Gestion de l'immobilier universitaire : trouver les synergies avec les collectivités territoriales
Actif stratégique à valoriser et charge financière à optimiser, l’immobilier universitaire représente le 2e poste de dépense des universités, derrière la masse salariale. Un rapport de la commission des finances du Sénat préconise d'optimiser sa gestion "à l’heure de la nécessaire transition écologique et du déploiement de l’enseignement à distance", en trouvant des synergies avec les collectivités.
"Vieillissant, vétuste, et énergivore", le parc immobilier universitaire constitue "un actif complexe et coûteux à entretenir et exploiter", d'après les conclusions d'un rapport d'information relatif à la gestion de l'immobilier universitaire présenté le 22 septembre 2021 devant la commission des finances du Sénat. Avec 300 biens, il représente à lui seul près de 20% du patrimoine immobilier de l’État. Sur le papier, depuis leur accession à l’autonomie, c’est aux établissements d’enseignement supérieur qu’il appartient d’assurer cette tâche. Dans la majorité des cas, l’État conserve la propriété du bâti et conclut des conventions d’utilisation avec les universités. "Le parc universitaire constitue à la fois un actif stratégique à valoriser, pour permettre aux universités de remplir leurs missions et une charge financière à optimiser, l’immobilier représentant le 2e poste de dépense des universités, derrière la masse salariale", souligne la rapporteure Vanina Paoli-Gagin avant de détailler les différentes difficultés.
Des données parcellaires et approximatives
"Les données relatives au bâti universitaire demeurent parcellaires et approximatives, qu’il s’agisse de son état, son exploitation ou encore des dépenses afférentes à son entretien", regrette Vanina Paoli-Gagin, soulignant également que "la gouvernance des sujets immobiliers se révèle également perfectible". Au demeurant, la mission relève que de nombreux opérateurs ne disposent pas d’équipes immobilières suffisamment étoffées pour répondre aux enjeux stratégiques d’un parc aussi étendu, ce qui se traduirait par "un manque d’expertise interne sur certains sujets".
Dans ce contexte, la rapporteure se dit favorable à un travail de rationalisation des indicateurs demandés, permettant de constituer une base de données plus restreinte mais plus qualitative. Une démarche qui doit selon elle "aller de pair avec un effort de formation des gestionnaires du patrimoine à l’utilisation des outils de suivi informatique". Elle ajoute que "l’interopérabilité des systèmes d’exploitation des opérateurs et des tutelles [...] semble indispensable".
Elle préconise "la professionnalisation des équipes immobilières". "Il importe donc que les universités soient en mesure de recruter des compétences adaptées et diversifiées", estime-t-elle. En parallèle, "il conviendrait d’augmenter la part des établissements qui disposent d’un vice-président en charge du patrimoine et de la transition écologique". Enfin, "étant donné le degré élevé d’expertise de l’Établissement public d’aménagement universitaire de la région d’Ile-de-France (Epaurif), il serait opportun d’élargir au niveau national son périmètre géographique, afin de permettre à tous les établissements de disposer d’un opérateur métier compétent pour optimiser la gestion de leur patrimoine".
Sur le plan des dotations, le rapport estime que les 407 millions d’euros par an alloués par l’État à l’entretien, l’exploitation et la maintenance des bâtiments se révèlent "nettement inférieurs aux besoins constatés". Sans compter que "ces crédits ne sont pas sanctuarisés, puisqu’ils sont globalisés au sein de la subvention pour charges de service public versée aux opérateurs" pour qui "la tentation est grande […] de faire du budget immobilier une variable d’ajustement".
La mission estime "judicieux de rendre obligatoire la constitution d’un budget annexe immobilier pour tous les établissements" ; seules les universités ayant bénéficié de la dévolution du patrimoine étant actuellement assujetties à cette obligation. Enfin, un "effort de planification gagnerait à inclure de façon plus systématique un volet énergétique, afin de garantir une programmation intelligente des opérations, permettant d’optimiser la durée d’indisponibilité des bâtiments, de réduire le coût de la main d’œuvre, tout en assurant progressivement la rénovation énergétique du bâti universitaire".
Un besoin d'investissement estimé à 7 milliards d’euros
La rapporteure pointe le fait que "l’État recourt à de grands rendez-vous via des contrats de plan État-régions ou des opérations ponctuelles comme le 'Plan Campus'" ou les crédits alloués dans le cadre de "France Relance" pour remettre le patrimoine immobilier à niveau. "Des financements ponctuels", qu'elle estime "insuffisants pour enrayer la dégradation du parc immobilier et inadaptés dans leur temporalité […]". La mission rappelle que le besoin global d’investissement dans l’immobilier universitaire est estimé à environ 7 milliards d’euros par la Conférence des présidents d’université ; un chiffre bien au-delà des dotations cumulées de France Relance (1,2 milliard d’euros) et des CPER 2021-2027 (3 milliards d’euros).
La mission regrette par ailleurs un "cadre juridique particulièrement rigide et contraignant" et "la faible souplesse offerte par les règles de la commande publique". Sur ce point, estime la mission, "il serait […] opportun de permettre une mutualisation, entre les établissements, des bonnes pratiques ou des dispositifs innovants". En parallèle, certains assouplissements paraissent indispensables, qu’il s’agisse de l’allègement des procédures, ou de l’abaissement des seuils. Dans ce contexte, le rapporteur serait favorable à la réalisation d’une enquête portant sur les difficultés rencontrées par les établissements d’enseignement supérieur dans ce domaine, afin de dégager des pistes d’évolution à court et moyen terme.
Créer un cadre juridique pour une réelle gouvernance partagée
"La valorisation du patrimoine universitaire constitue à la fois un des principaux leviers dont disposent les établissements pour bâtir les campus du 21e siècle et un moyen de développer leurs ressources propres". En pratique, suggère Vanina Paoli-Gagin, "des synergies peuvent être trouvées avec les collectivités territoriales, les politiques d’enseignement supérieur présentant pour ces dernières un intérêt sous l’angle de l’aménagement du territoire et de l’attractivité". Selon elle, "la valorisation doit permettre une meilleure intégration de l’université dans la ville, avec pour corollaire une diversification des offres de services aux étudiants, ainsi qu’une mutualisation des équipements". Dans ce contexte, "il paraitrait judicieux de créer un cadre juridique permettant une réelle gouvernance partagée avec les autres acteurs publics présents localement". Le rapporteur serait ainsi favorable à l’ouverture du capital des sociétés publiques locales (SPL) aux établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel. Enfin, ces opérations de valorisation ayant habituellement pour conséquence de rendre un immeuble éligible à la taxe foncière, pour un montant souvent supérieur aux recettes perçues, "il pourrait être opportun de réfléchir à un mode de calcul dérogatoire du montant de cette taxe, tenant compte du niveau des recettes perçues par l’université", suggère encore la mission.
Vaste plan de rénovation globale du bâti universitaire
Quant à la nécessaire transition énergétique, "les auditions et déplacements réalisés par la rapporteure ont mis en exergue une grande disparité dans l’implication des universités" en la matière. Les obstacles invoqués sont souvent "de nature budgétaire". Pour la rapporteure, le lancement d’un vaste plan de rénovation globale du bâti universitaire paraît indispensable, ce qu'elle souhaite voir se concrétiser dans un délai court, "puisque en matière d’immobilier, comme de transition énergétique, l’inaction a un coût". Elle nuance tout de même. "Sa réalisation pourrait s’échelonner sur plusieurs années, à l’instar de l’opération Campus, afin de s’inscrire dans une réflexion globale sur les enjeux du campus de demain, en termes d’attractivité, de responsabilité sociétale, d’ancrage territorial, d’innovation ou encore de digitalisation". Elle souligne qu'il faudrait que la dimension énergétique soit néanmoins au cœur de l’opération, "afin de rendre possibles des économies d’énergie substantielles à terme et donc un retour sur investissement".
L’élaboration d’une telle opération s’inscrirait dans la continuité des efforts déployés dans le cadre de France Relance : à la dotation de 1,2 milliard d’euros pour la réalisation de gains rapides succéderait une dotation plus importante pour la réalisation de gains différés.