Archives

Déficit d'enseignants : un rapport sénatorial donne ses recettes

Un rapport du sénateur Gérard Longuet s'intéresse aux difficultés de recrutement d'enseignants en France, mais aussi dans les pays voisins. Plusieurs initiatives sont mises en avant, notamment pour favoriser l'attractivité des territoires les plus déficitaires.

La France connaît des difficultés de recrutement d'enseignants – comme l'a confirmé le nouveau ministre de l'Éducation nationale ce 14 juin 2022 à l'issue du conseil des ministres – mais elle n'est pas la seule en Europe, certains pays ont d'ailleurs imaginé des politiques spécifiques pour attirer des enseignants, notamment dans les territoires déficitaires. C'est ce que nous apprend le rapport d’information réalisé par Gérard Longuet au nom de la commission des finances du Sénat sur "la comparaison européenne des conditions de travail et de rémunération des enseignants".

Comme le titre du rapport l'indique, le travail du sénateur de la Meuse porte essentiellement sur la rémunération des enseignants. Sur ce point, le constat est clair : les rémunérations des enseignants français sont "largement inférieures à la moyenne européenne". "Le salaire statutaire des enseignants du primaire et du secondaire après dix ou quinze ans de service est inférieur d’au moins 15% à la moyenne de l’OCDE", précise le rapport.

Dès lors, il convient de savoir si les difficultés de recrutement en France – illustrées par les 19% de postes non pourvus à l'issue du Capes externe de mathématiques en 2019 – sont liées à la faible rémunération des enseignants français. Là encore, la réponse est limpide : ces difficultés sont "décorrélées de la rémunération". Pour preuve : le déficit d’attractivité est "partagé au niveau européen", quel que soit le niveau des salaires. "Peu de pays européens sont épargnés par des pénuries d’enseignants", explique le rapport, qui donne l'exemple de l'Allemagne où "malgré des rémunérations élevées, il pourrait […] manquer plus de 26.000 enseignants dans le cycle primaire d’ici 2025".

Des pénuries territorialisées…

Si la difficulté à recruter "est généralement liée à des matières spécifiques, et en particulier les sciences et les mathématiques", pointe le rapport, "la moitié des pays mentionnent également des pénuries d’enseignants dans certaines zones géographiques". Les raisons ? Éloignement de certaines régions, contexte culturel, difficulté de l’environnement scolaire, etc. Pour les pays concernés, cette situation n'est pas toujours une fatalité. L'intérêt du travail de Gérard Longuet consiste alors à mettre en avant des exemples de solutions.

En Angleterre, le ministère de l’Éducation offre ainsi des compléments de rémunération non imposables plus élevés pour les régions les moins attractives afin d'attirer des diplômés dans les matières prioritaires. Le même pays propose aux professeurs nouvellement titularisés travaillant dans des "régions difficiles" et enseignant au moins 50% de leur temps une matière connaissant une pénurie de leur rembourser leur prêt étudiant.

En Italie, des mesures visent également à remédier aux pénuries dans certaines matières et certaines zones géographiques : plus de 85.000 enseignants, jusqu’alors employés par des contrats à durée déterminée, ont été recrutés sur une base permanente après une période de stage de trois ans.

Quant à la Norvège, elle a lancé un programme de coopération entre les professeurs, les mairies et les autorités des comtés (gestionnaires des établissements scolaires), et les syndicats, là encore pour faire face à une pénurie globale.

… aux bonifications territorialisées

"La comparaison avec ses voisins européens s’avère riche d’enseignements applicables au cas français", avance alors le rapporteur. Et si sa première proposition consiste, sans surprise, à "poursuivre la hausse des rémunérations des enseignants débutants dans la perspective d’un rattrapage avec la moyenne des enseignants européens", d'autres visent plus large.

Au chapitre des moyens financiers et de l'accompagnement des professeurs, Gérard Longuet recommande ainsi d'"étudier les possibilités juridiques permettant de mettre en place une bonification de la rémunération pour les enseignants dans les disciplines et les territoires où le déficit de professeurs est le plus important".

Au chapitre de la gestion des ressources humaines, où une grande place est donnée à la formation continue, il est aussi question d'"intégrer lors de toute nouvelle construction de bâtiments scolaires la création d’espaces d’échange et de collaboration entre professeurs".

Plus globalement, le rapport préconise de développer les capacités d’analyse et de prospective au sein du ministère de l’Éducation nationale, par exemple à travers la création d'"un véritable service dédié aux comparaisons internationales". Car Gérard Longuet semble avoir été impressionné par ce qu'il a découvert en étudiant spécifiquement les cas allemand et portugais. À propos de ce dernier, il écrit que la création des cités scolaires – qui regroupent dans de grands bâtiments, souvent nouvellement construits, des classes de la maternelle au secondaire sous une direction centralisée – y a "permis une réorganisation plus large de l’implantation territoriale des établissements scolaires" tandis que l’État fermait des écoles isolées dont l’état du bâti ou les taux de réussite étaient inférieurs aux moyennes nationales ou locales. Ces cités scolaires ont par ailleurs limité les coûts de structure en mutualisant par exemple les fonctions supports. Et le rapporteur de souligner en guise de conclusion "l’intérêt de ce type de système qui devrait constituer un support de réflexion dans le cas français".