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Le plan compétences n’a pas réduit les inégalités d’accès à la formation

L’accès des demandeurs d’emploi à la formation a progressé en 2019 et 2020, selon un rapport d’évaluation du plan d’investissement des compétences. Toutefois, la part des peu diplômés accédant aux formations n’a pas progressé.

Le plan d’investissement dans les compétences (PIC) sera-t-il à la hauteur des attentes ? Lancé en 2018, ce programme vise, pour rappel, à former 2 millions de personnes peu et pas diplômées de plus d’ici à 2022. Un objectif jugé "peu probable" montre un second rapport du comité scientifique rattaché à la Dares, publié jeudi 25 novembre.

En 2019 comme en 2020, les entrées en formation ont globalement dépassé le million, soit 200.000 entrées en formation de plus qu’en 2017 et 2018. Alors que 8% des demandeurs d’emploi étaient concernés en 2017, ils sont 11% en 2019.

51% de peu diplômés formés en 2020

Cependant, les personnes peu ou pas diplômées "n’ont pas bénéficié plus fortement que les autres demandeurs d’emploi de l’effort accru en termes de formation", souligne le rapport. Dans les régions, leur part dans les entrées en stage est passée de 56% en 2019 à 52% en 2020, rejoignant là les résultats de Pôle emploi (51%) sur ces mêmes années, ces derniers étant stables. En imposant la formation à distance, la crise leur a été plus défavorable. Au total en 2020, 310.000 personnes peu diplômées ont suivi un ou plusieurs stages de formation.  

De ce point de vue, la progression spectaculaire du compte personnel de formation – qui a permis au gouvernement d’afficher 1 million de formations en 2020 (lire notre article du 12 avril) - ne résout pas totalement le problème. 43% des personnes ayant mobilisé un CPF autonome sont certes peu qualifiées. Mais ces profils représentent 54% des demandeurs d’emploi, souligne le rapport. Par ailleurs, la nature des formations suivies dans le cadre du CPF – plus courtes et rarement diplômantes – diffère des cursus plus longs proposés par les régions

Échec de l’accompagnement vers la formation

Le chantier central du plan d’investissement des compétences – qui est d’amener des personnes en difficulté à la formation qualifiante – est loin d’avoir fait ses preuves. En témoigne le bilan mitigé du programme national "Prépa compétences". Alors qu’il vise à préparer 40.000 personnes par an, peu ou pas diplômées à l’accès à une formation, 30.000 personnes ont bénéficié de ce programme en 2019, puis 23.000 en 2020. Mais surtout, l’objectif de ce programme n’a pas été atteint un an après l’entrée dans le dispositif, seuls 38% des bénéficiaires ont enchaîné avec une formation.

"C’est un sujet compliqué, et on ne va pas s’attendre à ce qu’il soit spontanément transformé", conclut Marc Gurgand, membre du comité scientifique. Entre l’auto-censure des personnes, les freins sociaux ou les difficultés administratives liées au système de la formation, les raisons de cet échec sont potentiellement nombreuses. Et les réponses à ce problème, pas encore au point.

Autre déception potentielle, si la littérature scientifique documente l’impact réel de la formation sur le retour à l’emploi, le PIC n’affiche pas de surperformance. "On estime à 7 points de pourcentage le gain lié au fait de suivre une formation", explique Marc Gurgand. Mais cette estimation se retrouve aussi dans d’autres évaluations internationales. "Cela semble être quelque chose d’assez structurel", ajoute-t-il.

Formations régionales : des points de vigilance

Dans le cadre des pactes régionaux d'investissement dans les compétences (Pric) signés avec l’Etat, les régions ont également été appelées à développer diverses expérimentations pour améliorer l’accès des personnes fragiles à des qualifications. Mais à cause de la crise, certaines expérimentations ont été annulées, reportées, ou n’ont pas été évaluées faute d’effectifs suffisants. Des évaluations approfondies de ces dispositifs devraient être publiées probablement dans un an, dans le prochain rapport du comité scientifique.
Cependant, ce rapport alerte sur les risques de non-recours à la formation. Avec le PIC et dans le contexte de la crise, les dispositifs se sont multipliés, devenant parfois concurrents. La complexité institutionnelle constitue un autre obstacle. A ce sujet, le rapport cite l’exemple francilien du dispositif "Parcours d’entrée dans l’emploi", de la région Ile-de-France. A la base destiné aux jeunes, il s’est ouvert aux bénéficiaires du RSA. Or "le public cible, les bénéficiaires du RSA, relève de l’aide sociale et donc de la gestion des départements. Le réseau de partenaires (associations notamment) potentiellement prescripteurs ont donc une plus faible visibilité sur un dispositif initialement ciblé sur un public différent (les jeunes non qualifiés) que celui auquel ils s’adressent".
Créer des "parcours sans couture" pour les personnes demande "une collaboration étroite entre des acteurs qui d’habitude interagissent peu", constate le comité d’évaluation du PIC. "C’est par exemple le cas des acteurs du champ de l’insertion sociale et de ceux du champ de l’insertion professionnelle, dans le cas du dispositif PEE en Île-de-France, ou de ceux de la pré-qualification et de ceux de la formation qualifiante, comme dans le cas du dispositif Parcours Intégré en Pays de la Loire".