Enseignement supérieur de proximité à la loupe d'un observatoire et objet d'un deuxième AMI
Cet été, l'enseignement supérieur de proximité cristallise toutes les attentions. Villes de France vient de créer "l’observatoire de l’enseignement supérieur dans les villes moyennes", en accès libre et gratuit, afin d'éclairer les élus sur la formation post-bac sur le territoire. Dans le même temps, un deuxième appel à manifestation d'intérêt (AMI) vient d'être lancé pour répondre à la problématique des 50.000 emplois non pourvus dans l’industrie. Le tout sur fond d'adoption, à marche forcée, d'un projet de loi Recherche et enseignement supérieur.
Sous le feu de l'actualité, l'enseignement supérieur focalise toutes les attentions en cette fin juillet 2020. Face à l'afflux exceptionnel de bacheliers, du fait de la crise sanitaire, les universités sont sous pression. Et le projet de loi sur la recherche vient d'être adopté, le 22 juillet, en conseil des ministres, contre vents et marées (lire l'encadré). Le contexte, peu ordinaire, a aussi vu naître le 16 juillet un nouvel outil : l’observatoire de l’enseignement supérieur dans les villes moyennes, fruit d'un partenariat entre Villes de France et Spallian, PME française experte en data. Son but : "éclairer les élus pour mieux visualiser et comprendre les relations entre l’offre et la demande en formation post-bac sur leur territoire". Ce projet est un aboutissement pour Villes de France qui milite pour l’installation et le développement d’une offre de formation supérieure dans les villes moyenne depuis... longtemps.
Concrètement, l'observatoire, en accès libre, consiste en un tableau de bord interactif. Il est réalisé à partir de données ouvertes publiées par la plateforme Parcoursup. "Pour chaque commune, EPCI ou département, il est possible de cartographier l’offre de formation, de mesurer la tension des différentes filières, mais aussi de filtrer les résultats pour étudier un domaine de formation en particulier", détaille Villes de France dans son communiqué. L'ambition, à terme, est de faire encore évoluer cet outil afin de permettre de croiser les données concernant les offres d'emploi locales avec les offres de formation d'un périmètre identique. Une étape supplémentaire qui "permettrait d'affiner l'offre de formation sur le territoire", précise Bastien Régnier, directeur général de Villes de France.
Fort enjeu d’attractivité pour les villes moyennes
La formation de proximité est en effet un fort enjeu d’attractivité pour les villes moyennes. Et ce pour deux raisons principales, affirme Bastien Régnier : "Il existe un enjeu économique à disposer sur place d'une main-d'oeuvre formée. L'autre est d'ordre méritocratique ; un jeune, s'il n'accède pas à une formation dans sa ville de proximité y renoncera peut-être du fait notamment du coût d'une location dans une grande ville." Villes de France avait, avec quatre autres associations, publié une étude il y a un an, consacrée au rôle de l'enseignement supérieur dans le programme Action Cœur de Ville qui n’avait pas fait, de prime abord, de l’enseignement supérieur et de la formation de proximité un axe fort des actions à mener pour revitaliser les villes (lire notre article du 24 juillet 2019). Et ce, malgré le fait qu’une immense majorité des communes, 218 sur 222 communes sélectionnées, disposent d’au moins une formation post bac, incluant 410.000 étudiants.
Prise en compte dans "Action coeur de ville"
Depuis, la situation a beaucoup progressé. Le ministère de la Recherche et Enseignement supérieur s’est impliqué dans l’animation interministérielle du programme Action coeur de ville (ACV). L'une des traductions est la mise en œuvre des implantations d’antennes du Conservatoire national des arts et métiers (Cnam) dans les villes ACV ( lire notre article du 27 septembre 2019). L’Etat a passé une convention avec le Cnam fixant pour objectif d’ouvrir 100 antennes dans des villes moyennes dont 75 dans des villes ACV. La Banque des Territoires soutient par ailleurs la démarche auprès de 10 antennes pilotes et les accompagne grâce à un soutien à l'amorçage de 100.000 euros. Les premières ouvriront à Cognac, Aurillac ou Cherbourg.
50.000 emplois non pourvus dans l’industrie
D'autre part, un deuxième appel à manifestation d’intérêt (AMI) "Au coeur des territoires" vient d'être lancé le 20 juillet 2020 à Chalon-sur-Saône, en présence de deux ministres Jacqueline Gourault et Agnès Pannier-Runacher, à l’initiative du Conservatoire national des arts et métiers et des programmes ACV et "Territoires d’industrie". "La deuxième phase du programme 'Au coeur des territoires' répond à la problématique majeure des compétences en tension rencontrée par les industriels et aux 50.000 emplois non pourvus dans l’industrie", précise le Cnam dans son communiqué. Cet AMI est ouvert du 20 juillet 2020 au 25 juin 2021. La sélection des dossiers se fera en trois vagues successives qui s'échelonneront jusqu’au 6 novembre 2020 pour la première, jusqu’au 12 février 2021 pour la 2e et jusqu’au 25 juin 2021 pour la dernière. La liste des premières villes retenues sera révélée à l’automne.
Des formations adaptées aux besoins réels des bassins d’emploi
Ce deuxième appel fait suite au premier AMI, également mis en place par le Cnam, en partenariat avec le programme ACV, afin d’étoffer l’offre de formation dans les villes moyennes pour en renforcer l’attractivité économique. "Celui-ci repose sur la construction de parcours de formation adaptés aux besoins réels des bassins d’emploi et en tenant compte de manière concrète de la diversité des territoires", rappelle le Cnam. Le 26 septembre 2019, les 55 premières villes lauréates ont été dévoilées (lire notre article du 27 septembre). Depuis, 5 nouvelles antennes du Cnam ont ouvert et 48 sont en cours d'ouverture d’ici décembre 2020.
"Au delà de l'enjeu d'attractivité, la formation est une réponse à apporter à la jeunesse qui, à la veille de la crise économique qui s’annonce, doit faire l’objet d’une attention particulière", a observé Caroline Cayeux, présidente de Villes de France, qui semble avoir été largement entendue.
Le projet de loi recherche adopté dans un climat de défiance
Maintes fois repoussé, le projet de loi sur la recherche qui prévoit un investissement de 25 milliards d'euros sur 10 ans pour redonner du souffle au système, a été adopté mercredi 22 juillet en conseil des ministres sur fond de vives contestations contre une réforme jugée “en trompe l'oeil”. Fruit de 18 mois de discussions et d'auditions, plusieurs fois reportée, la loi de programmation pluriannuelle de la recherche (LPPR) avait été lancée par Edouard Philippe en février 2019. Elle doit désormais être débattue au Parlement en septembre 2020. Son ambition : donner du "temps, de la visibilité et des moyens" à un système fragilisé par un déficit chronique d'investissement, et remettre la France sur les rails de la compétition scientifique mondiale. Les 25 milliards d'euros doivent être injectés par étapes sur les dix prochaines années via une montée en charge progressive: 400 millions en 2021, 800 millions en 2022, 1,2 milliard en 2023... Avec l'objectif, en 2030, d'un budget annuel de 20 milliards d'euros par an, soit 5 milliards de plus qu'actuellement. Ce projet de loi, présenté par Frédérique Vidal en conseil des ministres ce mercredi 22 juillet 2020, a changé de nom : il s’appelle désormais projet de "loi de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l’enseignement supérieur".
Plusieurs instances consultées ces dernières semaines ont émis des critiques : le Conseil économique, social et environnemental (Cese) dans un avis en juin 2020 considère que l'investissement n'était "pas à la hauteur des défis". L'Académie des sciences a également fait part de sa "déception".
"Personne sans solution à la rentrée !"
Alors que la rentrée s’annonce exceptionnelle en raison de la démographie et d’un taux exceptionnel de réussite au bac, Frédérique Vidal, invitée de France Culture le 22 juillet 2020, a répété son slogan : “Personne sans solution à la rentrée ! C’est pourquoi nous avons mobilisé les lycées professionnels, des places en BTS, 3.000 places supplémentaires, dans tous les établissements d’enseignement supérieur susceptibles d’accueillir tous ces jeunes.
Lors de cet entretien, la ministre a rappelé son attachement à “l’enseignement en présentiel : le numérique peut apporter beaucoup mais il y a dans l'enseignement une part d’interaction. Pour le moment nous en sommes aux règles suivantes : “distanciation sociale, port du masque et puis néanmoins nous avons investi une trentaine de millions d’euros pour préparer des cours à distance pour la rentrée”.
Concernant Parcours Sup, Frédérique Vidal a compté 50.000 jeunes, inscrits sur la plateforme la semaine dernière parmi lesquels “9.500 jeunes ont confirmé leur souhait d’accéder à l’enseignement supérieur. “Nous avons obtenu les financements pour avoir 10.000 places supplémentaires pour l’année prochaine dans des filières les plus demandées”, a t-elle ajouté, notamment “les paramédicales”. “Nous travaillons avec les régions qui sont en charge du financement des écoles d’infirmiers et d’infirmières pour pouvoir augmenter par exemple de 2.000 places ces écoles”, a-t-elle ajouté.
VF avec AFP