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Plan de relance : les entreprises attendent "l'intendance" dans les territoires

En amont de la présentation du projet de loi de finances pour 2021, qui portera les mesures financières du plan de relance, le Sénat a souhaité entendre les représentants des entreprises mercredi 23 septembre. Ces derniers s’inquiètent notamment d’un "mur de la dette" et réclament un étalement des remboursements de l'ensemble de leurs charges et prêts sur dix ans. Ils attendent aussi de savoir "qui pilote" le plan de relance dans les territoires.

"Sur le plan de relance, on peut avoir les meilleures intentions du monde, si l’intendance ne suit pas, ça ne vaut rien." C’est l’avertissement sans appel lancé François Asselin, président de la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME), lors d’une table ronde organisée par la délégation aux entreprises du Sénat, mercredi 23 septembre, soit vingt jours après la présentation du plan de relance du gouvernement. "On ne peut pas s’adresser aux 1,8 million de PME à partir de Bercy, on doit s’appuyer sur les territoires et sur les compétences qu’il y a dans les territoires. On est en attente forte d’une méthodologie, on veut savoir qui pilote", déclare-t-il. "Comment ce plan va-t-il se mettre en œuvre, concrètement, sur les territoires ?", abonde Joël Fourny, le président de CMA France (le réseau des chambres des métiers et de l'artisanat), alors que les membres du gouvernement martèlent leur volonté de territorialiser ce plan de 100 milliards d’euros qui, d’ailleurs, a fait l’objet d’un accord politique avec les régions cet été. Le premier comité de pilotage du plan qui s'est tenu le 21 septembre a prévu de définir des indicateurs territorialisés pour s’assurer de sa bonne exécution en région, tandis que des "sous-préfets" à la relance sont appelés à veiller à son "ruissellement" à partir de janvier. Pour autant, les représentants des entreprises restent dans le flou et l’inquiétude est vive pour les plus petites d’entre elles. Si le plan ne se met pas rapidement en place, "les PME et TPE vont complètement passer à côté de l’objectif" alors que les grandes entreprises sont, elles, "organisées pour répondre aux appels à projets", met encore en garde François Asselin. "Si on fait parfois grand bruit de Bridgestone, ce n’est rien du tout par rapport à des milliers de petites entreprises qui vont malheureusement devoir baisser le rideau."

"Prêt de consolidation à dix ans"

Le représentant des PME estime qu’il faut compléter le plan avec des "mesures de soutien" à l’investissement. Car les entreprises vont devoir faire face à des échéances capitales pour leur avenir avec, à partir du 7 octobre, la reprise des procédures de cessation de paiement des tribunaux de commerce, qui va fournir "une photo assez rapide de l’étendue des dégâts", puis l’arrêt des bilans des entreprises en fin d’année et leur publication au mois de mars, le risque de cotations dégradées et de retrait des banques, les premiers remboursements des prêts garanties de l’État (PGE) au 1er avril, les décalages de charges sociales, fiscales, de loyers... Un certain nombre d’entreprises "ne pourront pas faire face à leur mur de dettes alors que leur modèle économique est tout à fait convenable".

Il ne s’agit "pas d’arroser le sable", insiste-t-il en proposant au gouvernement un "prêt de consolidation" pour pouvoir étaler l’ensemble des dettes de l’entreprise sur dix ans. "On se heurte à une disposition européenne qui ne permet pas d’aller au-delà de six ans", a-t-il précisé, en référence à la règle de minimis. Il propose aussi que les dettes sociales des indépendants soient considérées comme des dettes de la personne morale et non pas de la personne physique.

La situation n'est guère plus enviable pour les entreprises de taille intermédiaire (ETI). Olivier Schiller, administrateur du Mouvement des ETI (METI), estime qu’elles sont 70% à avoir bénéficié du PGE mais qu'"un quart d’entre elles auront des difficultés à le rembourser".

Un tiers des industriels font confiance au plan de relance

Le constat est partagé en tous points par Pierre Goguet, le président de CCI France qui demande "un traitement comptable spécifique". Il s’agirait de traiter les prêts, non pas comme des dettes, mais au titre des capitaux propres, comme pour les prêts participatifs, évitant ainsi une dégradation de la cotation Banque de France. Le représentant des chambres de commerce et d’industrie estime par ailleurs que les mesures du plan de relance relatives au commerce de centre-ville sont insuffisantes. "Les commerces ne seront peut-être plus là dans quelque temps", alerte-t-il, rappelant les difficultés accumulées depuis 2019 avec les manifestations de gilets jaunes Un sondage de CCI France montre que 53% des chefs d’entreprise considèrent que le plan de relance "est de nature à redonner confiance". Mais la proportion tombe à un tiers dans l’industrie, indique-t-il par ailleurs.

La sénatrice Élisabeth Lamure (Rhône, LR), présidente de la délégation aux entreprises, se dit prête à défendre des amendements notamment dans le cadre du projet de loi de finances (PLF) pour 2021 qui sera présenté ce lundi. "Plus que jamais l’expérience des acteurs de terrain, au premier rang desquels les élus locaux et les chambres consulaires, sera utile au sein des comités de suivi du plan de relance", souligne-t-elle, dans un communiqué. Elle juge par ailleurs indispensable que les sénateurs soient associés aux comités de suivi régionaux du plan de relance, au côté des collectivités.