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Déchets - Placements à hauts risques pour Eco-Emballages

Le ministère de l'Ecologie a annoncé le 9 décembre que le conseil d'administration d'Eco-Emballages, qui gère les éco-contributions des entreprises pour les redistribuer aux collectivités locales pratiquant la collecte sélective des déchets d'emballages, avait informé le ministre, Jean-Louis Borloo, d'un risque de perte lié à des "placements non sécurisés d'une partie de la trésorerie dans des paradis fiscaux". "Si ces pertes ne remettent pas en cause le fonctionnement de la filière, elles pourraient être importantes puisqu'environ 60 millions d'euros restent à ce jour placés sur ce type de fonds à risques dont l'emploi est inacceptable au regard de la morale républicaine, s'agissant de fonds publics", a indiqué le ministère qui a réclamé une enquête approfondie.
Jean-Louis Borloo, qui a convoqué mardi le directeur général d'Eco-Emballages, Bernard Hérodin, a demandé "que l'ensemble de la trésorerie soit replacée sur des fonds sécurisés dans les meilleurs délais et que le conseil d'administration tire rapidement en termes de gouvernance de l'entreprise toutes les conséquences pour que ce risque ne se reproduise pas".
Dans un communiqué diffusé ce 10 décembre, Eco-Emballages s'est défendue de "toute forme d'illégalité ou de malversation". La société a évoqué un problème "de déblocage d'une partie de sa trésorerie investie dans deux fonds de placements non monétaires".
Ces placements concernent environ 20% de sa trésorerie globale, soit  55 millions d'euros. Avant d'être reversée aux collectivités, la trésorerie est placée, selon Eco-Emballages, "pour environ 80%" dans des produits monétaires et "pour environ 20%" en "placements dynamiques", autrement dit à risques. La société a indiqué avoir placé "en toute transparence" l'argent concerné dans un fonds d'investissements à Zürich (sans citer de nom) et n'avoir "jamais donné d'ordre de virement vers des banques autres qu'européennes".
Alors que la crise financière couvait, le conseil d'administration d'Eco-Emballages a décidé le 21 avril dernier de procéder au "désengagement total" de ces placements. Mais "alors que certaines positions ont été dûment débloquées, puis placées en produits monétaires, deux autres fonds qui auraient dû être libérés à cette date ne l'ont pas été", selon Eco-Emballages. Averti fin novembre, le conseil d'administration, a informé à son tour le ministère de l'Ecologie.
Une réunion de crise doit se tenir au ministère avec des représentants d'Eco-Emballages ce 11 décembre. Faute d'une action exemplaire, l'agrément dont bénéficie Eco-Emballages sera suspendu. Sans attendre les travaux qui doivent s'engager à la mi-décembre pour un nouvel agrément devant être délivré pour fin 2010, Jean-Louis Borloo "souhaite un renforcement du contrôle par l'Etat du fonctionnement de l'ensemble des éco-organismes". Le ministère de l'Ecologie entend proposer "des avenants aux agréments existants pour encadrer la gestion de la trésorerie et renforcer le rôle des censeurs nommés par l'Etat".
Pour France Nature Environnement (FNE), l'affaire Eco-Emballages "témoigne, si cela était encore nécessaire, de l'insuffisance du contrôle de l'éco-organisme". La Fédération d'associations écologistes, très impliquée dans les travaux du Grenelle de l'environnement, a rappelé que l'instauration d'une instance de régulation des éco-organismes faisait partie des engagements "déchets" du Grenelle et était mentionnée dans le projet de loi Grenelle 1. Mais, souligne Gaël Virlouvet, responsable déchets à FNE, "cette disposition a purement et simplement disparu du projet de loi lorsque celui-ci est passé devant les députés". FNE demande donc aux sénateurs, qui examineront prochainement le texte, de la rétablir.
De son côté, le Cercle national du recyclage réclame plus de transparence dans le fonctionnement des éco-organismes. Pour Bertrand Bohain, délégué général de cette association d'élus, cela passe par un renforcement du contrôle de l'Etat et par un changement de statut juridique. "Le statut de société anonyme pour des organismes en charge de missions d'intérêt public pose problème. Car une SA dispose d'une grande autonomie en termes de gouvernance et donc de placements."

Quant à l'Association des maires de France (AMF), elle a déploré les "placements hasardeux" faits par Eco-Emballages "alors qu'il s'agit de fonds destinés aux collectivités publiques pour permettre le cofinancement du service public de traitement des déchets ménagers". L'AMF attend les prochaines conclusions de l'enquête menée par le ministère de l'Ecologie "d'ici la prochaine réunion de la Commission consultative d'agrément qui doit se tenir le 16 décembre 2008".

 

Anne Lenormand avec AFP