Le bilan en demi-teinte du Plan d’investissement dans les compétences
A quelques mois de la prochaine élection présidentielle, une table ronde organisée mercredi 8 décembre a été l’occasion de dresser un bilan des dispositifs mis en œuvre durant le quinquennat d’Emmanuel Macron en matière de formation des demandeurs d’emploi. Et de remettre à l’ordre du jour la question de la délégation de la compétence formation aux régions.
Qu’il s’agisse du plan d’investissement dans les compétences (PIC), du compte personnel de formation et, plus récemment, du plan de "réduction des tensions de recrutement", les budgets dédiés à la montée en compétence des chômeurs ont atteint des montants inédits lors du quinquennat qui s’achève dans quelques mois. Avec quelle efficacité ? Cette hausse des budgets a-t-elle notamment été synonyme, pour tous les demandeurs d’emploi, d’un accès accru aux formations de leur choix ? Des questions auxquelles les participants ont tenté de répondre lors d'une table ronde organisée le 8 décembre par l’Association des journalistes de l’information sociale (Ajis).
Ainsi, concernant le PIC, lancé en 2018 avec l’objectif de former d’ici à 2022, 2 millions de personnes peu et pas diplômées de plus, le bilan dressé par le comité scientifique rattaché à la Dares, publié le 25 novembre, montre notamment que le taux d’accès à la formation des demandeurs d’emploi un an après leur inscription est passé de 8% avant 2018 à 11%. "On pourrait dire que le compte n’y est pas", a convenu David Margueritte, vice-président en charge de l’emploi, de la formation, de l’orientation et de l’apprentissage à la région Normandie et représentant de Régions de France. Il a cependant appelé à regarder ces chiffres "avec prudence", rappelant le "trou d’air" de l’année 2020 provoqué par la crise Covid et la difficulté à dresser un bilan au bout de trois ans.
Synergie et connaissance mutuelle
Il a en revanche souligné les progrès apportés par le PIC, un plan "qualitatif", visant "la qualité des formations" et "à rebours de ce qui était fait jusqu’ici". Avec le PIC, "il ne s’agissait pas simplement d’augmenter des places de formation, mais nous avons aussi cherché à répondre à des interrogations sur comment faire revenir les publics éloignés de l'emploi ou encore identifier les freins à la mobilité. En région Normandie, nous avons par exemple augmenté au début du PIC les frais de mobilités pour les stagiaires qui acceptaient des formations loin de chez eux", a-t-il illustré, ajoutant que ce premier bilan du PIC devait aussi être regardé au regard des expérimentations menées dans les régions.
Avant la mise en œuvre du PIC, "moins d’un demandeur d’emploi sur dix accédait à la formation, aujourd’hui c’est 1,6 sur 10, ce n’est certes pas suffisant, des fonds supplémentaires ont été mis en place pour viser un ratio de deux sur 10", a pour sa part souligné Audrey Pérocheau. La directrice du développement des compétences à Pôle emploi a par ailleurs souligné que le PIC avait permis une synergie et une connaissance mutuelle des différents opérateurs de la formation qui n’existaient pas avant. A commencer par la mise en commun et la visibilité immédiate des places disponibles sur une formation. "Même s’il reste des progrès à faire, il y a eu une amélioration globale de l’efficacité, avec une mobilisation de tous les conseillers de Pôle emploi mais aussi de l’Afpa, des Cap emploi…, c’est assez inédit que dans la chaine de valeur de la formation l’on soit à ce point dans un continuum entre l’identification des besoins de formation, les analyses sur le territoire avec les acteurs économiques et les conseils régionaux, et la traduction [de ces besoins] dans des catalogues de formation".
Les régions plaident pour plus de cohérence dans le pilotage
Joël Dessaint, bénévole chargé du plaidoyer à l’association Solidarités nouvelles face au chômage (SNC), a quant à lui salué un "plan de très grande ampleur", se différenciant des précédents par le fait qu’il cible les personnes les plus éloignées de l’emploi. "D’un point de vue de la quantité, le PIC est incontestablement un succès", a-t-il jugé. A l’image des conclusions du second rapport du comité scientifique de la Dares, il s’est montré plus nuancé sur le fait de savoir si "la cible qu’on visait a bien été atteinte". "Les 11% sont à rapprocher du chiffre d’au moins 50% des demandeurs d’emploi qui veulent se former, a-t-il pointé. Il y a donc sans doute des efforts à faire sur ce volet qualitatif et sur les publics cibles auxquels on s’adresse. Pour cela, l’orientation nous parait l’élément le plus essentiel. Cela commence par un diagnostic avec la personne concernée de ce qu’elle veut faire, est capable de faire…, pour faire le choix de la bonne formation."
Cette table ronde a également été l’occasion de revenir sur la revendication des régions d’assurer le pilotage des acteurs du service public de l’emploi. Car si "le PIC a eu le mérite de nous permettre de mieux travailler ensemble, il a aussi mis en évidence que la multiplicité des acteurs dans le champ de la formation dans notre pays ne peut plus durer", a souligné David Margueritte, pour qui la cohérence du pilotage est l’une des conditions à l’efficacité des politiques de formation dans notre pays. "Les régions sont les acteurs les mieux placés pour répondre aux problématiques de l’emploi et de la formation sur les territoires. On sait comment les choses fonctionnent. On a par ailleurs une chaîne cohérente de compétences avec d’un côté la formation professionnelle, de l'autre le développement économique et la connaissance des besoins des entreprises et de l'emploi."
Le représentant des régions a ainsi regretté que l’expérimentation de la délégation de la compétence emploi aux régions ouverte par la loi NOTRe n’ait pu aller à son terme. Tout comme celle esquissée il y a trois ans sur le pilotage de la formation professionnelle des chômeurs. Au point mort, selon David Margueritte, malgré, là encore, la volonté des régions de s’engager dans cette expérimentation. "Il n’y a eu aucune suite donnée à cette promesse de 2019, a-t-il regretté. Certes, il y a eu le confinement entre les deux mais cela n’explique pas tout. Lorsque l’on propose une expérimentation et que les régions la demandent de façon récurrente, et qu’on nous dit de façon récurrente 'on va le faire', on se dit 'qu’est-ce qui bloque ?'." Une question dont la réponse reste en suspens.