Plan d’investissement dans les compétences : encore des progrès à faire pour embarquer les moins qualifiés
Le plan d’investissement dans les compétences vient de faire l’objet d’un troisième rapport d'évaluation. Malgré un bilan quantitatif imposant, le comité d’évaluation insiste sur l’importance d’un meilleur ciblage des publics peu qualifiés à l’avenir, alors que le gouvernement envisage de réduire la voilure.
Initié en 2018, le plan d’investissement dans les compétences (PIC) continue de remplir ses promesses en matière de formation professionnelle des demandeurs d’emploi. En 2021, 863.000 entrées en stage ont eu lieu, souligne le comité d’évaluation de ce plan dans son troisième rapport consacré au sujet, publié ce jeudi 24 novembre. Après une année 2020 plombée par le Covid (685.000 entrées), les résultats restent à un niveau "élevé", saluent les chercheurs à l’origine de l’étude, même s’ils n’atteignent pas ceux de 2019 (890.000 entrées). Les régions, à l’origine de 446.000 de ces entrées en stage, affichent une contribution supérieure de 48% aux dépenses initialement prévues dans les pactes régionaux, s’élevant à un total de 2,19 milliards d’euros.
A ce chiffre s’ajoutent aussi 172.000 actions d’accompagnement plus spécifiques dirigées vers les jeunes ou personnes éloignées de l’emploi et relevant de "programmes nationaux" pilotés par les services de l’État (Prépa compétences, la prépa apprentissage, repérage des invisibles…). 610.000 demandeurs d’emploi ont par ailleurs utilisé leur compte personnel de formation (CPF) de manière autonome. Si l’on tient aussi compte de l’appui budgétaire du PIC à l’action des missions locales, ainsi qu’à la formation des salariés en insertion, le nombre de formations ou d’accompagnements en direction des personnes recherchant un emploi a dépassé les 2,1 millions.
Un accès des peu qualifiés à la formation à améliorer
Un record dont la réédition n’est pas garantie : pour l’après-2024, le ministre du Travail Olivier Dussopt a annoncé une "voilure budgétaire plus raisonnable" (lire notre article du 15 novembre). C’est dans ce contexte que les trois chercheurs présidant le comité rappellent qu’un "réajustement à la baisse des moyens affectés à la formation, s’il était fidèle aux principes généraux du plan Pisani-Ferry, se donnerait pour priorité de préserver les formations dans les secteurs en besoin et celles destinées aux publics les plus fragiles".
Or les publics relevant des niveaux infrabac et bac représentent toujours peu ou prou la moitié des entrées en formations financées par les régions et Pôle emploi. Dans l’ensemble des régions signataires d’un pacte, cette part "a diminué ou stagné", selon le rapport. Une baisse future des moyens risquerait donc en l’état de leur être défavorable. De son côté, Régions de France revendique 62% de personnes peu qualifiées en formation, en moyenne, d’après son observatoire des politiques régionales.
Faute de faire le plein parmi ces publics, certains programmes du PIC sont contraints d’élargir leur cible. Se pose ainsi la question de l’adaptation accrue des politiques de formation aux "freins" des personnes peu qualifiées. Un sujet complexe tant les causes en sont multiples : manque de motivation, accompagnement ou aides inadaptées, offre de formation très inégale sur les territoires, voire pratiques de sélection des organismes de formation qui leur sont défavorables. Et si les formations préparatoires, de remise à niveau ou de pré-qualification ont augmenté sur la période, la poursuite en formation certifiante, suite à ces premières étapes, reste encore limitée, selon le rapport.
L’État à la peine comme "ensemblier du PIC"
Sur les trois premières années du plan, en Bourgogne-Franche-Comté, Bretagne et Hauts-de-France, le nombre d’entrées financées représentent près du double du niveau du socle, cependant fixé dans ces deux dernières régions "à un niveau nettement plus bas que le niveau des entrées réalisées en 2018", constatent les rapporteurs. Cette même différence est de 50% en Centre-Val de Loire, Grand Est et en Île-de-France. A l’inverse, la progression est moindre en Occitanie (+12%). Selon les rapporteurs, les résultats inégaux d’une région à l’autre peuvent être liés à la capacité des différents programmes de formation à attirer des candidats.
Le comité scientifique fait le lien entre ces difficultés et des défauts d’organisation liés à une coordination insuffisante. Dans son rapport de 160 pages agrémenté d’exemples et études de cas, il critique autant les carences des services déconcentrés de l’État à "assurer une fonction d’ensemblier du PIC" que l’absence d’association des conseils départementaux aux pactes régionaux. "Un enjeu de tout premier ordre sera de renforcer davantage les moyens de coordination entre les actions de l’État et des régions, tout en associant d’autres acteurs, comme les départements et les partenaires sociaux, ce qui sera une des questions pour la structuration de France Travail", concluent les chercheurs.