Relance de l’industrie : "Pas un territoire ne doit être oublié", affirme Jean Castex
Devant le comité exécutif du Conseil national de l'industrie, le Premier ministre a appelé, lundi 14 septembre, les régions à se mobiliser pour "surmultiplier" les actions de l'Etat. Il a indiqué que 800 millions d'euros étaient déjà mobilisés pour l'industrie dans le cadre des différents appels à projets liés au plan de relance. Le chef du gouvernement a aussi exhorté les industriels à se saisir du dispositif d'activité partielle de longue durée pour préserver leurs compétences.
"Il ne faut pas se mentir, la crise est venue souligner les faiblesses structurelles de notre industrie." En ouvrant le conseil exécutif du Conseil national de l’industrie (CNI) sur le site de l’usine Bic de Montévrain, en Seine-et-Marne, le Premier ministre Jean Castex s’est montré conscient des efforts à accomplir pour remettre le pays "sur la voie et les moyens d’une grande nation industrielle", alors que la crise a engendré une baisse d'activité très forte dans certains secteurs comme l'aéronautique. Evoquant le poids que l’industrie pèse encore dans l’économie nationale, malgré des décennies de déclin (voir encadré ci-dessous) – 3,1 millions d’emplois, 13% du PIB et 240.000 entreprises -, il a assuré que le plan France Relance, avec un effort de 35 milliards d’euros pour l’industrie d’ici à 2022 sur un total de 100 milliards d'euros, marquait un "effort historique". Rappelons que cette somme intègre les 20 milliards d’euros de baisse des impôts de production sur deux ans. Le Premier ministre en a appelé à la mobilisation de tous, y compris des collectivités qui pilotent les 148 Territoires d'industrie. "Le gouvernement travaille avec les représentants des collectivités locales dans un esprit d’ouverture. (…) Nous souhaitons, grâce aux accords que nous conclurons avec elles, notamment les régions - et c’est en cours - surmultiplier l’impact des actions de l’Etat." "Il est plus que jamais nécessaire de s’intéresser à nos territoires. Nous devons aider nos territoires à développer leurs industries", a-t-il insisté.
Le matin même de cette réunion, une circulaire du Premier ministre a été publiée pour fixer les critères de recrutement au 1er janvier des "sous-préfets" à la relance annoncés deux semaines plus tôt par la ministre de la Transformation et de la Fonction publiques Amélie de Montchalin. Ces "jeunes hauts fonctionnaires" seront précisément chargés de "la mise en oeuvre territoriale du plan de relance".
800 millions d'euros déjà opérationnels
Lors du CNI, entouré de ses ministres Bruno Le Maire, Elisabeth Borne et Agnès Pannier-Runacher, chargés respectivement de l’Economie, du Travail et de l’Industrie, Jean Castex a assuré que les enveloppes allouées à l’industrie dans le plan de relance étaient déjà "opérationnelles". Dès à présent, près de 800 millions d’euros sont disponibles dans plusieurs appels à projets lancés ces derniers jours, a-t-il précisé, mêlant des crédits du fonds de relance stricto sensu et d’autres des plans sectoriels qui lui ont précédé : 200 millions d’euros pour la décarbonation de l’industrie, 300 millions d’euros pour les fonds de soutien à la modernisation des filières automobile et aéronautique, 150 millions d’euros pour les projets portés par les territoires, dont les Territoires d’industrie, 100 millions d’euros pour relocaliser les chaînes de valeur critiques et enfin 40 millions d’euros pour soutenir l’industrie du futur et la modernisation des chaînes de production. Bercy précise, dans un communiqué, que "300 millions d’euros supplémentaires ont également été engagés en 2020 pour soutenir la recherche et développement au sein des filières automobile et aéronautique, en particulier pour la transition écologique".
Le ministère de l’Economie a également communiqué la liste des 24 premiers lauréats du fonds de soutien à la modernisation des filières automobile et aéronautique.
Activité partielle de longue durée
Constatant que 25 sites industriels sont responsables de 36% des émissions de CO2, le Premier ministre a jugé "impératif" qu’ils participent aux appels à projets, notamment ceux liés à la décarbonation, instruits avec l’Ademe (ces derniers accordent une large place à la biomasse). Les feuilles de route des 18 filières industrielles seront actualisées d’ici début 2021 pour tenir compte des trois priorités du plan de relance : la transition écologique, la souveraineté industrielle et la cohésion sociale. Sur ce dernier volet – qui comprend l’emploi et l’investissement dans les compétences – le Premier ministre a voulu donner des gages, alors que de nombreuses critiques se sont fait entendre depuis le 3 septembre sur l’absence de contreparties liées au plan. "Tout cela ne fonctionnera qu'à une seule et unique condition : votre totale mobilisation", a-t-il lancé aux industriels, les invitant à "conclure massivement et très vite, d'ici au 1er novembre, des accords d'activité partielle de longue durée" afin d’enrayer la progression du chômage. L’objectif est de privilégier les accords de branches et d’entreprises sur les plans sociaux (345 ont été comptabilisés depuis mars par le ministère du Travail) pour préserver les emplois et les compétences et former les salariés. Le dispositif d'activité partielle de longue durée permet à un employeur de diminuer jusqu’à 40% l’horaire légal de travail pendant une période de 6 à 24 mois, tout en percevant de l’État jusqu’à 60% de la rémunération horaire brute dans la limite de 4,5 Smic. Le salaire net est garanti à hauteur de 93%. "Il faut y aller", a lancé le Premier ministre, appelant à associer les salariés à la relance.
Plus aucune zone d’emploi n’a l’industrie comme premier secteur économique
Au moment où le gouvernement met en place sa politique de réindustrialisation, l’Insee et la Dares apportent un nouvel éclairage sur la transformation des économies locales à l’œuvre depuis les années 1990. Ce travail s’appuie sur un nouveau quadrillage en 306 "zones d’emploi" défini par les deux organismes, contre 321 pour le zonage qui datait de 2010. La note met le doigt sur la désindustrialisation du pays : plus aucune zone "n’a l’industrie comme premier secteur économique en 2020". Elles étaient encore une dizaine dans ce cas trente ans plus tôt. Dans 37 zones d’emplois, l’industrie reste cependant à un niveau élevé de 26% de l’emploi en moyenne. Le taux atteint même les 38% à Oyonnax (Ain). Mais la plupart de ces zones se trouvent aujourd’hui en Bretagne, spécialisée dans l’agro-alimentaire (Vitré, Lamballe-Armor) et dans les Pays de la Loire. Soit un déplacement du Nord-Est vers l’Ouest déjà décrit par l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) dans une étude récemment publiée (voir notre article). Mais le "rétrécissement de la sphère industrielle est en partie compensé par des activités de services aux entreprises, avec l’externalisation de fonctions assurées précédemment au sein des entreprises industrielles (comme le transport, la recherche et le développement, la restauration des salariés, le nettoyage...) et le recours au travail intérimaire", constate la note. Les économies locales ont donc tendance à se "diversifier". Ainsi 68 zones d’emploi sont à "économie diversifiée", et ne présentent pas – ou plus – de spécialité économique marquée. C’est le cas des zones où l’emploi industriel a fortement baissé, comme Saint-Omer où la part de l’industrie est passée de 28% à 16% en dix ans. Ces zones à économie diversifiée comptent aujourd’hui 3,4 millions d’emplois, contre 1,2 pour les zones spécialisées dans l’industrie.