Orientation : vent debout contre l'Onisep, Régions de France revendique de nouveau la compétence pleine et entière

Lors d'une audition au Sénat début avril, la directrice générale de l'Onisep a tenu des propos jugés "inacceptables" par Régions de France, en assimilant les services des régions à ceux du secteur privé. Dans un courrier adressé à la ministre de l'Éducation nationale, Carole Delga et François Bonneau demandent un rappel à l'ordre et réaffirment leur exigence d'un transfert complet de la compétence orientation, y compris des moyens humains et techniques.

La tension entre Régions de France et l'Office national d'information sur les enseignements et les professions (Onisep) franchit un nouveau cap. En cause : les déclarations de Frédérique Alexandre-Bailly, directrice générale de l'Onisep, prononcées jeudi 3 avril 2025 lors de son audition devant la commission d'enquête sénatoriale sur les agences de l'État. Sous serment, elle déclarait que "se priver" de l'ingénierie portée par la mission data de l'Onisep – "qu'il s'agisse de la confier aux régions ou au privé" – entraînerait un "risque de diminution du service public ainsi qu'une perte d'économie d'échelle".

Des propos qui n'ont pas tardé à susciter la colère de Régions de France. Dans un communiqué du 10 avril 2025, l'association parle de "propos inadmissibles et offensants" et exprime sa "stupéfaction". En assimilant les services régionaux au secteur privé, la directrice générale de l'Onisep "offense les 550 personnels des régions, des agences régionales et des Carif-Oref qui incarnent au quotidien le service public régional de l'orientation", estime l'association. Les Carif-Oref -  centres animation ressources d'information sur la formation - observatoire régional emploi formation - sont des structures partenariales portées par l'État et la région répartis sur l'ensemble du territoire. 

"Nous ne pouvons accepter une telle remise en cause des agents territoriaux"

Depuis les lois du 5 mars 2014 et du 5 septembre 2018, les régions disposent d'une compétence légale en matière d'orientation et d'information sur les métiers. Une mission qu'elles affirment exercer "avec compétence et professionnalisme", en complémentarité avec l'État. "Nos agents agissent avec les mêmes valeurs de service public que leurs collègues de l'État pour présenter de manière objective et neutre l'ensemble des métiers", rappelle le communiqué, insistant sur la lutte contre les biais sociaux, territoriaux et de genre.

Dans une lettre adressée le 9 avril à la ministre de l'Éducation nationale, de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, Carole Delga, présidente de Régions de France, et François Bonneau, président de la commission éducation de l'association, demandent solennellement que la directrice générale soit rappelée à l'ordre et sommée de retirer ses propos. "Nous ne pouvons accepter une telle remise en cause des agents territoriaux qui œuvrent au service des jeunes, des familles et des professionnels", écrivent-ils.

Un conflit de fond sur le périmètre de la compétence

Derrière l'indignation, les régions réactivent une revendication politique ancienne : obtenir une compétence pleine et entière sur l'orientation, y compris le transfert des moyens humains et techniques encore détenus par l'Onisep. En ligne de mire : les 95 équivalents temps plein (ETP) des directions territoriales de l'Office. Pour Régions de France, ces agents doivent être transférés aux services et agences régionales, afin de mettre fin à une situation qu'elle juge à la fois "inefficace" et "contraire à l'esprit de la décentralisation".

Ce transfert est également présenté comme un levier pour résoudre les tensions persistantes entre la plateforme nationale Avenir(s) développée par l'Onisep, et les plateformes régionales mises en place depuis 2018. La directrice générale a affirmé lors de son audition que "le moment de fraîcheur" de la plateforme Avenir(s) était "derrière nous", une analyse qualifiée de "surréaliste" par Régions de France, qui conteste la valeur ajoutée du dispositif au regard des outils déjà déployés par les collectivités.

Vers une clarification ministérielle ?

Depuis le 12 novembre 2024, six réunions de concertation ont été organisées avec le ministère pour tenter de faire converger les points de vue. Mais pour Régions de France, le compte n'y est toujours pas. "Nous attendons la réponse de la ministre à nos demandes pour exercer la compétence pleine et entière", écrivent Carole Delga et François Bonneau, qui appellent à sortir des "demi-mesures" et à mettre un terme à "l'échec collectif de l'orientation subie dans notre pays".

Alors que la concertation nationale sur l'orientation touche à sa fin, l'épisode témoigne d'un fossé persistant entre l'administration centrale et les collectivités sur la gouvernance de cette compétence partagée. Le gouvernement devra rapidement trancher : clarifier les missions de l'Onisep ou accepter une décentralisation complète du service public d'orientation. Cette clarification avait également été appelée par la Cour des comptes dans son rapport annuel thématique du 19 mars : elle pointait elle aussi, "la confusion dans la répartition des compétences en matière d'orientation entre l'État et les régions, et en appelait à une clarification" (lire notre article du 24 mars 2025). 

 

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