Pacte et loi d'orientation et d'avenir agricoles : les trois groupes de travail ont rendu leurs conclusions

Droit à l'essai des nouveaux agriculteurs, incubateurs, diagnostic "transmissibilité", salariat… les trois groupes de travail lancés en décembre 2022 pour travailler sur le pacte et la loi d'orientation et d'avenir agricoles ont rendu leurs conclusions le 6 juin 2023. Les grandes orientations du pacte sont attendues d'ici la fin du mois.

Les groupes de travail nationaux constitués depuis décembre 2022 dans le cadre de la concertation sur le pacte et la loi d'orientation et d'avenir agricoles ont rendu leurs rapports au ministre de l'Agriculture et de la Souveraineté alimentaire le 6 juin 2023. Foisonnant d'idées sur les trois thématiques traitées - "Orientation et formation", "Installation et transmission", "Adaptation et transition face au changement climatique" -, ces groupes, rassemblant des représentants du monde agricole, des filières, de l'enseignement, de l'orientation et de la formation continue et des représentants de l'enseignement agricole et du monde associatif, avancent des propositions concrètes sur le défi majeur du renouvellement des générations, un tiers des agriculteurs devant partir à la retraite dans les dix ans.

Côté installation, l'idée d'aller chercher des futurs agriculteurs chez des personnes non issus du milieu agricole émerge, "qu'ils soient jeunes ou envisageant une reconversion professionnelle", précise la synthèse du groupe de travail. Celui-ci estime qu'il faut une "gouvernance rénovée et renforcée" pour assurer un dispositif d'accueil et d'accompagnement à ces personnes, à travers notamment un guichet unique : un premier interlocuteur renverrait aux structures de formation et d'accompagnement adaptées pour tous les publics, et permettrait d'ouvrir la voie à des projets et des formes d'exploitation diversifiées, comme l’agriculture urbaine. Le guichet "serait au niveau départemental pour des raisons de proximité évidentes", détaille le document, "mais avec une gouvernance régionale forte et un cadre de référence national", sous forme de comité de pilotage régional. Un observatoire national installation transmission (Onit) permettrait aussi d'éclairer le pilotage du dispositif.

Un "droit à l'essai"

Le rapport insiste sur le "droit à l'essai" qu'il faudrait mettre en œuvre pour ces profils non agricoles, avec la possibilité de créer un statut ad hoc et de mettre en place des dispositifs d'incubateurs. Il s'agirait aussi de créer les conditions socio-économiques nécessaires pour réduire la pénibilité et offrir les mêmes facilités de vie que dans les autres secteurs d'activité : protection sociale, congés, possibilité de remplacement, durée de travail, logement, externalisation de prestations… Le rapport estime aussi que la question du salariat doit être posée, puisqu'elle correspond à une aspiration des nouvelles générations, pour une première expérience professionnelle, avant de s'installer, ou dans le cadre de responsabilités moindres qu'un chef d'exploitation.

Sur le foncier, le groupe de travail préconise de maintenir le statut du fermage avec quelques ajustements seulement, notamment en termes d'avantages fiscaux. Ce statut permet d'encadrer les droits et obligations du propriétaire et du locataire dans le cadre du bail rural. Datant de l'après-guerre, il est souvent critiqué par la profession qui estime qu'il est un peu dépassé face aux mutations que vit le secteur.

Le groupe de travail estime aussi qu'il faut favoriser le développement de fonds de portage et de nouveaux outils. À noter : si le rôle des sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural (Safer) a été unanimement salué, le groupe questionne leur gouvernance et leur mode de fonctionnement.

Il propose un diagnostic "transmissibilité" pour s'assurer de la transparence des informations au moment de la transmission. Ce document permettrait d'établir la valeur et le potentiel économiques de l'exploitation à reprendre, ses dimensions environnementales, ses atouts et faiblesses mais aussi les conditions de travail du personnel salarié. Objectif principal : "lever ce qui est parfois vu comme le tabou de la fin de carrière". D'après Chambres d'agriculture France, le nombre de cessations d'activité devrait s'élever à 2.000 par an en moyenne jusqu'en 2023, soit 500 de plus qu'en 2016.

Cinq jours de formation continue annuels pendant cinq ans

Le groupe de travail sur l'orientation et la formation va dans le même sens de faire découvrir à des populations non agricoles ce secteur, et cela, le plus tôt possible, à partir de deux programmes : l'un pour attirer et former plus de jeunes et d'actifs, l'autre pour transformer les formations initiales et continues dans leurs contenus et leurs modalités pédagogiques et faciliter l'accès aux formations. Le premier propose d'améliorer la sensibilisation et l'information de tous les élèves, dont les décrocheurs, par les lycées notamment, mais aussi les demandeurs d'emploi, en associant France Travail.

Le deuxième avance plusieurs idées pour faire en sorte que les formations puissent intégrer les transitions écologique et numérique auxquelles ont à faire face les agriculteurs, dont un module de cinq jours de formation continue annuels réalisés pendant au moins cinq ans de 2024 à 2031 pour tous les actifs agricoles pour faire face à ces évolutions.

Le dernier groupe de travail aborde aussi les questions de transitions environnementales et la santé. Soulignant la "fonction nourricière" de l'agriculture, pour assurer l'objectif de souveraineté alimentaire, le rapport propose notamment de faire évoluer la gouvernance agricole, à travers une organisation interministérielle avec des objectifs et des moyens clairs pour piloter la transition agroécologique et alimentaire, et la mise en place d'un dialogue social national et territorial multipartite et interfilières sur l'alimentation et la transition écologique.

Un Conseil scientifique de l'agriculture et de l'alimentation serait créé, placé a minima auprès des ministres de l'Agriculture et de la Recherche. Le groupe de travail estime aussi qu'il faut favoriser l'innovation, l'expérimentation pour développer de nouvelles pratiques plus vertueuses.

Les premières grandes orientations du pacte et de la loi devraient être annoncées courant juin.