Commande publique - Offre anormalement basse et demande de précisions : pas d'obligation de poser des questions spécifiques
Dans un arrêt du 29 octobre 2013, le Conseil d'Etat apporte une précision quant à la mise en oeuvre de l'article 55 du Code des marchés publics (CMP) qui autorise le pouvoir adjudicateur à écarter une offre anormalement basse. La procédure prévue à cet article, qui impose à l'acheteur public d'effectuer une demande de précisions et de justifications auprès d'un candidat dont l'offre de prix lui semble anormalement basse, n'implique pas pour autant de lui poser des questions spécifiques sur certains points jugés imprécis.
Dans les faits, le département du Gard avait lancé une procédure d'appel d'offres ouvert pour un marché de maîtrise d'oeuvre en vue de la mise en accessibilité aux personnes handicapées des collèges publics et des bâtiments départementaux. Une agence d'architecture dont l'offre a été rejetée par l'acheteur public pour son caractère anormalement bas a saisi le juge des référés du tribunal administratif pour voir la procédure de passation annulée. Bien que le pouvoir adjudicateur l'ait invité à fournir des explications sur le prix de son offre, le candidat évincé estimait que le département avait méconnu les dispositions de l'article 55 du CMP, qui prévoient qu'une offre ne peut être rejetée comme anormalement basse qu'après une demande de précisions pour justifier l'offre de prix du candidat.
Le tribunal fait droit à sa demande estimant que le département aurait dû poser au candidat des questions plus spécifiques pour considérer effectivement que le prix proposé était anormalement bas. Le département conteste l'annulation de la procédure de passation et se pourvoit alors devant le Conseil d'Etat.
L'article 55 du CMP oblige-t-il le pouvoir adjudicateur à poser des questions spécifiques au candidat dont il juge que son offre est anormalement basse? Les juges du Palais Royal répondent par la négative. Celui-ci annule l'ordonnance du tribunal, jugeant que les dispositions de l'article 55 du CMP imposent "au pouvoir adjudicateur qui constate qu'une offre paraît anormalement basse de solliciter auprès de son auteur toutes précisions et justifications de nature à expliquer le prix proposé, sans être tenu de lui poser des questions spécifiques". Le département n'avait donc pas l'obligation de poser des questions spécifiques sur "les modalités de réalisation de la prestation de service proposée", élément manquant de clarté pour le pouvoir adjudicateur. La haute juridiction effectue ensuite un contrôle restreint sur la décision de rejeter l'offre comme anormalement basse. Elle constate que l'offre en cause est "largement inférieure" à l'estimation de l'acheteur public, "à la moyenne des offres des candidats, à celle du candidat retenu ainsi qu'au barème indicatif pour des missions de ce type proposé par la mission interministérielle pour la qualité des constructions publiques". Dans le même temps, pour justifier son prix, le candidat "se borne à mettre en avant sa longue expérience et le contexte économique difficile", souligne le Conseil d'Etat. Ces éléments ne sont pas suffisants pour justifier le prix bas. Le département n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation sur le caractère anormalement bas du prix de l'offre et se trouvait donc fondé à écarter celle-ci.
L'Apasp
Référence : Conseil d'Etat, 29 octobre 2013, n°371233