Déchets - Ordures ménagères résiduelles : quel avenir pour les sites de traitement ?
Dans un avis publié le 13 avril, l’Ademe s’interroge sur le devenir des sites de traitement des ordures ménagères résiduelles (OMR), qu’il s’agisse des incinérateurs ou des sites de stockage. Au moment où la loi Notr engage les conseils régionaux dans un nouvel exercice de planification pour la prévention et la gestion de l’ensemble des déchets, l’Agence estime que les collectivités vont devoir "investir et optimiser les unités de traitement existantes" et "privilégier la valorisation énergétique plutôt que l’élimination".
Publié ce 13 avril, l'avis de l'Ademe sur l'avenir des unités de traitement des ordures ménagères résiduelles (OMR) entend éclairer les collectivités, au moment où la loi Notr engage les conseils régionaux à se livrer à un nouvel exercice de planification régionale pour la prévention et la gestion de l'ensemble des déchets. L'Ademe rappelle d'abord que le gisement d'OMR, aussi appelées poubelle grise - ce qui reste après les collectes sélectives -, est appelé à diminuer. La loi de transition énergétique fixe en effet des objectifs ambitieux d'ici à 2025, avec une réduction de moitié des quantités de déchets des ménages et des entreprises admis en décharge (soit près de 10 millions de tonnes en moins).
Réduire la production de déchets
"Au niveau des ménages, la priorité des collectivités est clairement de mener des actions de prévention de la production de déchets et de tri à la source pour orienter un maximum de déchets vers le recyclage ou la valorisation organique (épandage sur le sol, compostage, méthanisation)", note l'Ademe. Pour consolider et amplifier ce mouvement, l'Agence recommande à chaque collectivité de se doter d'un "plan d'actions volontariste de baisse des quantités d'ordures ménagères collectées" et d'outils permettant d'en suivre la progression. Du fait des changements de comportements et de l'optimisation des moyens de collecte à la source permettant une meilleure valorisation des déchets, la quantité d'OMR par habitants devrait significativement baisser à l'horizon 2025, pronostique l'Ademe : de 17,7 millions de tonnes (Mt) en 2013 - dont 7,7 Mt en décharge - à environ 14,7 Mt en 2025 - dont 3,9 Mt en décharge).
Parc d'incinérateurs : privilégier la valorisation énergétique
"Cette réduction des OMR ne peut dispenser les collectivités d'investir et d'optimiser les unités de traitement existantes", prévient toutefois l'Agence qui appelle à privilégier la valorisation énergétique de ces déchets sur l'élimination (incinération sans valorisation performante d'énergie ou enfouissement). L'avis de l'Ademe montre que les projections nationales tablent sur une capacité constante du parc d'incinération (soit 126 unités représentant 15 Mt de capacité annuelle) et qu'il existe un important gisement d'amélioration des rendements énergétiques d'ici 2025. "L'objectif est que l'incinération avec une valorisation énergétique insuffisante (c'est-à-dire avec un rendement inférieur au rendement de référence européen) ait diminué de moitié entre 2010 et 2025, et que l'incinération sans aucune récupération d'énergie (13 unités recevant 0,3 Mt en 2013) ait totalement disparu d'ici 2025", précise l'avis.
Dans ce cadre, l'Ademe recommande aux collectivités maîtres d'ouvrage d'engager des études et discussions avec les collectivités voisines et leurs prestataires afin d'utiliser au mieux les capacités existantes en mutualisant leurs besoins, d'autant que les exigences environnementales autour des unités d'incinération vont se renforcer ces quatre prochaines années. "Cela peut conduire à réduire la part des déchets d'activités économiques non triés entrant dans ces installations et améliorer la valorisation de la chaleur produite", précise l'agence.
Coup d'arrêt à la création d'unités de prétraitement
En cas d'absence d'installation d'incinération avec valorisation énergétique, la pertinence de nouvelles unités de prétraitement des OMR (2,2 Mt d'ordures ménagères résiduelles ainsi traitées en 2013) pose question, selon elle. De manière générale, l'Ademe ne recommande pas la création de ces unités de prétraitement sur OMR. Les déchets résiduels étant très hétérogènes, elle estime que leur tri mécanique risque de ne pas être assez performant pour préparer des matières reprises par les recycleurs. En outre, "ce tri apparaît aujourd'hui comme un risque technique (technologies de tri en évolution, peu validées sur des ordures ménagères) et surtout un pari économique", estime-t-elle. "Les promoteurs de tels équipements doivent valider la réalité des performances techniques et économiques revendiquées et leur adéquation aux déchets résiduels de demain", souligne-t-elle. De plus, "la priorité pour la préparation de combustibles à partir de déchets non dangereux non recyclables est d'accompagner une structuration de cette filière émergente, à partir notamment des refus de tri de déchets d'activités économiques ou d'emballages et papiers ménagers, plus homogènes et au pouvoir énergétique plus élevé", avance l'Ademe. "Quelques démonstrateurs sur ordures ménagères déjà identifiés sont en démarrage et feront l'objet d'une évaluation mais doivent rester à ce stade une exception", estime-t-elle.
A ses yeux, le prétraitement dont l'objectif est principalement une "stabilisation" des OMR, c'est-à-dire une réduction du potentiel évolutif des ordures ménagères avant stockage, peut trouver sa pertinence, notamment dans les territoires d'outre-mer ou dans les îles. "Celui-ci devra relever d'une analyse économique des collectivités et du planificateur régional, prévient l'Ademe. En effet, ce prétraitement contribue faiblement à l'atteinte des objectifs de recyclage et valorisation de la loi (récupération minime de matière ou d'énergie par rapport à l'enfouissement). S'il peut contribuer à une meilleure acceptabilité, il augmente le coût d'élimination."
Enfin, pour les unités existantes, "une reconversion permettant d'adapter l'installation au déploiement du tri à la source des biodéchets doit être envisagée", estime l'Ademe.
L'association Zero Waste France, qui milite pour la réduction des déchets, s'est félicitée dans un communiqué que l'Ademe reconnaisse que "la France n'a pas besoin de nouvelles capacités d'incinération". Elle demande un gel des projets d'installations de traitement des OMR, pendant le travail de planification mené par les régions et "espère" que l'analyse de l'Ademe concernant le prétraitement des OMR "mènera à l'abandon définitif de cette technologie".