campus pro.
Au final, le plan ambitionne, d'ici à 2022, la création de 240 internats "de projet", accueillant 13.000 jeunes. 
À noter que, dans tous les cas, le nouveau système d'internat n’inclut pas forcément de nuitée, mais permet d’accéder à l’ensemble de l’offre d’activités. Cela peut se traduire par une présence trimestrielle, voire mensuelle, suite à des événements familiaux ou pour les périodes de préparation des examens. Ce peut aussi être des dîners "en anglais", un soir par semaine, illustre Marc Foucault.