Où est donc passé le bâton de l’Arcep ?
Pour sa première audition devant la commission de l'aménagement du territoire du Sénat, la nouvelle présidente de l’Arcep, Laure de La Raudière, a renvoyé la plupart des problèmes de déploiement des réseaux à un défaut de prérogatives de l’autorité. Les sanctions espérées par beaucoup d’élus ne semblent pas être pour demain.
Laure de La Raudière était auditionnée le 24 mars 2021 par la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable du Sénat sur la couverture fixe et mobile du territoire. La nouvelle présidente de l’Arcep a apporté peu de réponses sur la plupart des "irritants" du moment : mode Stoc (1), complétude des déploiements en zone dense et zones AMII…. Interpellée par un sénateur sur l’absence de réponse à l’un de ses récents courriers, elle a dit "préférer des échanges oraux à des réponses écrites même si cela risque de faire des vagues sur les réseaux sociaux". Une position qui prend le contrepied de la régulation par la data et du franc-parler de son prédécesseur Sébastien Soriano.
Les zones AMII au gouvernement
Interrogée sur le recours éventuel à des sanctions contre Orange qui n’a déployé dans les zones AMII que 80% des prises fin 2020 alors qu’il s’était engagé sur un taux de 92%, la présidente a déclaré "attendre être saisie par le gouvernement", l’accord sur la couverture des zones AMII ayant été signé entre les opérateurs et ce dernier. Idem pour les zones AMEL où l’Avicca pointe pourtant dans une récente prise de parole de vraies défaillances. Quant à la complétude sur les zones denses – où les déploiements tendent à stagner, aucun opérateur ne voulant financer les raccordements "longs" –, c’est la piste d’un nouvel AMII qui serait privilégiée, le régulateur n’ayant pas de leviers juridiques pour agir. Certains habitants des grandes métropoles risquent donc de se retrouver encore longtemps privés de fibre…
Le mode Stoc aux opérateurs
Quant à la piètre qualité des déploiements de la fibre – imputée au fameux mode Stoc (voir notre article du 4 mars) – Laure de La Raudière a reconnu que "ce n’était pas normal" et a indiqué que cette organisation avait été demandée initialement par les réseaux d’initiative publique. "C’est aux opérateurs commerciaux de régler ce problème avec leurs sous-traitants", a-t-elle affirmé. Or si le régulateur est appelé au secours, c’est notamment parce que l’un des principaux donneurs d’ordre – SFR pour ne pas le nommer – refuse pour le moment d’appliquer le nouveau contrat Stoc élaboré par Infranum. L’Arcep suivra les indicateurs de nouvelles procédures validées par ses services, avec de premiers retours promis pour cet été. La présidente a cependant souligné que les opérateurs d’infrastructure, et donc les RIP, gardaient la possibilité de demander aux opérateurs commerciaux d’exclure certains sous-traitants.
Les déploiements mobiles aux collectivités
Sur la dégradation de la qualité du réseau cuivre, au cœur de nombreuses interventions de sénateurs ruraux, elle a estimé que le sujet était "difficile à appréhender avec les outils dont dispose le régulateur". Idem sur une éventuelle régulation de l’usage des appuis aériens pour déployer la fibre. Quant au New Deal mobile, Laure de La Raudière a surtout insisté sur la progression de la couverture 4G, sans se prononcer sur la faiblesse du nombre de sites couverture ciblée effectivement ouverts fin 2020 (579), bien loin des 2.660 sites validés par l’Etat. Les opérateurs buteraient sur le choix des sites d’implantation et sur des problèmes de raccordement électrique, deux sujets impliquant les collectivités.
(1) Mode Stoc : modèle ou contrat dans lequel l’opérateur d’immeuble (OI) "sous-traite" à l’opérateur commercial (OC) le raccordement du client final