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Patrimoine universitaire : l'effort croissant des collectivités à travers les CPER

La Cour des comptes exhorte à une "gestion plus performante" de l'immobilier des universités dont les collectivités sont propriétaires à hauteur de 12% (82% appartenant à l'État) et dont un tiers est "dans un état peu ou pas satisfaisant", selon son rapport.

Deuxième poste budgétaire des universités après la masse salariale, le patrimoine immobilier est stratégique pour elles comme pour l'État, qui en détient actuellement 82% et, dans une moindre mesure pour les collectivités territoriales qui en détiennent 12%, indique un rapport de la Cour des comptes publié mardi 11 octobre 2022. Ils doivent "faire face à l'indispensable remise à niveau de ce patrimoine, dont un tiers est dans un état peu ou pas satisfaisant, et qui ne répond que rarement aux besoins de sobriété énergétique". La mise en garde n'est pas nouvelle. Il y a un an, un rapport de la commission des finances du Sénat préconisait d'optimiser la gestion de ce patrimoine "à l’heure de la nécessaire transition écologique et du déploiement de l’enseignement à distance", en trouvant des synergies avec les collectivités (voir notre article du 27 septembre 2021).

Une connaissance du patrimoine imparfaite

Il faut dire que l'immobilier universitaire représente 18 millions de mètres carrés de locaux, dont 78% sont consacrés aux activités d'enseignement ou sportives. Or si les universités "ont pris la mesure de l'enjeu d'une gestion efficace" de l'immobilier, "le chemin à parcourir reste long", relève la Cour des comptes. Elle estime que "la connaissance de ce patrimoine, qui s'est améliorée au fil des années, reste imparfaite" et que "trop souvent, les systèmes d'information choisis par les universités sont difficilement compatibles avec ceux développés par l'État" mais aussi "à cause de la grande diversité des situations locales à appréhender". Le rapport identifie en effet que "les schémas pluriannuels de stratégie immobilière (SPSI) - éléments centraux de connaissance et de pilotage par les établissements de leur politique immobilière - ne sont pas encore établis partout ou leur renouvellement manque souvent. Quand ils sont disponibles, ils ne comportent pas de volet relatif à la politique de site et ne fournissent pas d’informations sur les biens mis à disposition par des tiers, dont les collectivités territoriales".

Des conventions pas disponibles

Les biens appartenant à des collectivités territoriales sont souvent des biens "historiques", anciennes écoles normales devenues Inspe, bâtiments patrimoniaux de grandes villes, comme la Sorbonne à Paris ou à Lyon. Le rapport identifie qu'il s’agit aussi de bâtiments réalisés par les collectivités territoriales, singulièrement dans les villes moyennes, au cours des dernières décennies dans le cadre ou en accompagnement des contrats de plan État-régions (CPER) "pour ancrer des formations sur leurs territoires". "Ils font généralement l’objet de conventions de mise à disposition avec ou sans transfert de charges", relève la Cour. Les collectivités territoriales regrettent que, comme l’a souligné l’Association des villes universitaires de France (Avuf) à l’occasion de ce rapport, s’agissant des bâtiments mis à disposition avec transfert de charges, "le niveau d’entretien assuré par l’université ne permet pas toujours une maintenance suffisante et aboutit à une dégradation du patrimoine de la collectivité". Le rapport constate que les "conventions organisant les relations entre les universités et les collectivités" ne sont pas disponibles. La Cour en conclut qu'il est de ce fait "impossible d’évaluer le coût consolidé, d’une part, des dépenses supportées par les collectivités territoriales en matière de fonctionnement et de maintenance et, d’autre part, du niveau des efforts consentis par les universités dans le cas de bâtiments mis à disposition avec transfert de charges". "Il serait utile que ces conventions soient jointes aux schémas pluriannuels de stratégie immobilière afin notamment d’apprécier l’optimisation effectuée du fonctionnement des antennes universitaires", suggèrent les Sages de la rue Cambon.

Des obligations d'entretien difficiles

Concernant les obligations d'entretien qui incombent aux universités, la Cour rappelle qu'elles "n'ont pas les moyens de [les] remplir, car le financement de l'immobilier universitaire "reste défaillant". Les programmes d’investissement sont portés principalement par les CPER, "dont le montant global se réduit du fait d’une moindre contribution de l’État compensée par une hausse de la contribution des collectivités territoriales" ne permettent pas de tout financer. "Les collectivités territoriales sont des acteurs importants du financement des universités et des interlocuteurs privilégiés de ces dernières", rappelle la Cour. Elle cite en particulier "les grandes métropoles "très intéressées par le développement d’une valorisation du foncier universitaire qui rejoindrait leur politique de développement urbain".

En 2015-2022, les régions financent 1 milliard d'euros

La Cour rappelle que "les trois dernières générations de CPER assurent une importante source de financement des investissements" de l’immobilier universitaire. Et de détailler : "pour la campagne 2015-2020, l’apport contractualisé par l’État, financé sur crédits budgétaires au titre de l’immobilier universitaire, s’établira à un total de 925,44 millions d'euros. Ce montant global a permis de mobiliser plus d’1 milliard d'euros de financement des régions dans le cadre du processus de contractualisation entre ces dernières et l’État pour l’élaboration du CPER. Les autres niveaux de collectivités territoriales, départements, agglomérations, villes sont également contributeurs, dans une moindre mesure, pour un montant cependant significatif d’un total estimé à 350 millions d'euros, soit 26 % de l’effort".

Des villes universitaires "rarement parties prenantes"

En outre, les sages relèvent que "les villes universitaires, pourtant directement concernées par le développement des sites, sont rarement parties prenantes, à l’exception des métropoles et, dans un certain nombre de cas, des communautés urbaines". La formalisation de la participation de ces collectivités est variable. Pour les CPER 2015-2020, une étude menée pour le compte de l’Avuf relève des différences de situation selon les régions. "Il serait pourtant légitime que cette participation financière se traduise par une formalisation identique dans toutes les régions, ouvrant ainsi le droit au suivi des engagements réciproques des différentes parties dans la réalisation des opérations inscrites aux contrats", estime la Cour.

Plan Campus, PIA..."l’effet de rattrapage ne suffit pas" 

À la faveur des crises, des programmes exceptionnels ont été mis en œuvre, comme le plan Campus qui a permis que soient versés 3 milliards d'euros par l’État et 1,235 milliards d'euros par les collectivités territoriales, dont 0,850 milliards pour les régions au 31 décembre 2020. La Cour des comptes cite également les programmes d’investissements d’avenir (PIA) après la crise financière de 2008 ou le plan de relance consécutif à la récente crise sanitaire. Le rapport évoque aussi l’expérience des 89 "Campus connectés", cofinancés avec les collectivités territoriales dans le cadre du PIA, estimant qu'il "devra être évaluée pour savoir si, au regard du niveau de réussite des étudiants concernés, ce mode d’enseignement peut être une réponse au besoin de rationalisation des investissements immobiliers". Mais quoiqu'il en soit "l’effet de rattrapage ne suffit toutefois pas à couvrir le besoin global", concluent les Sages.

  • La Cour encourage la création de filiales immobilières

Alors que la Cour des comptes estime qu'il "ne peut y avoir d'autonomie des universités sans pleine propriété de leur immobilier, le rapport du 11 octobre souligne que "la création de filiales immobilières des universités pourrait contribuer à une politique de valorisation plus active, à une gestion plus performante". Préconisant le recours à de telles filiales, elle encourage également dans ses recommandations à "effectuer un audit précis et contradictoire des montants de fonctionnement nécessaires pour remettre en état le parc universitaire". Elle recommande aussi notamment de "faire de l'immobilier l'un des volets principaux du dialogue stratégique et de gestion entre le ministère et les universités". Ainsi, "la création de filiales immobilières des universités, facilitée par de récentes évolutions législatives, pourrait contribuer à une politique de valorisation plus active, à une gestion plus performante, assurant notamment une transparence des financements et une responsabilisation des acteurs, en ouvrant aussi l’université sur son environnement urbain en partenariat avec les collectivités responsables du droit des sols", arguent les sages