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Rénovation énergétique - Plan bâtiment Grenelle : le chantier collectivités territoriales a livré ses travaux

Le chantier collectivités territoriales du plan bâtiment Grenelle a remis ses propositions le 22 juillet. Au programme : une meilleure connaissance de l'état du patrimoine des collectivités, une adaptation des outils financiers et juridiques pour accompagner les opérations de rénovation énergétique, et un renforcement du rôle des collectivités pour diffuser la culture d'économie d'énergie sur leur territoire.

Présidé par Pierre Jarlier, sénateur-maire de Saint-Flour et vice-président de l'Association des maires de France (AMF), et composé d'une vingtaine de membres issus de structures publiques et privées, le groupe de travail du plan bâtiment Grenelle consacré aux collectivités territoriales, baptisé "chantier", a remis ses propositions ce 22 juillet au bureau du comité stratégique du plan, après plus d'un an de travaux. Il a centré sa réflexion sur trois questions : comment les collectivités vont-elles s'engager dans la rénovation énergétique et environnementale de leurs propres bâtiments ? Avec quel soutien juridique et financier ? Et de quelle manière peuvent-elles impulser une culture d'économie d'énergie en leur sein et auprès de leurs administrés ?

Le chantier a dégagé 28 propositions d'action très concrètes, en insistant sur le rôle de l'Ademe comme interlocuteur privilégié des collectivités. Il met tout d'abord en avant plusieurs mesures visant à rendre plus performantes les opérations de rénovation thermique de leurs bâtiments. Cela passe en premier lieu par une amélioration de la connaissance de leur patrimoine. Celui-ci est évalué à plus de 280 millions de m2, avec une prépondérance des bâtiments scolaires (53% du parc), loin devant les équipements sportifs, culturels et de loisir (16%) ou relatifs à l'action sociale (13%). Mais le rapport Jarlier juge nécessaire de compléter cet inventaire national car les données aujourd'hui disponibles ne couvrent que les bâtiments des communes. Il préconise donc de mobiliser les principales associations d'élus pour lancer une nouvelle enquête sur les consommations d'énergie et l'état du parc des collectivités, de consolider le tout auprès d'un observatoire national et de construire un "cadre de données partagé" permettant aux collectivités de s'évaluer. Dans une optique pédagogique, il propose aussi de faire ressortir au compte administratif les charges liées au gaz, à l'électricité et aux combustibles en créant un chapitre dédié à ces dépenses.

Un préalable : l'audit énergétique

Pour optimiser les investissements à réaliser, le groupe de travail insiste sur la nécessité pour les collectivités de réaliser des audits énergétiques complets, à l'instar de l'Etat. La loi Grenelle I oblige en effet celui-ci à le faire sur son propre patrimoine d'ici à 2012, et les membres du groupe ont estimé que les collectivités pourront bénéficier de son expérience. Pour mener de tels audits, il faudra donc identifier les outils existants, tels que les contrats d'objectifs territoriaux, et renforcer et développer le dispositif de conseil en orientation énergétique mis en place par l'Ademe.

Le rapport met également l'accent sur le rôle primordial de l'ingénierie territoriale pour mener les chantiers de rénovation énergétique. Les petites collectivités sont évidemment celles qui manquent le plus de moyens humains, techniques et financiers pour opérer les choix. Le chantier propose donc de développer les compétences locales en ingénierie de plusieurs manières : mise en place avec l'aide de l'Ademe d'un conseil en énergie partagé (CEP) ou de dispositifs équivalents au niveau intercommunal, recours aux services de l'Etat – ce qui suppose de les sensibiliser et de former les agents du ministère de l'Ecologie aux besoins des petites collectivités. Pour atteindre les objectifs fixés par le Grenelle, il juge aussi nécessaire de renforcer les outils financiers dédiés à l'accompagnement des investissements en les fléchant en priorité sur les opérations de rénovation et en disposant de mécanismes adaptés aux petites collectivités.

Le rapport contient aussi plusieurs propositions visant à intégrer les économies d'énergie dans une approche globale et territoriale du développement durable : intégration des programmes de constructions neuves ou de rénovation au sein des plans climat-énergie territoriaux (PCET) et des Agendas 21 locaux, poursuite de la valorisation des écoquartiers engagés vers le facteur 4. A propos de l'intégration des objectifs du facteur 4 et du développement durable dans la réhabilitation, il suggère de mettre en place à l'horizon 2020 des dispositifs d'intervention "pour optimiser et maximiser des travaux de rénovation thermique engagés par une collectivité sur une opération". Il estime qu'il faudrait aussi "faire évoluer les cahiers des charges de consultation des entreprises et les modes de mise en concurrence pour y intégrer une approche globale et maximiser le bénéfice énergétique sur la tranche de travaux" et développer l'information sur les outils permettant une gestion optimisée des consommations d'énergie pour que les collectivités apprennent à mieux les utiliser.

Une écoconditionnalité des aides publiques

Le chantier propose également d'adapter et de compléter les outils financiers et juridiques dont les collectivités bénéficient pour leurs travaux de rénovation énergétique pour prendre en compte les objectifs du Grenelle. Du côté des aides, il plaide pour le maintien des dispositifs incitatifs au développement des énergies renouvelables, notamment dans le cadre de conventions de partenariat Etat-conseil régional-conseil général afin d'optimiser le financement de ces opérations souvent très lourdes. Le groupe a aussi relevé le fait que les deux principales dotations d'investissement de l'Etat aux collectivités territoriales (dotation de développement rural et dotation globale d'équipement) ne prennent pas en compte les efforts en faveur du développement durable parmi leurs critères d'attribution. Il propose donc d'inciter les élus, via le préfet, à bonifier le montant de ces dotations sur la base de critères liés à la stratégie nationale de développement durable. Dans la même logique, il défend le principe de l'écoconditionnalité des aides publiques. Il propose ainsi de lier ces aides aux engagements en termes d'économies d'énergie (aide au financement des travaux à hauteur de 25% "en contrepartie d'un engagement de la part de la collectivité à hauteur de 25% minimum d'économies d'énergie en veillant à ne pas tuer les gisements d'économies d'énergie futurs") et de stabiliser les aides aux études et en ingénierie dans le cadre des contrats de projet Etat-régions (CPER) associant aussi l'Ademe. Pour les opérations les plus importantes, le rapport Jarlier propose que la Banque européenne d'investissement (BEI) puisse ouvrir des financements supplémentaires. Celle-ci pourrait ainsi ouvrir ses financements à tout investissement réalisé dans le cadre d'un programme d'action validé à la suite d'un audit de patrimoine et lié aux objectifs du Grenelle (par exemple, réduire de 40% en 8 ans les consommations énergétiques et de 50% les émissions de gaz à effet de serre).

Le retour des prêts bonifiés et de l'écoprêt à taux zéro pour les collectivités

Concernant les opérations intermédiaires, le rapport remonte au créneau pour l'attribution de prêts bonifiés nationaux aux collectivités qui réalisent des opérations destinées à améliorer la performance énergétique de leurs bâtiments. Cette disposition, introduite par les sénateurs lors de l'examen du projet de loi Grenelle II, avait été supprimée par les députés. Elle pourrait donc réapparaître dans la prochaine loi de finances, estiment les membres du groupe de travail. Pour les petites opérations menées par des collectivités de moins de 2.000 habitants, ils défendent l'idée d'un écoprêt à taux zéro, également supprimée du texte Grenelle II au motif que le coût de la mesure serait trop élevé. Ils reviennent aussi à la charge pour la création d'un fonds national destiné à soutenir la rénovation thermique des bâtiments des collectivités. Ce fonds, qui devait être financé par la taxe carbone, avait été annoncé par François Fillon lors du congrès de l'AMF en novembre dernier mais il n'a jamais vu le jour suite à la censure de la taxe carbone par le Conseil constitutionnel. Toujours sur le volet financier, le rapport Jarlier propose d'inciter les opérateurs à intervenir sur le patrimoine des petites communes en bonifiant la quantité de certificats d'économies d'énergie (CEE) accordée pour les actions d'économies d'énergie.

Les outils juridiques doivent aussi être adaptés, selon les membres du groupe de travail. Concernant les contrats de tiers investissement - un mécanisme qui permet au propriétaire d'un bâtiment de faire financer sa rénovation par un tiers -, le rapport suggère d'inclure dans le contrat une clause obligatoire relative à une performance énergétique minimale obtenue au terme des travaux. Il propose aussi d'adapter le contrat de performance énergétique (CPE) de façon à rendre son utilisation plus aisée pour les collectivités, notamment dans l'hypothèse d'un contrat de partenariat. Le Code des marchés publics doit aussi évoluer, estime le groupe de travail qui avance deux mesures. L'une vise à inciter à l'introduction de critères environnementaux dans le cahier des charges de la commande publique et à rendre obligatoire le critère relatif à la prise en compte des exigences de protection de l'environnement. Une deuxième mesure entend rendre obligatoires les critères liés à la performance énergétique – les coûts de fonctionnement – dans les travaux de rénovation. 

Favoriser l'échelon intercommunal

Le dernier volet de propositions concerne le rôle d'"animateur" joué par les collectivités pour dynamiser la rénovation thermique sur leur territoire. Certaines préconisations concernent d'abord la gouvernance territoriale. Le rapport souhaite ainsi affirmer les partenariats Etat-région-département à travers trois mesures : décliner les objectifs du développement durable et d'économies d'énergie dans les bâtiments dans les prochains CPER, orienter ces derniers vers "la contractualisation des approches territoriales (plans climat locaux versus Agendas 21) entre le niveau régional et local (agglomérations, intercommunalités de type pays)" et "mettre en place un guichet unique pour accroître la visibilité des soutiens financiers et faciliter les démarches des demandeurs". Le groupe de travail préconise aussi de "favoriser les initiatives locales à l'échelle intercommunale". Dans cette optique, les Agendas 21 doivent être consacrés en tant qu'"outils de contractualisation avec l'Etat". Enfin, les membres du groupe de travail jugent nécessaire de "développer une véritable culture de l'économie d'énergie, sans quoi les travaux engagés ne sont pas optimisés et perdent tout leur sens". Pour sensibiliser élus et décideurs, ils proposent un appui méthodologique et la diffusion des opérations exemplaires et des bonnes pratiques. Ils suggèrent aussi de demander au Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) de mettre en place pour les élus et les agents territoriaux des formations spécifiques sur les économies d'énergie et les objectifs de performance énergétique des bâtiments et, au-delà, sur les projets territoriaux de développement durable. Pour sensibiliser les usagers, ils proposent notamment de développer les services de CEP en priorité au sein des EPCI et de réaliser un accompagnement dans le cadre de projets éducatifs en incitant les collectivités à faire participer les écoles ou le conseil municipal des jeunes aux projets de performance énergétique des bâtiments et en mettant en place dans les écoles, collèges et lycées des actions de sensibilisation des jeunes publics. Enfin, le rapport Jarlier propose deux mesures visant le grand public et les professionnels du territoire. Il suggère de développer les espaces info énergie, notamment au sein des agences locales de l'énergie (ALE), et d'encourager la création de ces agences au niveau intercommunal "pour réaliser des économies d'échelle et assurer le dynamisme du territoire", et enfin de mettre en place une opération programmée d'amélioration de l'habitat (Opah) de maîtrise de l'énergie.
 

Anne Lenormand