Pénurie d'enseignants : la Cour des comptes pour des solutions territorialisées
Un rapport de la Cour des comptes met en lumière les carences de recrutement d'enseignants par le biais des concours, particulièrement dans certaines académies. Pour les territoires les plus en tension, les magistrats préconisent d'expérimenter des recrutements aux procédures allégées sur des contrats de moyen terme.
Les concours de recrutement des enseignants connaissent "une baisse d’attractivité sur le long terme", indique la Cour des comptes dans son rapport "Devenir enseignant : la formation initiale et le recrutement des enseignants des premier et second degrés", publié le 31 janvier.
Dans le premier degré public, entre 4 et 8% des postes ouverts à la session de droit commun des concours externes (CRPE, principale voie d’accès au métier d'enseignant) ne sont pas pourvus. Mais surtout, note la Cour des comptes, "la situation est très contrastée selon les académies". Ainsi, en 2021, le nombre de candidats par poste est à peine supérieur à 1 dans les académies de Créteil (1,2) et Versailles (1,3), quand des académies comme Limoges ou Toulouse enregistrent respectivement 6,8 et 6,7 candidats pour un poste.
Baisse de qualité
Ce manque de candidats affecte la qualité du recrutement, selon la Cour. En effet, de 2017 à 2020, la barre d’admission était, en moyenne, de 7 sur 20 à Créteil et 8 sur 20 à Versailles, alors que la moyenne des admis se situait autour de 14 sur 20 dans des académies dites "attractives", comme Montpellier ou Rennes. La Cour des comptes juge cette situation "d'autant plus alarmante" que les académies de Créteil et Versailles représentent à elles seules 18% des enseignants du premier degré public et 33% des postes offerts au CRPE externe en 2021.
Dans le second degré, le tableau n'est guère plus réjouissant. Selon la Cour, le taux de candidatures et le taux de réussite s'y sont détériorés régulièrement. En 2021, on enregistrait 3,8 candidats par poste ouvert, contre 5 en 2005. Quant au taux d'admission, il était de 25% en 2021, contre 16,6% en 2005. Ce qui, là encore, traduit une baisse de qualité des recrutements. Quant aux taux de couverture des postes, il oscille entre 90% et 93% ces trois dernières années. Ici, la difficulté à pourvoir les postes varie fortement en fonction des disciplines : les lettres classiques, l’allemand et les mathématiques sont les plus touchés par la désaffection des candidats au Capes externe.
Toutes ces difficultés de recrutement se retrouvent dans l’enseignement privé sous contrat, et dans l'enseignement agricole, globalement moins attractif : en 2021, seuls 65% des postes offerts ont été pourvus.
Recours accru aux contractuels
Si la Cour des comptes estime que l’attractivité du métier d’enseignant est "une problématique partagée au sein de l’Union européenne", elle met en exergue, en guise d'explication, la persistance "d’une perception peu valorisante du métier par les étudiants".
Pour répondre à ces carences, des sessions supplémentaires du CRPE ont été organisées régulièrement ces dernières années dans les académies de Créteil et Versailles notamment. Parallèlement, le recrutement de contractuels s'est accru. Au point que dans le second degré public, ceux-ci représentent désormais 9% des enseignants et que leur nombre a augmenté de 40% entre 2012 et 2021. Dans le premier degré, le nombre de contractuels a été multiplié par presque quatre sur la même période. Là encore, le poids des non-titulaires varie fortement et se révèle plus marqué dans les académies de Créteil (11,9%) et Versailles (10,5%).
Job datings
Parmi les pistes recommandées par la Cour des comptes pour améliorer le recrutement des enseignants, on trouve d'abord une diversification des viviers, avec par exemple l'ouverture plus large au profit des publics en reconversion professionnelle, mais aussi la recherche d'une meilleure cohérence entre recrutement et formation initiale afin "d’attirer suffisamment de candidats de qualité".
Mais l'on retiendra surtout la proposition d'adapter, dans le cadre d’une expérimentation, le recrutement dans les académies et disciplines en tension. Dans le détail, la Cour propose de recruter "directement" par la voie contractuelle, sur une durée comprise entre trois et cinq ans, alors qu'actuellement, les personnes en reconversion professionnelle sont, pour certaines, recrutées sur des contrats annuels ou infra-annuels.
En outre, l’acte de recrutement lui-même pourrait se formaliser par un ou deux entretiens pilotés par les autorités rectorales impliquant des profils variés de personnels (inspecteurs, chefs d’établissement, enseignants, etc.). Un procédé qui rappelle les opérations de "job datings" récemment organisées dans les académies de Créteil et Versailles.
Rémunération territorialisée
Côté attractivité, la Cour prône "une différenciation plus grande des rémunérations selon les territoires" afin de compenser les inégalités de recrutement.
On retiendra enfin, parmi de nombreuses autres, la proposition de faire des écoles et établissements scolaires des acteurs de la formation initiale et continue. Un rôle qui pourrait également être dévolu à des districts ou bassins de formation, selon les différentes configurations retenues dans les académies.